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"La Révolution, c’est être traité et traiter les autres comme des êtres humains."

15 janvier 2011, 21:51, par Jacques-François Bonaldi

La raison du maintien de cette enclave yankee à Cuba est simple : la Révolution en a hérité en 1959. La base navale de Guantánamo date de 1902, après que Washington, qui occupait militairement l’île depuis 1898, eut imposé l’amendement Platt comme annexe de la Constitution cubaine aux constituants, lequel impliquait, entre autres, que le nouveau gouvernement cubain instauré le 10 mai 1892, lui cédât quatre bases navales « charbonnières ». Finalement, les Cubains obtinrent de réduire cette quantité à une seule, qui fut celle de Guantánamo dans une des plus grandes baies du pays. Je rappelle que l’acceptation de l’amendement Platt par l’Assemblée constituante était une condition sine qua non pour que les troupes d’occupation étasuniennes abandonnent le pays. Sans amendement Platt inscrit dans la Constitution cubaine, pas d’indépendance.

La Révolution a donc hérité de cet état de choses. Comme toujours dans les contrats avec requin et sardine, les conditions étaient léonines : aucun délai n’était prévu au départ de Washington et à la rétrocession du territoire au gouvernement cubain. La concession était illimitée. En bon droit international, il est une clause (rebus sic stantibus) en vertu de laquelle les traités sans terme défini contiennent une condition tacite : ils durent tant que durent les circonstances ayant existé au moment de leur signature et que leur changement n’a pas été prévu ; il est contraire à la raison et à la nature que les traités soient perpétuels. Cette clause invalide donc le traité, puisque les circonstances au moment de la signature en 1902 existant entre les deux pays ont radicalement changé à partir du 1er janvier 1959.

En fait, la location de la baie de Guantánamo est nulle et non avenue du simple fait de la manière dont le contrat a été imposé. De nombreuses autres clauses du droit international invalide ce contrat.

Mais pour résilier un contrat, il faut être deux. Washington s’y refuse, s’estimant dans son bon droit...

Alors, pour répondre à votre question, que doit faire la Révolution : entrer en guerre contre les USA pour récupérer ce territoire ? Elle a précisément refusé de tomber dans ce piège qui aurait offert un prétexte idéal à Washington, d’autant que celui-ci a utilisé la base dans les premières années comme centre d’agression (plusieurs morts du côté cubain), d’accueil de mercenaires, etc., et avait même préparé une auto-agression (simulacre d’attaque par la partie cubaine) qui aurait servi de prétexte pour déclarer la guerre à Cuba. Bien entendu, la Révolution avait bien d’autres chats à fouetter pour ouvrir un front militaire de ce genre sur son propre territoire.

Elle d’ailleurs présenté le cas à l’ONU dès le 6 décembre 1960, son ministre des Relatons extérieures, Raúl Roa, ayant précisé : « Le Gouvernement révolutionnaire de Cuba réitère devant les Nations Unies qu’il ne se propose pas de récupérer par la force la portion du territoire national qu’occupe la Base navale de Guantánamo, mais il réitère aussi, tout aussi solennellement, qu’il se propose de réclamer sa rétrocession quand il l’estimera pertinent dans le cadre du droit international », ce projet ayant été introduit dans la fameuse résolution du 14 décembre 1960 sur la fin du colonialisme.

Il est vrai que Cuba, par exemple, n’a pas soumis son différend à la Cour international de justice de La Haye. Un arrêté de celle-ci suffirait-elle à faire partir les USA ? Je vous laisse juge. Le Nicaragua attend toujours que Washington, non seulement fasse amende honorable, mais encore lui verse les indemnités que lui avait imposée cette même cour après le minage de ses ports, durant la guerre antisandiniste, à l’époque de Reagan !

L’ONU ne réclame-t-elle pas depuis 1992, à sa quasi-unanimité, « la levée du blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba par les États-Unis d’Amérique », sans que rien ne change ?

Dites-moi, que doit faire la Révolution cubaine face à un gouvernement qui a toujours considéré le droit international, quand il lui fait tort, comme un morceau de papier ?

En octobre 1962, au moment de la crise des Fusées, la rétrocession de la base de Guantánamo faisait partie des cinq points avancés par Cuba pour accepter le retrait des missiles soviétiques. L’on sait que l’URSS s’arrangea avec les USA sur le dos de Cuba… Si l’URSS avait agi correctement, on ne parlerait plus aujourd’hui de base de Guantánamo étasunienne à Cuba.

Il y aurait assurément bien d’autres choses à dire à ce sujet, mais c’est juste pour vous donner un petit aperçu.