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Nouvelle stratégie pour Moubarak ?

7 février 2011, 11:39, par yapadaxan

Il y a certes un mouvement populaire puissant, en Egypte, en Tunisie et d’autres pays arabes. Ce mouvement populaire exige démocratie et liberté. Ne doutons aucunement de la démarche authentique et sincère des manifestants avançant dans le dur de la répression.

Certains contributeurs mettent en valeur le besoin objectif de liberté et la dimension sacrificielle des opposants aux dictateurs. Ils y voient l’émergence de l’exigence des peuples à transformer le monde et ils ont entièrement raison. Au coeur même de l’actuelle crise mondiale, un courant d’opinion rebelle s’élève contre tous les diktats. La Terre est le théâtre d’une contestation de masse jamais atteinte.

D’autres interventions mettent davantage l’accent sur les ressources de l’impérialisme quant à utiliser ces mouvements de contestation à son profit exclusif. Car, n’en doutons pas un seul instant, l’impérialisme est à l’oeuvre dans la partie de bras de fer qui se déroule au coeur des dictatures arabes.

Les manifestants ciblent, dans chaque pays, le dictateur au pouvoir, avec pour mot d’ordre : Untel dégage !

Si des mots d’ordre anti US éclatent et fusent dans les cortèges, ils restent très nettement sporadiques et dénoncent les liens évidents dictatures/impérialisme. En revanche, ils n’expriment pas résolument la volonté de dénoncer cet impérialisme. Ce dernier se maintient, dans la colère des peuples, au second plan, formant un arrière décor. Il apparaît second dans l’ordre des causes des dictatures combattues.

Alors qu’il devrait se trouver dans l’indignation et la révolte au premier plan. Moubarak devrait être dénoncé comme étant la marionnette US. Circonscrire l’équation à Moubarak, c’est réduire la problématique étroitement à l’Egypte. Alors que compte tenu de la situation réelle, devrait se poser la question arabe. Car tel est l’enjeu : la question arabe fait irruption immédiatement dans l’alliance US/Israël.

L’Egypte est ce pays allié des USA et d’Israël et dont l’alliance est contre nature. Se définir comme étant arabe revient à élargir la question du pouvoir égyptien aux causes qui l’ont engendré. Moubarak est un dictateur dont le seul rôle pour lequel il est au pouvoir a consisté à favoriser la politique pro israélienne et anti arabe des USA.

La guerre en Irak s’explique aussi, mais pas seulement, par le danger que constituait ce pays vis-à-vis d’Israël. En transformant l’Irak en ruines et en charniers, c’est ce potentiel ennemi d’Israël que les USA ont consciencieusement détruit. C’est la raison essentielle. Ce qui s’intègre logiquement dans le fait que, 65 ans plus tard, la Palestine n’a toujours pas d’Etat ni de patrie. Et que l’Iran se voit menacée par une énième guerre où la civilisation du monde libre détruirait avec bonne conscience une autre dictature logée à l’enseigne de l’empire du mal.

Sur fond de choc des civilisations, de guerres au terrorisme, à l’islamisme, à Al Qaïda, les USA entendent visiblement réorienter leur politique du Proche et Moyen Orient. Pourquoi ? Parce que les guerres en cours et à venir sont très nettement impopulaires dans l’opinion mondiale et aussi, et surtout, parce qu’elles sont ruineuses.

Les actuelles révolutions, populaires, sincères et légitimes, sont "commanditées", organisées et voulu par l’impérialisme en général, US en particulier. Disant cela, je n’ignore pas que je blesse des camarades qui ont imaginé des lendemains qui chantent et m’en excuse auprès d’eux. Mais que ces camarades comprennent bien que les démocraties arabes à venir, intervenant par un compte-gouttes rythmé et allègrement cadencé, représentent une réorientation impérialiste visant à poser des cataplasmes sur des points névralgiques.

En isolant l’Iran, la Syrie et s’attachant l’extrême passivité de Mahmoud Abbas. Ainsi, le plan US de démocratiser le Moyen Orient tel que présenté par Bush aura une apparence de pseudo réalité.

Continuer à pomper gaz et pétrole, ouvrir des marchés, installer des délocalisations venant d’Europe et d’Amérique. Avec comme projet à moyen terme : mettre les Taliban modérés au pouvoir à Kaboul et gagner une apparence de paix avec un compromis "réaliste", reconnaître l’Etat palestinien, comme l’ont récemment fait quelques Etats, avec comme inconnue les frontières du nouvel Etat, ce qui laisse un bon demi-siècle pour régler, peut-être la question.

Notre prix Nobel donnera ainsi l’impression d’avoir honoré sa distinction et les affaires suivront leur cours : l’offensive sociale continue sur toute la planète. Dictature ou démocratie, qu’importe si le capitalisme se porte bien ? Voire mieux.