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> DOSSIER ALTERCROISSANCE / PRÉAMBULE

19 février 2005, 17:45

Il y a un certain nombre de chose que je ne comprends pas dans cette époque, c’est l’idéologie de l’accommodement.
Molière fait dire à un de ces personnages :" Les événements nous dépassent feignons de les maîtriser"
Aujourd’hui la mouvance alternative suggère : " Il n’y a plus de possibilité d’influer sur la course des évènements tendons à nous en accommoder"
L’idéologie de l’accommodement est certainement pire que l’idéologie réformiste qui a dévoyé les mouvements de révolte paysanne et ouvrière du dix-neuvième siècle.
Certains Anticléricaux attardés n’hésitent pas à monter encore au créneau pour dénoncer cette pratique honteuse de l’église qui consistait à monnayer la paix des consciences en rachetant ses fautes et ses pêchers.
Les mêmes se taisent aujourd’hui lorsque les ONGs ou diverses associations laïques proposent les mêmes services. Quelques oboles données, un peu de pratique d’aide sociale, quelques achats estampillés éthiques ou recyclables remplacent avantageusement en moins ringard, le denier du culte ou le don à la quête et les quelques "Paters" si humiliants.
Je m’abstiendrais de prendre parti sur le nouveau créneau des Jobs éthiques et du carriérisme militant associatif. Mais tout cela est comparable parfois au parcours du séminaire et de la mission.
Si la religion a été l’opium du peuple ; l’idéologie du réformisme progressiste en est son alcool.
Aujourd’hui toute idée ou proposition allant à l’encontre du sens du système se doit d’être affublé d’une terminologie positiviste et respirant l’aspiration au bonheur individuel.
On ne dit plus Anti, mais Alter.
Tout idée ou slogan qui dénonce où réfute le système doit être accompagné des adjectifs conviviale, heureuse, raisonnable, durable, solidaire, humaine, chaleureuse etc….
On est même parvenu à dire, même si en dehors de circonstance dont nous serions les acteurs
ce système honnit d’exploitation de l’homme et des ressources de la planète devait s’effondrer
nous le retiendrons afin que tout ceci se passe en douceur, dans l’amour et la convivialité.
Qu’il y ait un retour au Peace&Love et au Babacoolisme (Brandebias.OC), ma fois…

Mais autre chose me gêne ; aujourd’hui le moindre groupuscule dit alternatif, sort une plate-forme de proposition dite "raisonnable" qui préfigure un programme de gouvernement.
À croire que l’idéologie dominante a réussi un tour de force extraordinaire : pour être reconnu crédible par les masses (ou le quota d’individu nécessaire à une prise en compte d’intérêt électoral par le personnel politique) ; il faut être reconnu comme interlocuteur
raisonnable et possible par ledit dit système (ses instances représentatives, ses administrations, ses médias).
Ainsi en lisant certaines "alterpropositions pour un monde ou une société meilleure" ; on a l’impression de lire entre les lignes "si ceux qui on le pouvoir où aspirent au pouvoir veillaient à faire appel à nos conseils ; ils seraient heureux en rendant les autres heureux aussi".
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.
On ose même plus une critique de l’Etat ; même en prétextant abandonner ces vieillottes et sectaires théories marxistes, on ne récuse plus le rôle de l’Etat. On peut s’essayer à encore critiquer le rôle de l’Etat Pére Fouettard (CRS) ; de la à critiquer l’Etat Pére Noël.
Certain vont même jusqu’à professer que l’Etat est le dernier rempart face au libéralisme.
François Partant affirme que l’état n’est ni l’état arbitre de la conception " bourgeoise ", ni l’état " de classe" des marxistes, il est l’état de l’accumulation du capital. Selon François Partant, l’état moderne est né lorsque le pouvoir politique et le pouvoir économique se sont trouvés en pratique confondus, ce qui a permis au mode d’enrichissement capitaliste de se transformer en véritable système et de tout subordonner " le politique, le social, le culturel, à la formation de la richesse et à la constante progression des moyens nécessaire pour n former " "(Que la crise s’aggrave p.10). À partir de cette étape …" Les pouvoirs d’Etat attribueront toujours pour finalité aux sociétés ce qui n’était à l’origine que le but que la bourgeoisie poursuivait elle-même en tant que classe : l’enrichissement et pour une excellente raison : si ce système a assuré une formidable progression du capital de production…Il a aussi permis un formidable renforcement des pouvoirs étatiques " "(Que la crise s’aggrave p.12) car " l’état est lui aussi bénéficiaire de l’exploitation et de l’accumulation. L’Etat effectue des prélèvements sur toutes les activités productives, tous les producteurs, toutes les transactions mêmes improductives, toutes les formes de consommation…considérable par son ampleur, cette exploitation n’est jamais dénoncée par les syndicats… l’Etat organise la société en fonction des besoins du capital…car la croissance qui reflète l’enrichissement est pour l’état lui-même une priorité absolue. "

