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GUERRE des CLASSES, en FRANCE en 2011 : SPECIFICITE et PERSPECTIVE

16 décembre 2011, 13:16

Alain,

Sur le sujet des "FTP libérant la NATION", une idée : et si cette interprétation, que je sais courante chez les camarades du PC post WW2, était abusive et dénotait un choix extrêmement politique ?. Voire anachronique ?

Sans doute, il y avait une partie de nationalisme dans les FTP (dans la MOI j’ai quand même un doute sur le fait que le nationalisme eut pu être majoritaire...) mais justement l’exemple de Manouchian est pour moi extrêmement éclairant : "je meurs sans haine en moi pour le PEUPLE allemand".

Dit-il "je meurs sans haine en moi pour la NATION allemande" ??? Ben non, évidemment ! Ce n’est pas juste un "hasard de langage". Manouchian était un communiste arménien de la MOI vivant en France...

De même que dire "la France ", avant d’être fusillé c’est un peu mince pour faire de toi un nationaliste (y compris communiste) ...

Je n’ai aucune remarque ni critique à faire sur le fait que le "nationalisme" a été un instrument de lutte de l’indépendance et de la révolution en 1789 et s., à la rigueur une précision : la nation alors recouvrait-elle la même chose qu’en 1939 ? qu’en 2011 ? Gros doute...

Ce que je critique, c’est d’une part la propension du communisme du PCF à se rattacher, de façon si indéfectible à la Révolution française (j’ai même de + en + souvent du mal à comprendre ce lien devenu quasi automatique, sauf à imaginer une crainte d’un retour monarchique ????), et d’autre part, la propension de ce même communisme PCF à vouloir garder particulièrement le lien supposé ou réel avec la Nation via 1789...

Est-ce que tu as besoin de te sentir rattaché à la Nation, d’en faire un "existant", pour lutter contre une invasion armée impérialiste ou contre un colonialisme ?

Si tu réponds "oui", euh...dans ce cas là, il faut reparler de la guerre d’Algérie alors, parce que tu m’expliqueras où était la "nation algérienne" en 1954 ?...

Voire même en 1962...Entre les Berbères et les Arabes, entre Touaregs et Saharis, musulmans, non-musulmans, arabophones, amazighophones etc...

Alors on peut me dire "elle était en germe", et oui c’est vrai, "elle était en germe " - comme cheval de Troie de certains intérêts de classe- comme était en germe la défaite du camp communiste soviétisé alors...

Bien ou mal pour l’Algérie et les exploités qui y vivent ? Peut être un bein au début (va savoir) mais aujourd’hui ?

Si on peut dater précisément la naissance des idées et des principes qui fondent un concept politico-juridique, en revanche, il me semble que la question de la valeur et de l’utilité de la "question nationale" fait partie de ces questions qui n’ont aucun sens "en général", dans "l’absolu", (ça c’est l’envers de la dialectique...). Bref.

Ce n’est pas pour faire chier "le PCF" ou mes camarades qui e nsont issus (comme toi), que je pense que la nation est par essence une fiction juridico-politique émanant de la bourgeoisie (1789, la classe révolutionnaire, c’est elle...) de compromis, qui ne doit pas, qui ne peut pas être portée par les forces révolutionnaires marxistes.

La nation est aujourd’hui (et depuis un moment) une arme (fatale) anti-communiste par excellence, en ce que, notamment, en la choisissant pour être siège de souveraineté elle remplace et exclut la CLASSE comme siège de cette souveraineté.

C’est l’étude de la nation et de l’état dans le monde et en France, d’un point de vue juridique et d’un point de vue politique, qui me fait dire cela.

Je vais essayer de donner des exemples...

Que constate-t-on relativement à la Nation (si on admet que ce n’est pas "un existant immuable" mais bien une création humaine) ?

Ce compromis (c’est à dire, cette fiction créée par un courant idéologique bourgeois en FRANCE clairement identifiable du point de vue de l’histoire des idées politiques, puis "arrosé" d’une pointe de romantisme allemand) est issu de la lutte de différentes fractions d’un peuple, sur un territoire donné (un "pays"), contre un ennemi qui se trouve être commun à ces différentes fractions, à un moment donné de l’histoire d’un Etat, d’un peuple, d’une communauté, et qui est destiné à marquer un statu quo à la sortie d’un conflit ou d’une guerre entre ces différentes fractions, parce que, tout simplement, on ne peut pas être en guerre permanente pendant 200 ans jusqu’à la victoire générale et au communisme (qui ne peut exister qu’à condition d’être mondial, en gros...) .

A un moment la nécessité de vivre impose le compromis. Quel meilleur moment qu’une armistice ?

La difficulté réside dans le choix du compromis pour faire "le lien" entre les différents membres de la communauté donnée.

L’Islam est un type de compromis (comme à une époque la chrétienté), la Nation en est un autre. La NEP en était un également. (La Dictature du Prolétariat ou démocratie prolétarienne pourrait également en être un si si et si...) enfin bref, ce compromis peut prendre différents visages en fonction de qui l’impose et sur quelles bases.

Bref, la question de la nation, c’est la question de la lutte pour l’hégémonie dans un mouvement révolutionnaire, ou indépendantiste (ou les deux).

Que le PCF en France ait accepté (bien poussé par Moscou et dans ce qu’il pensait majoritairement être la voie juste en termes de "real politik" pour le "peuple français") à l’issue de la seconde guerre mondiale, à la fois de rendre les armes ET de solidifier de nouveau la "nation" française en prolongeant dans la constitution de 1946 le pacte avec les gaullistes issu du CNR, je ne suis pas qualifiée pour dire si il fallait ou pas, c’est trop facile de refaire l’histoire surtout quand on n’y a pas participé.

