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Pour B. au sujet de Mélenchon

23 mars 2012, 22:32, par La Louve

Et on vient de me faire passer ça et bon je ne sais plus quoi dire tellement cette lecture est édifiante (j’ai mis en encadré ce qui correspond exactement au titre des Echos parce que je n’y croyais pas)

A part qu’on ne pourra pas dire qu’il aura beaucoup caché ses intentions hein.. :-(


Jean-Luc Mélenchon : « Les investisseurs n’ont aucune raison d’avoir peur de mon programme »

Branle-bas de combat pour Jean-Luc Mélenchon. Le candidat du Front de gauche à l’Elysée, qui ne cesse de grimper dans les intentions de vote (entre 9 et 11%), entend dimanche frapper un grand coup en rassemblant, espère son état-major, 40.000 marcheurs de Nation à la Bastille, acquis à la cause d’une VIe République « sociale, laïque et écologique ». Pour « Les Echos », il fait le point sur sa campagne.

François Hollande appelle au vote utile au premier tour. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Jean-Luc Mélenchon : « Les investisseurs n\’ont aucune raison d\’avoir peur de mon programme »

C’est carrément mépriser les électeurs. Dans une élection aussi importante que celle-ci, sur fonds de crise financière et écologique, cette attitude relève d’un piteux PMU politique. Le vote des citoyens, quel qu’il soit, est respectable. Il n’y a pas de vote utile.

Mais François Hollande commet surtout une erreur d’analyse politique. Par le passé, le vote utile a été invoqué parce qu’il y avait un risque que la gauche soit éliminée au second tour. Le Front national faisait peser une menace qui aujourd’hui est écartée. Il est à 11 points de François Hollande. Où est le risque ? Mais François Hollande s’est laissé convaincre par Nicolas Sarkozy que le vote utile, dorénavant, était d’être en tête au premier tour. C’est oublier que le mécanisme qui joue à droite n’est pas le même à gauche.

Nicolas Sarkozy a besoin de dynamique car il n’y a rien à rassembler pour lui au second tour. A l’inverse, à gauche, le deuxième tour se joue sur un effet de rassemblement. Mitterrand était second en 1981, il a gagné. Jospin était premier en 1995, il a perdu !

Pourquoi Hollande appelle t-il à voter utile ? Parce qu’il a une faible capacité de rassemblement. Sa stratégie de campagne repose quasi exclusivement sur l’anti-sarkozysme. C’est trop court ! C’est un grand risque pour la gauche. Il faut aussi avoir des propositions fédératrices. Enfin, en traitant d’inutiles nos électeurs, Hollande ne se rend pas très sympathique. Je lui conseille, au lieu de chercher à débaucher des électeurs à la porte de nos meetings, de faire comme nous : s’attaquer à l’adversaire qui est l’extrême droite, reprendre le terrain.

Nicolas Sarkozy reprend vos idées sur les exilés fiscaux. Est-ce à dire que votre programme n’est pas si radical ?

Je me réjouis quand mon vocabulaire est repris par d’autres. Cela élargit la base sur laquelle les programmes avancent. Mais Nicolas Sarkozy et François Hollande ont improvisé les mesures qu’ils proposent. François Hollande en créant un barème de l’impôt où il y a une marche de 30 points entre le dernier niveau de prélèvement qu’il avait d’abord imaginé à 45% et le niveau suivant à 75%. Moi, je propose un système d’impôt très progressif puisqu’il est sur 14 tranches.

Puis il en a appelé au patriotisme des exilés fiscaux. Mais si l’argent avait une patrie, cela se saurait ! Sarkozy cherche une réponse à l’échec du bouclier fiscal qui était censé stopper l’évasion fiscale et tacler l’initiative bricolée par François Hollande. Maintenant, il s’aperçoit qu’il n’y a pas que des évadés fiscaux à l’étranger, mais une immense majorité de gens qui travaillent. Tout cela relève du bidouillage. On ne va tout de même pas aller enquêter auprès de 2 millions de Français pour vérifier s’ils sont des évadés ou s’ils travaillent.

Il faut poser une règle juste applicable à tout le monde. Elle consiste à payer ses impôts dans le pays où l’on se trouve, comme le font les étrangers chez nous, et à déclarer au fisc français la différence de ce qu’on aurait dû régler en France. Naturellement, il faut retirer des impôts des expatriés le coût des services auxquels ils n’ont plus accès, puisqu’ils ne jouissent pas des avantages sociaux que la France donne à ses citoyens, en matière de protection sociale et d’éducation notamment. Le but de l’impôt n’est pas de punir. En reprenant ces mesures auxquelles les citoyens sont très favorable, si j’en crois les sondages, mes deux concurrents me facilitent plutôt la tâche. Les électeurs trouveront auprès de moi quelqu’un de plus qualifié pour les faire appliquer.

