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90 ans après le Congrès de Tours, où en est le communisme ?

9 janvier 2011, 16:18

"L’enjeu est donc de construire avec tous ceux qui ont conscience des bouleversements à venir une organisation politique qui prenne en compte la réalité, qui l’appréhende et l’étudie pour en diffuser et partager les visions les plus éclairantes dans le peuple afin que le mouvement populaire puisse acquérir les outils théorico-pratiques de son rôle transformateur.

C’est ainsi que le nouveau parti révolutionnaire pourra devenir un instrument utile au mouvement en faveur de l’auto-organisation populaire et démocratique nécessaire à édifier la société humaine du XXIème siècle."

Il n’est pas question ici de dire qu’il ne faut pas de parti, je n’ai jamais écrit que l’auto-organisation du peuple était suffisante. Elle est la condition d’un rassemblement politique de masse qui permette au mouvement populaire d’avoir son autonomie au sein de la lutte de classe. Sans cette autonomie consciente des enjeux, le mouvement se fera manipuler, détourner de ses objectifs. N’est-ce pas un enseignement fondamental de l’histoire du mouvement ouvrier ? Mais justement rares ont été les partis communistes qui ont posé la question de cette autonomie populaire, des rapports de la classe laborieuse à l’Etat, de la critique indispensable des institutions et surtout des institutions que la révolution se donne.

Nous vivons la plus grande crise de l’époque contemporaine, celle qui résulte de la contradiction entre l’explosion des forces productives et l’étau insupportable dans lequel le capitalisme les enserre : analyser cette réalité est la condition fondamentale pour envisager une perspective politique. Or la gauche institutionnelle française est à mille lieux de cela. Elle continue à considérer qu’il est impossible de passer au communisme ici et maintenant, le reléguant soit aux oubliettes de l’Histoire, soit au futur de Léo Férré... dans 10.000 ans. D’où les thèses réformistes que Yvon Quiniou rappelle dans son texte "« Thèses pour un communisme futur à partir du moment présent »
et qu’il semble adopter en se fondant sur le concept "d’évolution révolutionnaire". L’évolution révolutionnaire était sans doute possible dans le capitalisme précédent mais nous n’en sommes plus là. A l’évidence le "pacte" du CNR qui avait cadré une certaine forme de la lutte des classes est mort. Nous pouvons le regretter évidemment mais il faut considérer que c’était une forme de parenthèse en faveur du peuple avant l’échéance de la bataille terrible (et définitive ?) entre le capital et le travail dans la phase que nous vivons actuellement. Ce "pacte" a peut être d’ailleurs créé l’illusion qu’il était possible de réformer le capitalisme d’où l’influence réelle de la social-démocratie qui commence à se réduire sensiblement parmi le peuple à mon avis en raison de l’âpre réalité de la crise capitaliste. Du fait de cette crise nous entrons dans le vif du sujet, cette fois ci ce n’est plus un pacte : c’est la vie ou la mort, c’est capitalisme barbare contre un communisme humaniste pour caricaturer à peine le combat qui a commencé et auquel nous allons devoir nous livrer en reconstruisant une organisation révolutionnaire.

Le mouvement populaire de transformation n’en est qu’à ses débuts car il est le produit de cette nouvelle situation. Parce que cette situation est inédite, il cherche une voie autre que tout ce qui a été réalisé jusqu’ici et cela est difficile, douloureux...rien ne nous interdit de penser que la crise donnera des accélérations de l’histoire démocratique comme elle peut entrainer de graves reculs de civilisation. L’affaire est à un niveau bien plus profond que de simples élections présidentielles dont le résultat pourra du jour au lendemain être anéanti par le mouvement des masses en fonction de leurs réactions vis à vis de la crise qu’elles vont subir, qui va être encore plus terrible que ce que nous connaissons déjà et à laquelle il va falloir faire face pour mobiliser, former, éduquer à l’auto-organisation populaire et révolutionnaire. Soyons réalistes, la déferlante du tsunami arrive, face à elle, seul un mouvement populaire d’ampleur pourra l’affaiblir et l’anéantir, pas une élection truquée d’avance et pas plus des combinaisons d’appareils comme le Front de gauche.

Je suis partisan de l’auto-organisation populaire. Que veut dire auto-organisation ? Cela signifie que la classe laborieuse s’organise elle-même indépendamment des professionnels du syndicalisme et de la politique. Qu’elle se donne comme principe la révocabilité de ses délégués. Cela signifie que les citoyens décident du contenu et de la forme de leurs luttes indépendamment des manoeuvres électoralistes ou des injonctions de telle ou telle organisation, telle ou telle institution, de telle ou telle campagne médiatique. En cela cette auto-organisation n’a pas en elle même un caractère spontané même si elle peut être la continuité de mouvements spontanés qui cherchent leur efficacité, c’est une élaboration collective et démocratique pour laquelle les militants les plus avancés du mouvement social doivent en toute humilité apporter leur expérience mais sans prétendre tout dicter ou tout diriger, toujours en respectant les décisions prises démocratiquement. Cette auto-organisation qui peut et doit se construire a besoin d’être aidée, alimentée théoriquement et structurée pratiquement par tous ceux qui ont conscience que la lutte de classes va passer dans une phase décisive dans les prochains mois et les prochaines années, autrement dit par les éléments les plus critiques et les plus conscients du mouvement social et politique qui considèrent que la bataille est de donner la priorité à l’organisation qualitative du mouvement des masses car c’est de la qualité politique que grandira le nombre de citoyens combattants et déterminés. Partout où cela est possible l’idée de créer des comités populaires autonomes des bureaucraties syndicales et politiques doit être un objectif à atteindre afin que cette auto-organisation prenne corps. Elle peut rapidement prendre de l’ampleur, car une énorme aspiration démocratique existe. Mais elle ne peut se fonder ex-nihilo, elle a besoin de militants aguerris, rompus aux meilleures pratiques démocratiques qui encouragent les citoyens à prendre leurs propres initiatives et les accompagnent dans cette conquête d’autonomie et d’espoir. La France est un pays de ce point de vue qui est plein de ressources, le mouvement associatif, syndical, politique a déjà formé des milliers d’animateurs profondément attachés à la démocratie qui sont ou seront prêts à jouer un rôle déterminant dans le combat de classe et qui en s’y engageant décideront au regard des nécessités et des opportunités historiques de fonder l’organisation révolutionnaire dont nous avons besoin.

En ce sens la distinction gauche/droite n’a qu’un sens politicien si elle est détachée de la lutte de classe. Dans la France contemporaine les travailleurs de droite ne peuvent être considérés comme des adversaires car ils sont comme les autres victimes du capitalisme. Le travail de l’auto-organisation populaire est fondée sur la destruction de clivages politiciens qui divisent le peuple afin au contraire de formuler des objectifs qui rassemblent, en démontrant dans les luttes que c’est la classe travailleuse qui porte les intérêts de toute la nation et que c’est pour cette raison qu’elle doit prendre le pouvoir et diriger la société.

Jean-Paul Legrand