Pour ceux qui pensent un jour influer sur les "Décideurs Politiques"
Vous avez déjà vu quelqu’un dans nos systèmes dit démocratique être élu en promettant moins ?
"Une obole ou un strapontin dans un gouvernement d’alternance permettrait de faire avancer nos idées….."
En attendant certain pensent déjà :" Si ça marche, pour mes honoraires, vous verrez avec ma secrétaire".
Comme quoi, ce système est le seul capable de transformer une idée généreuse au départ en centre de profit.

Mais alors, s’il n’y a plus d’espace de mouvement entre l’affrontement direct au système et son aménagement par des solutions réformistes " supportables" (au système, bien entendu) ; si la générosité se transforme en Charity Business et si les propositions pour "sortir" du système se transforment en Alternativebusinness :
Que faire.

S’en désintéresser et ne plus l’alimenter.

Mais cela demande de rompre avec le système, et surtout avec les points forts de son idéologie qui prétends nous assurer :
La sécurité : Sauf face aux dérèglements climatiques et aux épidémies
Le confort et le moindre effort : Grâces aux progrès de la croissance ou aux technologies alternatives. Mais le système n’est même plus capable de garantir un revenu issu du travail.
Cela bien sûr forcément au détriment d’une grande partie de l’autre humanité.
Mais rompre avec le système, ne nous dégage pas complètement des désavantages qu’ils continuera à nous faire subir, tout en nous supprimant un certain nombre d’avantages et de privilèges.
En attendant, on dissimule et l’on camoufle pour rester un interlocuteur responsable et représentatif pour certain et l’on s’en tient à ne pas désespérer le plus large audimat pour les autres.
La décroissance volontaire (autopaupérisation) où involontaire (Fin du pétrole pas cher, accident industriel majeur, accident climatique dû au réchauffement de la planète, disparition de la bio diversité, diminution des capacités humaines pour cause de pollution ou d’épidémie, séries de crises économiques majeures -cf. François PARTANT- etc.). ne sera pas un dîner de galla. Inutile de l’affubler d’un smoking et d’un nœud papillons.
A force de vouloir l’embellir la décroissance pour essayer de la rendre supportables à nous, les nantis de l’occident ; j’ai l’impression de faire preuve de commisération vis-à-vis de ceux qui sont à des années lumières de notre mode de vie. (voir rapport Colloque Unesco : L’après développement).

L’IMPOSSIBLE REFORMISME - L’IMPOSSIBLE REVOLUTION

Il m’a été très difficile d’isoler une citation tant elles sont nombreuses sur ce thème dans l’œuvre de Partant, il a -par exemple - à plusieurs reprises analysé avec lucidité les conséquences négatives de l’application d’un grand mythe réformiste : la réduction du temps de travail pour réduire le chômage. La réalité lui a donné raison ( comme d’habitude ) : à part pour les rares entreprises -très concurrentielles- qui, grâce à une productivité élevée, ont pu absorber les 35 h en créant des emplois (en échange d’avantages fiscaux et de flexibilité accrue), la réduction du temps de travail a poussé les autres soit à délocaliser soit à robotiser leur production. Comme l’a toujours proclamé la droite, au lieu de réduire le chômage, les 35 h l’ont augmenté,
Et Martine Aubry aurait eu avantage à méditer ces quelques lignes qui synthétisent bien le dilemme réformiste :
" Dans le contexte créé par le capital depuis 40 ans, l’Etat n’a plus qu’un pouvoir de pure gestion. Mauvais gestionnaire, il peut réduire les possibilités pour la France de développer des activités productives …Malheureusement bon gestionnaire, l’Etat ne peut que faciliter les entreprises du capital ou agir comme lui, c’est -à - dire accentuer l’internationalisation de l’économie française. Ainsi, paradoxalement, sa bonne gestion réduit - elle toujours davantage sa propre marge de manœuvre politique…L’Etat n’est qu’un rouage de ce système international dont le capital est le moteur, mais un moteur entraîné par la dynamique concurrentielle qu’aucun pouvoir n’oriente et ne contrôle …Le rouage d’une mécanique qui devra sous un gouvernement de gauche remplir sa fonction limitée …Le discours politique de la gauche ne correspond plus du tout à la réalité. Ce ne serait qu’un moindre s’il ne s’accompagnait d’un programme de gouvernement… L’ennui est que si la gauche arrive au pouvoir, elle va se croire obligée de le mettre en œuvre. Elle risque alors de s’apercevoir que la redistribution des richesses n’est pas indépendante de la manière dont elle se forme." (P.S. 9)
Ainsi le réformisme est - il une impasse. Mais la révolution aussi. On peut toujours prendre le pouvoir d’Etat, et après ?… Pour reprendre le contrôle de l’économie il faudrait casser la dynamique capitaliste. Or, comme il a été démontré plus haut, le pouvoir d’Etat n’est plus LE pouvoir, il n’a pas la possibilité de s’opposer à la dynamique du capital, il peut à la rigueur la nationaliser et réaliser l’accumulation du capital à son profit, mais pas s’y opposer.
De plus un grand changement s’est produit depuis le XIX° siècle, il n’y a plus de classe révolutionnaire. "La force du capitalisme tient à ce qu’il ne transcende plus la société comme au XIX° siècle. En intégrant celle-ci à son mode de production, en développant en tous domaines les rapports marchands qui recouvrent désormais largement tous les rapports sociaux, le Capital est devenu un pouvoir immanent que chacun exerce et subit mais auquel pratiquement personne n’échappe".(QLCA p. 63)
En effet, en tant qu’agent économique chacun de nous est soumis à la logique du capital et en tant que consommateur chacun de nous - jusqu’aux exclus - est complice et solidaire de la logique du capital. Le Capital n’est donc pas un gros monsieur qui trône derrière un bureau, c’est le corps social tout entier, c’est nous.

