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Mélenchon sur ITélé : "Zemmour n’est pas raciste", "c’est un intellectuel" qui a dit "une bêtise" (video)

29 mars 2010, 20:46

Le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin

"...Derrière son côté réac bon teint étriqué dans ses chemises roses tout droit sorties des mauvaises comédies de boulevard, Éric Zemmour est tout sauf un amuseur public indolore qui dit « tout haut ce que les gens pensent tout bas ». C’est un homme dangereux, car en perpétuelle mission. L’une des pires qui soit. Participer au réveil de la France rance.

Que ce soit dit  : Zemmour ne dérape jamais. Il exprime toujours sa pensée profonde – encore qu’en termes de profondeur, l’exploration de son sur-lui idéologique pourrait nous révéler bien des surprises… Symptôme de l’ère Nicoléon, mélange de lepénisme soft et de maurrassisme déclaré, le petit-polémiste du Figaro a été embauché par RTL. Carte blanche. Triomphe populaire du populiste. Derrière ce micro, arrogant et inquisiteur, Zemmour dépasse les bornes en toute impunité. Obsédé par l’islam (un péril), l’immigration (on nous ment), les quartiers populaires (des zones de non-droit), l’identité nationale (forcément coulée dans le marbre), la chrétienté (divine et éternelle), etc., il radicalise la moindre de ses paroles. Insupportable mécanique des lettrés en croisade. Plus funestes encore sont-ils…

Sur RTL, il déclare, le 3 février  : « Deux cent mille avortements chaque année depuis la loi Veil. On est passé de la tolérance compassionnelle à un droit acquis qu’on veut toujours développer davantage, un mélange de tentation bureaucratique, de fureur égalitariste et d’idéologie féministe. » Le 8 mars, au même micro, il éructe  : « Il faut détruire la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), qui encourage et favorise la délation et l’irresponsabilité. Il est tellement plus confortable de faire porter ses échecs à des prétendues discriminations qu’à ses propres faiblesses. » Le 6 mars, sur France Ô, il lance  : « La discrimination, c’est la vie, c’est le choix, et c’est la sélection  ! » Puis, le même jour, sur Canal Plus, un sommet nauséeux  : « Ce pays est blanc et chrétien depuis deux mille ans, que vous le vouliez ou non. (…) La plupart des trafiquants sont noirs ou arabes, c’est un fait. »

Ne nous y trompons pas. Éric Zemmour, qui fait l’éloge de la France des dictatures impérialistes dans son dernier livre, Mélancolie française (Fayard-Denoël), assume. Il plaide pour des statistiques ethniques, pense que « la France est le pays des guerres de Religion », qu’« on y retourne tout droit »… On ne nous fera pas croire que ses prestations du samedi soir, dans une ambiance de corrida humoristique, sont totalement innocentes. Chez lui, la mélancolie vire vite à la nostalgie et la nostalgie sombre immanquablement dans l’extrémisme ultradroitier. Même Laurent Ruquier s’interroge  : « Éric doit se méfier de lui-même. (…) Les propos qu’il a tenus chez Ardisson me dérangent. (…) La liberté d’expression, c’est vital, tant qu’elle reste admissible et non condamnable. On avisera, si la loi le condamne. »

Quant au Figaro, parlons-en. Zemmour devait être convoqué par son employeur (lassé de ses absences), en vue d’une séparation. Le chroniqueur s’est aussitôt fendu d’un communiqué pour exprimer des « regrets » d’avoir pu « heurter » (sic)… Contente de cette « mise au point » (re-sic), sa hiérarchie a annulé cette convocation… Difficile de croire que ses excès verbaux étaient à l’origine de cette « gêne » – faute de quoi, il leur faudrait licencier une bonne partie de la rédaction, à commencer par Ivan Rioufol… Entre-temps, tous les réseaux s’étaient activés pour « sauver le bon soldat Zemmour ». De l’Élysée à l’avocat général Philippe Bilger, censé dire le droit au nom de la nation ( !), sans oublier les lecteurs du Figaro eux-mêmes  : des milliers de mails de protestation envoyés à la rédaction, assortis de menaces de désabonnement en masse en cas de sanction contre leur chouchou… Les ouvriers, les femmes, les pauvres, les héritiers de l’immigration, les progressistes  : voilà les ennemis de Zemmour, figé dans une France fantasmée, datée, identitaire et culturellement ethnique, loin des réalités dont il ne connaît assurément pas grand-chose. Ce n’est pas sa liberté d’expression qui est en cause aujourd’hui. C’est la manière dont il en abuse, qu’il faut combattre point sur point. Qu’est-il donc, par exemple, quand il sépare systématiquement certains faits de leur contexte économico-social  ? Un idéologue. Rien qu’un idéologue."