Ne craignez-vous pas que vos propositions se traduisent par une fuite des entrepreneurs et au final une hausse du chômage ?

Pourquoi les entrepreneurs fuiraient-ils ? La hausse du SMIC -1.700 euros nets en fin de législature -s’applique à des secteurs de l’économie non exposés à la concurrence internationale. C’est-à-dire dans les services à la personne, la restauration rapide ou encore le bâtiment qui ne sont pas des activités délocalisables. Dans l’industrie manufacturière, la part de salaires au SMIC est résiduelle. Et mon programme va relancer l’activité et redynamiser tout le tissu industriel. Où les entrepreneurs iraient-ils quand toute l’Europe rentre en récession avec la généralisation de la politique de contraction des activités et de la dépense publique. L’avantage comparatif de l’Allemagne résulte exclusivement de l’avantage qu’elle a conservé dans la production de biens intermédiaires.

Dans mon programme, qui combine l’action de l’Etat et de forts amortisseurs sociaux, les entreprises y trouvent leur compte car il repose sur un élément de nature à les rassurer : la planification écologique qui donne une vision à long terme, permet d’organiser la production et l’investissement.

Là on n’est plus dans le pilotage à court terme de l’entreprise imposé par les fonds de pension et les fonds d’investissement. Et la France n’est pas l’Allemagne. Avec 8 millions de naissances dans les 10 prochaines années, peut-on faire une croix sur l’investissement public, les écoles, les instituteurs ? Personne n’envie les Allemands dont 20% des actifs vivent sous le seuil de pauvreté.

La planification écologique est un défi scientifique et technique lancé à toute notre industrie. Elle lui donne une ligne. Plutôt que la règle d’or, appliquons la règle verte qui consiste à mobiliser toutes nos capacités pour apurer la dette écologique. Les investisseurs n’ont aucune raison d’avoir peur.

Le défi écologique ne se fait pourtant guère entendre, pour l’instant, dans la campagne.

L’accord PS-Les Verts a ridiculisé l’écologie politique. Faire passer le concept de planification écologique, que je défends depuis quatre ans, est évidemment une oeuvre de longue haleine. Mais à la différence des fonds d’investissement qui ne savent même pas ce qu’ils achètent, les ingénieurs et les techniciens ont compris le sens de ce défi.

Comment notre industrie pourrait-elle ignorer le potentiel dont dispose la France en tant que deuxième territoire maritime au monde ! On peut faire la même chose avec les énergies marines que ce qui a été réalisé en dix ans avec l’énergie nucléaire. A la base, il y a eu une décision purement politique qui sans doute aurait mérité d’être débattue vu les risques qui sont apparus plus tard. Le développement de la fusée Ariane, lui aussi relevait d’un acte politique, prise contre l’avis et les intérêts des Américains d’ailleurs. Il faut bouger sur l’énergie de la mer dans laquelle les Anglais se mettent à investir massivement.

De la même manière, il serait temps de s’engager dans les projets de géothermie profonde. En Alsace, le modèle est là, mais pas les réalisations, pourtant nombreuses de l’autre côté du Rhin. Il faut faire preuve de volontarisme.

Vos propositions, en matière de politique industrielle, vous distinguent-elles vraiment de celles de vos adversaires ?

Bien-sûr. Mes concurrents défendent exclusivement une politique de l’offre qui repose sur trois piliers. Tout d’abord, la baisse des coûts unitaires de production dont la conséquence la plus immédiate est la compression des salaires, suivie de la réduction du marché potentiel car il y a moins de demande solvable. Le deuxième pilier de cette politique est l’innovation qui défigure la recherche en tuant la recherche fondamentale. Enfin, le troisième pilier est la publicité toujours plus coûteuse qui fabrique la clientèle.

Cette logique de politique de l’offre, dérégulatrice de l’environnement social, est absurde. Nous ne sommes pas là pour faire tourner des entreprises, mais pour organiser la société. Les entreprises y concourent et y trouvent leur compte. Une politique industrielle ne se bâtit pas sur rien, mais en lien avec un milieu et une culture nationale. Celle de la France repose sur la puissance de l’Etat en tant que force collective organisatrice. Et que l’on ne vienne pas me dire que l’activité économique de la France sous Charles De Gaulle ou François Mitterrand était encadrée par le communisme !