À L’HORIZON, L’ALTERNATIVE ?

François Partant n’est pas un imprécateur, toute sa vie et jusqu’au bout il a essayé de proposer des solutions aux problèmes qu’il posait… Il n’y a pas de solution réformiste, il n’y a pas de solution révolutionnaire… alors quoi ?
Dés " la fin du développement" François Partant indiquait que la seule solution possible était l’auto institution de sociétés autonomes (pour les raisons déjà développées, il excluait que leur base sociale puisse être celle de l’état nation)." L’Alternative n’a aucune chance d’apparaître en un point quelconque du globe, pour ensuite se propager comme devait le faire la révolution. Elle ne peut pas davantage s’inscrire dans l’évolution du système. Si elle voit le jour, elle apparaîtra à la faveur de la décomposition sociale que provoque l’évolution techno-économique, et comme le résultat possible, mais nullement certain, de l’effondrement du système. Tout reconstruire de bas en haut, tandis que tout se désorganisera sous la pression d’évènements transnationaux incontrôlables, ce n’est évidemment qu’une éventualité. Il en existe beaucoup d’autres : guerre nucléaire, désastres écologiques…,chaos généralisé et émergence de dictatures…Tout est possible. Une seule chose à coup sûr ne l’est pas : cet "avenir de progrès" qu’on persiste à nous promettre. C’est pourquoi l’éventualité la plus optimiste devrait pouvoir servir d’hypothèse de travail à ceux qui contestent le système …L’alternative n’est pas à imaginer pour demain, mais à mettre en forme aujourd’hui…Il faut que les alternatifs sachent quel avenir ils entendent préparer par leurs initiatives actuelles, et comment cet avenir, qu’ils forgent pour eux - mêmes, s’articule avec celui des majorités.

Il faut qu’ils se dotent d’un projet politique…Ce projet ne sera à mettre en œuvre que par ceux qui s’excluent du système, et éventuellement, par ceux qui en sont exclus et qui acceptent de l’être.

Il ne concerne les autres que dans la mesure où ils seront, eux aussi placés devant des choix qu’ils ne peuvent faire à l’heure actuelle…L’engagement politique change donc à la fois de terrain et d’objet pour prendre une ampleur toute nouvelle. Son but est de rendre une finalité politique à l’évolution humaine.

Car le progrès véritable n’est pas dans la connaissance et la maîtrise des techniques. Il est politique. Il est dans l’aptitude des hommes à se gouverner, individuellement et collectivement, en mettant leurs connaissances et techniques au service de cet art de vivre ensemble".(La F.D.D. p145 - 155)

Il poursuivit cette réflexion dans "la Ligne d’horizon" ou il proposait la création d’une Association pour une Alternative Socio - Economique Mondiale ou ASEM.
Voilà ce qu’il écrivait dans l’introduction à ce chapitre : "L’avenir dira s’il était ridicule qu’une dizaine de personnes créent cette association pour une alternative socio -économique mondiale (ASEM)*…" L’avenir est resté muet puisque cette association n’a jamais vu le jour, faute de réalisations concrètes sur lesquelles s’appuyer.

Viva e gardarem lo moral.
Ché si sian pas de maih,ché le sian pas de men. A besonha !
Se encontrera un jorn d’o costa de Jansiac.

Johan de Dina Comta de Nissa.