Accueil > ... > Forum 10847

> LE BRUIT CRISTALLIN D’UN TALON AIGUILLE SUR LE MACADAM

25 janvier 2005, 23:32

Toutes ces réponses sont au ras du macadam.

Levez les yeux. Allez, faites un effort. Plus haut. Voilà. Vous y êtes. Juste au dessus des statistiques (« 70 % sont étrangères, dont 80 % d’illégales »), des platitudes (« 90% issues de milieux modestes ») et des bassesses (L’auteur de ce texte a-t-il une fille ?)… Il y a un long boulevard de questions. Et personne ne connaît LA solution.

Eduquer les clients ? Utopiste. Les poursuivre ? Inefficace. (La Suède est devenu un bel exemple pour les échanges de rendez-vous par téléphones portables.) Quant aux prostituées, faut il leur donner un statut ? Oui. Elles ont besoin d’un statut qui puisse les sortir de situations sociales humiliantes, où elles sont effectivement traitées comme du bétail. S’agit il alors de « légaliser » ? Pas évident. Légaliser signifie que l’Etat consent, donne son accord pour le marchandage des corps. Cela pose un problème moral. On préfère pudiquement les mariages arrangés, les mariages d’argent, les échanges en nature, partout, tout le temps…

Mais revenons au macadam. Il est tard ce soir. Les talons résonnent dans les périphéries des villes. Il fait froid. On les a parquées là, à l’abri des yeux. Pour qu’elles ne dérangent pas. Pendant que le débat s’organise autour de leur pseudo « choix », elles rêvent de revoir leurs enfants, d’obtenir une place dans un foyer d’accueil, ou des papiers qui éviteraient d’incompréhensibles démêlés avec les « autorités ». Elles arpentent le pavé.

Peut-on donner un « statut » sans pour autant « légaliser » ? La question est posée. Plutôt que de vociférer, il s’agit de réfléchir.

La réponse de Golden (qui montre à quel point elle est la pire des pommes) notifie qu’on « ne doit pas tolérer le monnayage d’un corps ». Comment dire à cette Golden que le corps des autres ne lui appartient pas ? Qu’elle n’a aucun « droit » dessus ? Que, pire, tout le monde s’adonne au monnayage, sans qu’elle ne voit rien, que l’horizon poreux de son bénitier. Comment lui expliquer que toutes les prostituées ne sont pas à mettre dans le même « panier » ? Qu’il y a celles des boulevards, et puis celles des bars privés, des salles interdites des instituts de beauté… Celles qui n’ont pas atteint la majorité, et puis celles, depuis quinze ans dans le même quartier… Comment pourra-t-elle entendre que certaines préfèrent monnayer leur corps plutôt que de pointer dans une usine ? Voudra-t-elle punir les « sorcières » ? Brûler ces femmes sacrilèges qui, irrémédiablement salies, se disent qu’il n’est plus possible de revenir en arrière ?

Vous êtes au ras du macadam Mesdames. Car il s’agit bien de femmes qui s’indignent, s’insurgent, partent au « combat » dans ce forum contre l’auteure : une autre femme… Une femme qui a une fille d’ailleurs…

Il ne faut pas se demander pourquoi le féminisme est mort…

Séverine Capeille
www.sistoeurs.net