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DU SOUTIEN aux LUTTES

13 avril 2011, 15:05

Pour se dégager de l’emprise de la finance, le jeu démocratique

Ma chronique sur France Culture du 12 avril 2011

C’est comme si les révoltes arabes, le tsunami, le nucléaire avait détourné notre attention de cette filou de finance. Pourtant dans l’intermède, elle s’enfonce toujours plus loin dans l’absurde. Et nous avec ! Ecrasées sous le poids des événements et des catastrophes, au moins deux informations capitales sont passées à la trappe ces dernières semaines.

La première en date est la faillite quasi annoncée de la Banque Centrale Américaine, la FED. Elle a 50 milliards de fonds propres pour 2050 milliards d’actifs engagés dont au moins la moitié sont complètement pourris. Seule solution : s’endetter encore plus en demandant au Trésor, dont elle a obtenu en janvier dernier la tutelle, d’émettre des obligations d’Etat.

La FED s’endette pour des recettes qui n’en seront jamais et tout le monde le sait. Pour ne pas être plombée, à court terme, par les intérêts, elle maintient des taux proches de zéro dont la faiblesse pousse les investisseurs à privilégier des produits risqués, puisque les produits sûrs ne rapportent rien. Moyennant quoi : vous avez votre explication à l’excellente santé des marchés financiers. L’injection de liquidités ne vise pas à relancer l’économie, mais à maintenir la FED en vie. En résumé : qui impose un décrochement toujours plus terrible entre marchés financiers et réalité économique ? La FED, une banque en faillite.

La seconde information qui pourrait nous être utile mais qui, elle aussi, s’est faite bizarrement discrète : l’officialisation de l’incompétence du Fonds Monétaire International. Médecin urgentiste appelé à contre cœur, il euthanasie ses malades.

C’est la conclusion du IEO, le Independent Evaluation Office du FMI, un organisme d’évaluation mis en place par les 187 membres. Son dernier rapport, publié en janvier dernier, sur l’action du FMI pendant la crise financière et monétaire est terrible pour ses dirigeants et notamment pour notre DSK national.

En résumé, le FMI est englué dans le dogme néo-libéral (les marchés ont toujours raison, les crises financières majeures dans les économies développées cela n’arrive jamais, etc, etc). « Cette emprise intellectuelle du FMI altère ses capacités à identifier les risques ». Le rapport préconise des solutions comme « créer un environnement qui encourage la franchise et respecte les vues divergentes ; modifier le système de primes pour encourager le franc parler ; dépasser la culture en silo et la pensée insulaire…

Les media ont peu parlé de ce rapport à charge contre un potentiel candidat à la présidentielle. Mais le plus absurde est que le FMI s’est vu doter ces derniers mois d’un budget monstre (il a triplé) et d’attributions élargies. Le volume de ses Droits de Tirages Spéciaux, une « créance virtuelle » (selon le FMI lui même), sortie de nulle part, compensée par rien mais échangeables à l’envi contre l’une des quatre monnaies majeures (Dollar, Euro, Yen, Livre Sterling), a été multiplié, d’un coup d’un seul en 2009 par 9, pour atteindre un montant de 380 milliards d’euros.

La trousse à pharmacie du docteur nul est bien remplie. Pour rassurer qui ? Nos politiques d’austérité sont dictées par u ne institution à l’aveuglement avéré, dont inefficacité est démontrée et à laquelle les Etats dépassés viennent de donner carte blanche !! Nos gouvernements ont réinventé le Monopoly et le concept de prime à la casse.

D’ailleurs, dimanche dernier, à Gobolo en Hongrie, les Ministres des finances de l’Union Européennes se sont réunis pour décider des sanctions, pardon des « conditions de l’octroi des prêts » au vilain petit canard portugais (enfin à ses banques, dont beaucoup d’américaines, surtout).

Sentant les opinions publiques enfin se réveiller et peut-être entendant la clameur des 50 000 manifestants qui défilaient, les ministres se sont fendus de quelques phrases du style : « Biensûr que c’est un programme difficile, mais il faut expliquer que pour améliorer la croissance et créer des emplois nous devons réduire la consommation budgétaire. »

Une bonne fois pour toutes : si les politiques d’austérité avaient relancé l’emploi, cela ferait 30 ans qu’on le saurait. Visiblement, le FMI n’est pas le seul à souffrir d’emprise intellectuelle.

S’il y a un peuple qui est entrain de se dégager de cette emprise néo libérale c’est bien les Islandais. Interrogés par referundum ce week end, ils ont rejeté, massivement et pour la deuxième fois, le plan de remboursement des pertes liées à la faillite de la banque islandaise Icesave. L’Angleterre et les Pays Bas, pays dans lesquels Icesave disposait de filiales et dont la disparition a ruiné les clients, lui réclament 3.9 milliards d’Euros.

Rappelons que l’affaire s’est doublée d’une crise diplomatique grave, l’Angleterre gelant, en 2008, les avoirs islandais sur son territoire en dégainant, allez savoir pourquoi, le Terrorism Act. Humiliée, ruinée, la population islandaise, qui a cru au miracle néo libéral comme personne, ne veut pas débourser un copeck pour les banques privées.

Il faut souligner la vitalité de la démocratie islandaise, exemplaire depuis qu’elle s’est remise de ses illusions. Le différent va finir devant les tribunaux et réduirait les chances de l’Islande d’entrer dans la sacro sainte Union Européenne. Vu les circonstances, il n’est pas dit que cela soit vraiment un problème.

Alors peut-être, enfin un espoir ! Rompre avec l’emprise absurde de la finance sur nos vies implique de se dégager “de gouvernements sous l’emprise d’institutions sous emprise”. Il y a du boulot. Cela s’appelle le jeu démocratique.

Pour aller plus loin :

Rapport de l’IEO sur la gestion de la crise financière par le FMI : téléchargez ici

Déclaration à la presse internationale d’Islande à la suite du referundum du 10 avril 2011 : téléchargez ici

http://blog.florevasseur.com/