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Le projet Borloo : chômeurs livrés en pâture au patronat

Publie le mercredi 15 septembre 2004 par Open-Publishing
2 commentaires


Fanny Doumayrou

Le projet Borloo prévoit d’augmenter la pression sur les chômeurs pour leur faire
accepter n’importe quel emploi. Il instaure un dispositif de sanctions et ouvre
le service public de l’emploi à des agences privées et aux entreprises de travail
par intérim

C’est une nouvelle attaque d’ampleur contre les libertés des chômeurs que prépare
le ministre du Travail Jean-Louis Borloo, dans le plan qu’il présente ce matin
en Conseil des ministres, et qui sera débattu à partir de la mi-octobre au Parlement.
Il s’agit de répondre au " problème du chômage ", tel que le conçoivent le patronat
et le gouvernement : le pays compte au moins 4 millions de chômeurs, ce qui constitue
déjà une pression importante sur les salariés.

Mais malgré tout, ces derniers, avec ou sans emploi, continuent de résister tant bien que mal, ne sont pas écrasés au point d’accepter le premier travail venu, mal payé, sous-qualifié et pénible. Il faut en finir avec cette résistance !

À cet effet, le volet emploi du plan Borloo prévoit d’accroître le contrôle pesant sur les demandeurs d’emploi, dans le cadre d’un " service public de l’emploi " largement ouvert au privé, soumis à l’UNEDIC, et chargé de pousser au " retour à l’emploi " le plus rapide possible, aux conditions dictées par les employeurs. Actuellement, le Code du travail stipule qu’un chômeur a droit à une allocation à partir du moment où il " accomplit des actes positifs de recherche d’emploi ". Borloo veut durcir cette obligation : le chômeur devra accomplir des " actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi ", et " participer à toute action d’aide à la recherche d’emploi, d’insertion et de formation qui lui est proposée par le service public de l’emploi ". Autrement dit, le demandeur d’emploi sera totalement soumis aux services de placement. Il ne pourra plus refuser une formation qui n’a rien à voir avec son profil, mais qui correspond aux secteurs qui recrutent (hôtellerie, restauration, bâtiment). Dans la catégorie " insertion ", il ne pourra pas non plus refuser un stage gratuit ni un contrat d’insertion RMA (revenu minimum d’activité).

Contrôle et sanctions

Cette obligation se double évidemment d’une sanction. Actuellement, un chômeur peut perdre son allocation s’il refuse " un emploi compatible avec sa spécialité ou sa formation antérieure, ses possibilités de mobilité géographique compte tenu de sa situation personnelle et familiale, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et dans la région ". Dans le projet Borloo, on tient compte de la formation antérieure du chômeur " ou de celle que le service de l’emploi lui propose ou lui a permis d’acquérir ". La boucle est bouclée : un chômeur sera sanctionné s’il refuse un emploi dans un secteur dans lequel on l’a obligé à se former. De même, le critère géographique est apprécié aussi en fonction " des aides à la mobilité qui sont proposées " au chômeur. Sous prétexte du versement d’une petite prime, il faudra aller travailler à l’autre bout du département... Comme le suggérait le rapport Marimbert s’inspirant de la récente réforme allemande, la pression de la sanction est renforcée par un système de gradation. L’allocation pourra être d’abord réduite, avant la punition finale de la suppression.

Mais qui sera chargé de ce contrôle ? La décision finale de la sanction reste sous l’autorité du préfet du département, dans le cadre d’une procédure dite " contradictoire ". Mais les " opérations de contrôle de la recherche d’emploi " exercées par des agents du ministère du Travail sont élargies aux agents ANPE et surtout aux agents des ASSEDIC. L’organisme d’assurance chômage, géré paritairement mais dominé par le patronat, mettra certainement beaucoup d’énergie dans ce nouveau pouvoir de contrôle, qui pourra aboutir à des économies par la suppression d’allocations.

Agences privées de placement

Pour s’appliquer pleinement, ce dispositif s’accompagne d’une casse du " service public de l’emploi " (SPE), constitué du ministère du Travail, de l’ANPE et de l’AFPA. Aujourd’hui, même largement gagnée aux critères patronaux, l’ANPE continue en partie à travailler au service des chômeurs, de leurs projets et exigences. Le projet Borloo veut supprimer cette spécificité, en mettant l’agence en concurrence avec des agences privées de placement, dont la création est autorisée. L’ANPE elle-même pourra fonctionner comme une boîte privée, " prendre des participations ou créer des filiales pour l’exercice de ses missions ", et " facturer ses prestations aux entreprises qui font appel à elle ". Le texte garantit au chômeur le " libre accès " aux services de placement et la " non-discrimination ", mais les critères de rentabilité pousseront les agences privées tout comme l’ANPE à faire le tri et à bichonner les demandeurs d’emploi présentant le meilleur profil. Le projet élargit d’ailleurs le périmètre du " service public de l’emploi " à ces opérateurs privés, aux entreprises d’intérim, aux boîtes de formation, à l’UNEDIC et aux ASSEDIC, ainsi qu’aux collectivités territoriales. Il prévoit la création d’un " dossier unique du demandeur d’emploi, auquel auront accès tous les organismes qui concourent au suivi et au placement de celui-ci ". Un fichage liberticide et dangereux au regard du durcissement du contrôle et des sanctions.

