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Entre le marteau et l’enclume - I - (sur l’€ et l’Union Européenne)

28 septembre 2011, 10:28

Voilà de quoi alimenter encore le débat.

Ici un banquier qui dit "sortons de l’euro" (traduction "GAVONS NOUS A NOUVEAU" le capitalisme industriel "intérieur" a besoin de sortir de l’euro il s’en fout il ramènera le fascisme pour maintenir l’ordre chez les ouvriers qui crèveront la dalle....)

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« Si l’euro survit, nos usines mourront »

Interview - Banquier d’affaires, Philippe Villin pointe la responsabilité de la monnaie unique dans la crise actuelle :

Par NATHALIE RAULIN

Alors que la méfiance des marchés vis-à-vis des dettes souveraines ne baisse pas, les détracteurs de l’Union monétaire triomphent. Banquier d’affaires atypique, Philippe Villin pointe la responsabilité de la monnaie unique dans la crise actuelle. Visiteur du soir de l’Elysée, cet anti-Maastricht de la première heure, qui se définit volontiers comme un « chevènementiste de droite », parie désormais - avec satisfaction - sur un très prochain « grand soir de la fin de l’euro ».

- D’ici fin septembre, le deuxième plan d’aide à la Grèce devra être bouclé. Une sortie de crise se dessine-t-elle ?

Non. L’explosion de la zone euro est inévitable d’ici un à douze mois. La Grèce ne sera pas sauvée, heureusement, car sinon, elle serait perdue. Elle doit dévaluer très fortement pour rétablir sa compétitivité, relancer son économie et faire complètement défaut. Le Portugal et l’Espagne suivront. Le marché anticipe cette situation en faisant tendre vers zéro la valeur de beaucoup de banques européennes.

-N’êtes-vous pas exagérément pessimiste ?

Non, l’euro est en bout de course. L’absence de croissance fait exploser le chômage et les dettes souveraines. Mais la crise n’est pas seulement une crise de la dette. C’est aussi une crise de surévaluation de la monnaie unique, qui pousse nos industries à se délocaliser, et de compétitivité intra-européenne car, hors zone rhénane, faute de pouvoir dévaluer à l’intérieur de la zone euro, les autres pays ne règlent plus leurs problèmes de compétitivité et voient leurs exportations s’effondrer. Pour sauver le monstre qu’ils ont créé, les docteurs Folamour de la monnaie unique veulent imposer aux Etats en difficulté encore plus de rigueur. C’est sans issue : plus on va faire d’économies, plus l’activité sera freinée, moins les déficits publics seront maîtrisés.

-L’euro, pour vous, serait la cause des turbulences actuelles ?

Oui. Nous subissons aujourd’hui les conséquences d’un double choix dément. Primo, avoir fait le pari, perdu d’avance, d’une union monétaire sans union politique et donc sans union de transferts : une monnaie unique dans une zone économique qui n’est pas équilibrée aboutit à détruire les pays les plus faibles, car en dotant ces pays d’un pouvoir d’achat en monnaie forte, leurs produits moins performants sont remplacés par les produits des zones les plus efficaces, allemands au premier chef. Sans que l’Allemagne ne paie un quelconque transfert.

- Et l’autre raison ?

L’autre pêché originel, c’est de n’avoir recherché que la stabilité de la monnaie - sur le modèle du Mark -, pas la croissance. Le choix de l’euro était celui d’une monnaie forte au service des rentiers, pas de ceux qui doivent travailler pour vivre.
La zone euro n’a-t-elle pas généré de la croissance ?

Non, cela a été tout le contraire. Dans les pays de la zone, la croissance économique a été plus faible que dans tous les autres pays européens ! Logique, puisque l’euro est surévalué depuis 2003. Ainsi la France a perdu des millions d’emplois industriels : son aéronautique se délocalise peu à peu en zone dollar ! Vallourec, spécialiste des tubes pour l’industrie pétrolière, vendus en dollars, produisait en France et en Allemagne. Avec l’euro fort, pour pouvoir survivre, cette société a dû créer une usine aux Etats-Unis, puis une autre au Brésil. Si l’euro survit, les usines françaises mourront. Loin d’être un élixir miracle, cette monnaie n’a profité qu’à la zone rhénane et a rendu le reste de l’Europe mortellement leucémique. Je n’hésite pas à dire que Jean-Claude Trichet et ses sbires sont des criminels économiques, car ils ont fabriqué des millions de chômeurs.

-La responsabilité des Etats qui n’ont pas su gérer leurs finances publiques n’est-elle pas aussi engagée ?

Bien sûr, la crise des dettes doit beaucoup à l’insuffisante maîtrise des finances publiques, facilitée par les taux d’intérêts trop bas que l’euro a procurés à l’Europe du Sud. Mais il faut se méfier des ajustements budgétaires rapides alors que c’est l’écroulement de l’activité qui fait gonfler les dettes souveraines. Pire, faute de pouvoir dévaluer, on veut aujourd’hui obliger les pays faibles de la zone à baisser les salaires pour rétablir la compétitivité. Cela conduira, comme dans les années 30, à l’explosion sociale. Il faut avoir vécu sa vie durant dans les palais nationaux pour ne pas le comprendre. On peut empêcher les gens de consommer un produit importé devenu trop cher, on ne peut pas réduire leurs salaires sans provoquer de révolte sociale.

- L’Union européenne peut-elle s’amender en allant vers plus d’intégration politique et économique ?

C’est trop tard. L’essentiel des dettes grecque et portugaise est perdu, et probablement 50% de l’espagnole. Comme mutualiser une perte aussi astronomique sans faire couler toute la zone ? Et cela ne réglerait pas, non plus, le problème actuel de non-compétitivité.

- L’idée d’aller vers plus de fédéralisme progresse pourtant dans les esprits…

Je mets ici en garde contre la tentation du fédéralisme furtif, sans nouvelles votations. L’attitude des dirigeants européens est comparable à celle d’un guide de haute montagne qui, sachant que son client n’est pas capable de faire une course difficile, l’entraînerait sur une pente glacée en lui mentant et lui interdirait de reculer au motif que dans ce cas, il tomberait !

Le rachat de dettes par la Banque centrale européenne crée une dette fédérale pour laquelle on n’a jamais voté. Si on voulait aller plus loin, il faudrait organiser des votations et expliquer aux citoyens d’Europe du Nord qu’ils devraient payer beaucoup et indéfiniment pour l’Europe du Sud, et annoncer aux citoyens du Sud que leurs pays seraient transformés en DOM du continent où l’on ne produit plus rien de compétitif. Je ne suis pas inquiet : les fédéralistes ne pourront, ni aller plus loin sans votes, ni les gagner devant l’effroi qu’un tel projet susciterait.

- Quelles seraient les conséquences d’une explosion de la zone euro, notamment pour les banques ?

Un retour immédiat à la compétitivité et donc à la croissance pour l’Europe hors zone rhénane. Mais aussi, évidemment, un choc terrible pour beaucoup de banques puisque leurs créances souveraines ne seront pas, ou pas complètement, honorées. Il faudra forcément en recapitaliser massivement, même si cela ruine leurs actionnaires, tout en protégeant les contribuables. Il faut lancer cette recapitalisation avant que la peur ne gagne et que les gens ne veuillent retirer leurs dépôts, déclenchant des faillites bancaires. Le devoir des leaders européens est de préparer secrètement le grand soir de la fin de l’euro avant que tout ne leur explose à la figure.

http://www.liberation.fr/economie/01012359509-si-l-euro-survit-nos-usines-mourront