Accueil > ... > Forum 429737

Nouvelle stratégie pour Moubarak ?

8 février 2011, 05:13, par yapadaxan

Il ne faudrait pas accorder à Chossudovsky plus d’importance qu’il n’en a. Rien ne peut remplacer la démarche d’analyse critique de la réalité que nous vivons, au moins au titre de témoins directs.
Si je reproduis tout un article de l’universitaire canadien, ce n’est pas parce que je le pense capable d’énoncer des vérités révélées. Mais tout simplement parce qu’il n’est pas tout à fait impertinent pour ce qui concerne l’approche des grands mouvements politiques et économiques de la planète.

Dans l’article en question, il attire l’attention sur l’autre pôle de la question égyptienne.

Non Moubarak n’est pas dictateur au sens strict puisqu’il ne fait qu’appliquer les ordres qu’il reçoit des impérialistes US et européens. Un dictateur est un individu qui dirige son peuple à partir de "sa" pensée politique. Moubarak n’a aucune pensée politique. Ce sont les impérialistes qui l’enjoignent à adopter telle ligne ou telle position. Suite à quoi, Moubarak s’appuie sur "son" armée, c’est-à-dire celle qui est directement formée, financée et dotée par les USA. C’est dire que Moubarak ne joue aucun rôle si ce n’est celui de fantoche qui, apparemment, mais apparemment seulement, fait appliquer des décisions en Egypte prises par d’autres aux USA.

Il est chargé et colossalement rémunéré pour endosser le sale boulot. C’est un caniche, un dictateur d’opérette, un homme aux ordres.

Quand le peuple égyptien descend dans la rue pour exiger le départ de Moubarak, il laisse en l’état les donneurs d’ordres, les véritables décideurs.

Que demandent-ils à Moubarak ? De faire de l’Egypte le double allié des USA et d’Israël. C’est tout. Lorsque le peuple égyptien manifeste pour dire son désaccord avec les orientations prises par l’Egypte à propos d’Israël et de la Palestine, Moubarak fait donner la répression. Comme en Jordanie. Et pourquoi ? Parce que c’est la volonté politique, géostratégique des USA qui ont fait le choix une fois pour toute d’Israël, au détriment de la Palestine. Si bien que la Palestine, ancienne colonie britannique, n’a pas été consultée en 1947 pour donner ou non un bout de territoire à Israël. Le règlement de la question fut éminemment colonial : sans consultation aucune du peuple palestinien concerné, on fit venir les juifs (et non les Israéliens) pour leur donner (sic !) la terre. Ne s’en contentant pas, le nouvel Etat palestinien s’étendit au-delà des frontières de départ et les USA avec l’Europe permirent qu’il n’y ait pas d’Etat palestinien ni, bien sûr, de frontières.

Ce que les USA exigèrent de l’Egypte, c’est d’accepter cette situation proprement coloniale et de la faire accepter par les Egyptiens, au prix d’une dictature, mais d’une dictature moins égyptienne qu’occidentale. L’actuelle situation est le fait de la volonté occidentale. La dictature est étrangère. Elle suit la période du nazisme, entérine des siècles de persécution anti-juive, se débarrasse de la question juive en Europe et l’inflige à la Palestine.

Là dedans, Moubarak est un petit soldat qui fait semblant de porter la badine pour fesser son peuple.

On peut disserter tant qu’on veut sur le prolétariat et le socialisme, mais on n’arrivera à rien tant qu’on n’abordera pas la question de la situation strictement coloniale.
On peut certes évoquer la convergence des luttes entre Europe et monde arabe, mais à condition de situer la problématique dans son contexte précis : au lendemain de leur indépendance, les pays arabes de la région sont confrontés au colonialisme quasiment dans les mêmes termes qu’avant l’indépendance.

L’ensemble du problème revient à poser la question d’Israël et de l’alliance avec l’Occident. Tous les pays arabes, du reste attachés à la Palestine, sont contraints d’accepter la situation d’une Palestine sans Etat ni frontières.

Posé comme ça, le problème prend une toute autre tournure. On comprend mieux que l’exigence de démocratie et de liberté exprimée par le peuple indigné et révolté remet en cause beaucoup plus qu’une question égypto-égyptienne et qu’elle interroge un rapport de forces beaucoup plus fondamental qui est celui de l’Occident colonialiste et impérialiste, eurpéocentriste, sur le reste du monde.

La lutte des classes est ici nettement dépassée par cet aspect mondial, de souverainetés nationales, d’identités des peuples souverains, etc...

Les Egyptiens auraient une démocratie bourgeoise, ils en feraient quoi ? Un tremplin vers la révolution et le respect des peuples enfin reconnus dans leur identité et leur Histoire ? Ou des salariés vivant à crédit, entre RMI, chômage, fins de mois, élections pipées d’avance et impérialisme toujours pro-israélien, militarisé, avide des richesses du sol et du sous-sol arabe riches en gaz, pétrole et minerais ?

Voilà qui situe de fait la lutte des classes à un tout autre niveau pour des raisons historiques évidentes.

Les classes ouvrières occidentales sont confrontées à ce même impérialisme, mais dans sa dimension purement capitaliste, dans l’antagonisme Capital/Travail. En revanche, les salariés et les peuples des pays colonisés ont d’autres objectifs de lutte à atteindre : leurs bourgeoisies bananières mais surtout et avant tout les puissances étrangères qui ont fabriqué et installé ces bourgeoisies bananières et tout l’appareil répressif d’exploitation et d’oppression.

Le fait que nous visons tous le passage au socialisme ne nous situe pas du tout sur le même terrain de lutte...