Mais il faut faire une lecture juste des choses, sans se cacher derrière une prétendue "existence" de la nation à cette époque. Maintenir la fiction de la nation, et de fait, maintenir la souveraineté nationale, a été un choix politique du PCF. Pour diverses raisons, bien plus qu’une soumission à une "réalité" à une prétendue réalité.

Raison pour laquelle, après chaque conflit de ce type, la nation connait un regain de vigueur, c’est la guerre coloniale impérialiste qui la renforce voire, la crée de toutes pièces. Mais c’est le nationalisme qui en fait ensuite, en fonction des moyens mis en œuvre, une réalité culturelle (jusqu’à un certain point où sous les coups du capitalisme, cette réalité devient de nouveau évanescente et cède par exemple la place à la CLASSE, dans le meilleur des cas, où à L’ETHNIE, dans le pire des cas). Ca Balibar et Wallerstein en ont largement parlé et de façon très intéressante, de ce rapport entre "classe, nation et race".

Les constitutions algériennes (celle de 1963 est à lire absolument, et la plus récente celle de 96 révisée en 2008, dont de n ombreux éléments sont paradoxalement construits sur le modèle de la constitution française de 1958, notamment sur le lien souveraineté/peuple/nation) ici sont très éclairantes à cet égard.

Elles sont dès 1963, un acte de création délibéré d’une réalité inexistante en 1954 (la guerre entre MN, FLN PCA etc - sans parler des luttes intestines entre fractions-...pendant et après la guerre d’indépendance le prouve amplement) qui est la "nation algérienne" et signe en réalité la domination d’une fraction du "peuple" sur les autres.

Cela s’explique (mais ne le rend pas légitime pour autant...car on voit bien ce que cette création de compromis a plombé de socialiste dans la révolution algérienne et a aidé à dévoyer le pays dans la voie du capitalisme....).

L’exemple de la constitution cubaine est assez éclairant, en sens inverse, comme constitution rédigée sous hégémonie socialiste et prolétarienne (contrairement à l’Algérie) , sur le rapport à entretenir avec la nation. La souveraineté (élément essentiel dans une constitution) n’est pas dite "nationale" (contrairement à la France ou à l’Algérie), elle "réside dans le peuple d’où émane tout le pouvoir de l’Etat".

Si la nation est mentionnée, c’est souvent comme adjectif ("national") en synonyme de "patrie" et souvent dans les passages relatifs aux éléments du droit international notamment la citoyenneté, car les Etats bourgeois, eux, fondent bien directement leur citoyenneté sur la nation (ensachant pertinemment que cela signifie "compromis de classes") et que, dans le cas de Cuba, proclamer que si l’on acquiert la nationalité d’un autre pays, on perd la cubaine, à un sens compréhensible défensif à l’égard de l’impérialisme US.

Mais l’exemple le plus criant de l’utilisation de "la nation" comme arme contre le mouvement révolutionnaire socialo-communiste, disons, marxiste, doit se trouver dans la Constitution iranienne de 1979 où c’est carrément écrit : la nation c’est la communauté des croyants et le pouvoir n’est pas (traduire "ne doit pas") être celui d’une classe. Ici

L’attachement à la Nation que les américains des USA appellent Patrie, voire, de préférence "peuple", est aujourd’hui tellement bien ancré (avec l’aide de la religion) aux USA qu’elle est un frein manifeste au développement d’un renouveau révolutionnaire dans ce pays...

Alors, le nationalisme impose, au besoin par la force, une guerre civile plus ou moins larvée de la fraction dominante aux autres, sur le plan culturel, linguistique, religieux etc.

En France ?

Les Marseillais interdits de parler le provençal, les "hussards noirs de la république" qui "dressent" les "petits provençaux" à devenir de "petits français", les petits bretons , les petits basques etc...idem.

Dans des pays comme l’Algérie, l’Iran... c’est l’Islam, religion éminemment politique, qui tient lieu de Nation.

Bref, en ce qui me concerne le débat sur ce point (qui n’est qu’un parmi d’autres dans ton papier c’est pour ça que je voudrais passer à autre chose) est "clos" dansl e sens, mon idée est faite depuis un moment sur le sujet (et personne n’a pu me faire admettre que j’avais tort car jusqu’à présent, chez toi y compris, je n’ai été confrontée qu’à des arguments soit d’autorité, soit purement rhétoriques, soit complètement idéologiques, ce qui revient un peu au même).

Il se trouve que PERSONNE aujourd’hui ne m’a présenté la "nation française" :-D ni de près, ni de loin.elle n’existe que par la bouche ou la plume de certains, de droite ou de gauche.

La nation est pour moi , dans les idées et dans les faits , un compromis avec la bourgeoisie, qu’il est, en ce qui nous concerne localement ici et maintenant, impératif désormais d’envoyer au Diable, car, non seulement, nos luttes n’en ont nulle besoin si nous visons bien, notamment, à confisquer le pouvoir (le vrai) aux capitalistes et à aider pour l’émancipation et à l’autodétermination des exploités (donc à l’autogestion, au pain et à la liberté) mais pire, parce que ce compromis nous étrangle dans nos luttes !

Déliée de ce compromis historique avec la bourgeoisie, la lutte contre l’impérialisme, la bourgeoisie et l’Etat capitaliste, et pour le communisme et l’émancipation humaine, elle, continue et plus que jamais !

LL