La mutation du service de l’emploi - qui n’aura plus rien de public - se concrétise aussi par la création de 300 " maisons de l’emploi ". Ces maisons sont présentées par Borloo comme une amélioration de l’aide aux chômeurs, justifiant en contrepartie le contrôle accru. Mais leur mission principale est " d’exercer des actions en matière de prévision des besoins de main-d’oeuvre et de reconversion des territoires, notamment en cas de restructurations ". Sortes de tours d’observation du marché du travail local, elles regroupent tous les acteurs du SPE nouvelle version, ainsi que des représentants des employeurs qui seront aux premières loges pour exprimer leurs besoins immédiats en main-d’oeuvre et en formations, et faire orienter les demandeurs d’emploi vers ces secteurs. Le nombre de maisons (trois par département), exclut de toute façon qu’elles rendent de réels services de proximité aux chômeurs.

Nouveau contrat précaire

Enfin, le plan Borloo n’oublie pas d’apporter sa pierre au monument des contrats sous-payés et sans perspectives proposés - et bientôt imposés - aux chômeurs au nom de leur insertion. Le " contrat d’activité ", récemment rebaptisé " contrat de mobilisation vers l’emploi " par le ministre, est l’équivalent pour les communes et les associations du RMA créé l’an dernier pour le secteur marchand. Ce sera un CDD de six mois renouvelable dans la limite de trois ans, payé au SMIC horaire pour 26 heures par semaine en moyenne (750 euros brut environ). Pour plus de flexibilité, l’employeur pourra moduler l’horaire dans la limite de 35 heures par semaine. Une formation est prévue, mais pas sa rémunération ! Comme pour le RMA, l’employeur touchera une aide de l’État équivalent à l’allocation du RMI. Au passage, le ministre veut modifier les critères d’accès : le contrat de mobilisation vers l’emploi, tout comme le RMA seraient ouverts non seulement aux allocataires du RMI (1 million), mais aussi aux personnes touchant l’ASS (400 000), après seulement six mois d’allocation. La fiction d’un contrat destiné aux chômeurs en grande difficulté, qui justifierait d’après le gouvernement le caractère dérogatoire de ces contrats, éclate. Les employeurs ne se priveront pas de sélectionner les candidats et de faire travailler à bas coût des chômeurs parfaitement au point.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-09-15/2004-09-15-400509

Messages

  • Comme d’habitude, certain se contente des miettes du festin, retombant dans les errements d’avant la déconfessanilisation : lire : Un vaste chantier
    bientôt au Parlement
    .
    Les autres associations caritatives dont la raison d’être est justement la pauvreté (cyniquement, je dirai que le pauvre est un "marché", condition de leur survie), ne pouvaient qu’approuver globalement des mesures foncièrement de droite, où la charité remplace le droit et le progrès social (quoiqu’on en dise, il n’est pas venu tout seul : bien d’autres avant nous se sont battus pour conquérir nos droits actuels, que certains pillent allègrement)

    Voila qui ne risque pas de remettre en cause l’ordre social !

    Sommes nous, en tant qu’organisations collectives, tombés si bas ? Si oui, c’est à désespérer ( j’ajouterai : à vomir) !

    Si non, il est temps de s’organiser, d’être solidaires : pas seulement pour quelques piécettes, mais pour construire nsemble une nouvelle utopie, c’est à dire d’élargir le possible, l’exporer

    Patrice Bardet

    • cher patrice les jaunes de la cfdt continuent toujours de gesticuler pour nous faire croire qu’ils sont encore un " syndicat " preuve en est et merci pour le lien qu’ils négocient en douce l’application du Rma - Sto et du sous smic " revenu " d’activité - Sto avec des organisations caritative et des élus régionaux droitistes et soces dems comme emmaus qui n’avait rien trouvé de mieux a faire que d’organiser une " exposition " sur la pauvreté au musée de l’homme financée par le conseil régional de paris et qui fut occupée par des camarade des comité de chômeur(ses) et précaire

      voici donc pour vous éclairer les " propositions " des jaunes pour mieux aider le boorlo et sa clique

      au dix neuviéme siécle les patrons paternalistes envoyaient leur femmes visiter leurs pauvre

      au vingt et uniéme siécle c’est la cfdt qui visitent ceux causé par les raffaradin silliére chirac sarkosme

      anarcho Punks paris

      tiré de la poubelle internet du syndicat jaune

      Donner une vraie cohérence
      au plan de cohésion sociale

      Les organisations et fédérations signataires : FNARS, COORACE, CNEI, Emmaüs France, Solidarité Nouvelles face au Chômage, Réseau Chantier école, le CNLRQ (Régies de quartier) et la CFDT observent qu’une partie de leurs propositions communes transmises le 24 mai au gouvernement est désormais intégrée. Il s’agit notamment du soutien à l’insertion par l’activité économique. Plus largement, elles apprécient le retour à une approche économique et solidaire de la situation des personnes éloignées de l’emploi. Le caractère pluriannuel du plan de cohésion sociale ainsi que l’intégration de plusieurs dimensions contribue à combattre l’exclusion des personnes dans sa globalité.

      Les organisations signataires s’étonnent de l’absence d’une politique de développement de l’emploi, comme de la faible implication demandée aux entreprises du secteur marchand pour s’engager dans l’insertion vers l’emploi durable. Elles s’inquiètent des risques de dérégulation des contrats de travail à partir de l’élargissement du recours au travail temporaire.

      Elles soulignent que contrairement aux annonces du plan aucune mesure précise n’existe pour les jeunes en très grande difficulté. Pour les personnes les plus exclues, l’effort d’insertion doit être soutenu et continu pour refuser une démarche résignée d’assistance à leur égard.

      Au-delà des points précis sur le logement, l’égalité des chances et l’emploi qu’elles comptent faire évoluer dans le projet de loi, les organisations et fédérations signataires demandent aujourd’hui que des améliorations essentielles soient apportées. Il s’agit de donner une vraie cohérence et une réelle efficacité au plan.

      Dans ce sens, les organisations et fédérations signataires émettent trois propositions essentielles au Gouvernement et au Parlement à introduire dans la loi :

      1. Ouvrir un droit à un espace d’expérimentation et de souplesse des dispositifs d’insertion :
      Le plan juxtapose des dispositifs ciblés de retour à l’emploi ou d’insertion. Ces dispositifs d’insertion et d’accompagnement doivent pouvoir être adaptés aux besoins des personnes, à leur situation particulière, sans qu’ils en soient écartés par des critères trop stricts. Les maisons de l’emploi doivent se voir dotées du pouvoir d’expérimentation dans le cadre de la charte territoriale de cohésion sociale. Toutes les parties prenantes : partenaires sociaux, associations de lutte contre l’exclusion, acteurs de l’insertion, collectivités territoriales, service public de l’emploi, doivent être associées à son élaboration.

      2. Créer et renforcer les instances de coordination et d’évaluation :
       au plan territorial, (régions, départements, collectivités locales) il s’agit d’assurer une synergie de l’intervention des acteurs, la qualité et la cohérence des actions ainsi que leur évaluation. Dans ce sens, les chartes territoriales de cohésion sociale et les maisons de l’emploi doivent être une base d’appui. Les concertations doivent déboucher sur des contrats territoriaux.

       au plan national, en complément des instances de consultation prévues par le projet de loi, il est nécessaire de créer un conseil d’orientation pour l’emploi, sur le modèle du conseil d’orientation des retraites. A partir d’un diagnostic partagé, il permettrait aux pouvoirs publics, aux partenaires sociaux et aux acteurs de l’insertion de mener une stratégie cohérente pour mobiliser la société autour du plein emploi de qualité.

      3. Garantir que l’intégralité des crédits prévus soit réellement affectée aux programmes du plan.
       Pour que l’engagement de l’Etat en matière d’emploi, de logement et plus largement de lutte contre les exclusions soit à la hauteur des ambitions du plan de cohésion sociale, comme de l’aggravation du chômage et de l’exclusion. Les signataires souhaitent avoir l’assurance d’une sanctuarisation des crédits pour l’insertion et la lutte contre l’exclusion.

       Pour que l’évaluation des objectifs du plan de cohésion sociale débouche sur des ajustements des programmes, y compris le report d’une année sur l’autre des actions. Par ailleurs des crédits doivent être affectés à la recherche – développement pour la création et l’accroissement des activités de l’économie solidaire.

      Au moment où s’est réouvert le débat sur les 35 heures, les signataires jugent qu’il serait préférable d’encourager le bénévolat par la loi et des accords collectifs. Sur une base volontaire, il s’agit de favoriser l’accompagnement de personnes éloignées de l’emploi jusque dans l’entreprise et de participer à la création et au développement de nouvelles activités économiques, support de nouveaux emplois. Ceci doit contribuer à la reconnaissance des personnes qui s’y engagent. Ainsi, ce temps mobilisé serait consacré à une réelle action pour la cohésion sociale, qui réponde à une logique économique.

      En conclusion, les signataires soulignent qu’au-delà des mesures législatives et réglementaires, seule une mobilisation exceptionnelle de l’ensemble des acteurs concernés (entreprises, syndicats, collectivités territoriales, services de l’Etat, structures et réseaux d’insertion et de lutte contre l’exclusion) permettra d’inverser l’évolution dramatique du chômage et de modifier les comportements. Au moment où la croissance redémarre, il serait inacceptable de ne pas associer tous ceux qui ont été exclus au cours des dernières années. C’est pourquoi des états généraux sur le chômage, l’insertion et l’emploi doivent être organisés.

      Les signataires demandent en outre que le ministre s’engage à faire le point chaque mois avec les partenaires sociaux et les acteurs de la lutte contre l’exclusion sur la mise en œuvre du plan, les difficultés rencontrées, les infléchissements nécessaires.n

      Déclaration commune de structures de l’insertion et de la CFDT © CFDT (communiqué de presse mis en ligne le 15 septembre 2004