Cessons de chercher nos modèles à l’étranger. On a eu le Tigre celtique en Irlande, la Movida en Espagne et voici maintenant le modèle allemand ! Au lieu de passer d’une erreur à l’autre, appuyons-nous sur ce que nous savons faire. Encore une fois, sans la France, la fusée Ariane n’existerait pas et nous sommes le seul peuple d’Europe encore capable de réaliser seul un avion.

Que pensez-vous du « produire en France » prôné par François Bayrou ?

Ca ne veut rien dire. François Bayrou parle d’un comité chargé d’attribuer un label. C’est de la communication. Produire en France ce n’est pas cela. Mais c’est s’inscrire dans une logique autre que celle de la concurrence libre et faussée qui se joue actuellement. Notre politique industrielle doit se baser à la fois sur la coopération et prendre en compte la donne géopolitique.

On me brocarde quand je préconise de décrocher du train déclinant des Etats Unis. N’avons-nous pas plutôt intérêt à nous accorder et à coopérer avec ceux qui savent produire et ce, à un haut niveau ? Il faut s’entendre avec ces puissances émergentes que sont le Brésil, l’Inde, la Chine, plutôt que la Russie d’ailleurs. Et en disant cela, je ne soutiens pas le Parti communiste chinois. Ce n’est pas moi qui ai passé des accords de coopération avec lui, mais l’UMP. Ce n’est pas moi qui suis allé le voir Vladimir Poutine en Russie, mais Nicolas Sarkozy.

Avec la Chine, discutons de ce que l’on peut faire branche par branche et non pas au niveau du Parti. Les échanges sur les projets ferroviaires n’ont guère été concluants. Les Allemands nous ont damé le pion avec leur train à suspension magnétique qui ne fonctionne qu’en Chine, alors que nous ne sommes pas parvenus à vendre une technologie qui fonctionne bien chez nous.

Quelles sont vos relations avec le monde des décideurs industriels ?

Pour l’instant personne ne me parle. Ce n’était pas le cas quand j’étais ministre de l’Enseignement professionnel où ce dossier m’a permis de voir tous les dirigeants. Sur ce sujet, il y a aujourd’hui un vrai problème. Nicolas Sarkozy est en train de ruiner le système de qualification professionnelle en voulant pousser tout le monde dans l’apprentissage.

Plaquer le modèle allemand en France est une absurdité. Outre-Rhin, un jeune rentre à 15 ans dans l’entreprise et le système de formation, négocié en continu avec les syndicats, lui assure une progression verticale tout au long de sa carrière.

En France, chacun rentre dans l’entreprise au niveau où il a été formé. Tous les diplômes professionnels sont mis au point avec les branches patronales. Pour autant, l’entreprise n’est pas une école. Sa capacité d’absorption d’apprentis est limitée. Cette réforme génère un effet d’aubaine : l’entreprise touche la taxe professionnelle en créant son école. On est en train de casser le meilleur système du monde. Si Bouygues fait son école, il aura les meilleurs. Les autres entreprises auront ceux qui restent.

Que proposez-vous ?

Un pilotage unique de tous les enseignements professionnels. La moitié de la jeunesse scolarisée dans le secondaire est en apprentissage ou dans les filières technologique ou professionnelle. Or, on fait comme si ces 50% n’existaient pas. Il faut mettre en place toutes sortes de synergies. D’abord entre le public et le privé dans l’enseignement agricole, puis entre l’enseignement agricole et les différentes branches de l’industrie et les lycées professionnels. Il faut organiser des passages, des transitions de filières, au niveau du bac pro. Le pays n’a pas besoin de multiplier les passerelles pour multiplier les CAP, mais de bacs pros. La moitié des jeunes qui sont dans l’enseignement professionnel

n’arrivent pas à ce niveau, qu’il nous faut atteindre pour avoir une main d’oeuvre qualifiée.

Que faites-vous de certains contraintes comme le coût du travail ?

Ce coût est dérisoire par rapport au surcoût monétaire. Nous sommes passés d’une parité euro-dollar à un taux de change de 1,60. Sachant qu’Airbus déclare commencer à perdre de l’argent dès le seuil de 1,30, quel effort de productivité peut combler un tel décalage ? Les ouvriers français font des gains de productivité de 3% par an. Peut-on leur en demander plus quand on connaît le niveau actuel de souffrance au travail. A l’inverse, supposez que l’on revienne à 1 euro pour 0,88 dollar, comme cela a été un temps le cas. Séance tenante, toute marchandise coûterait 40% moins cher.

Le présent est absurde. Il faut sortir de cette pensée dominante sur le coût du travail et revoir les normes d’organisation de l’économie, notamment la rémunération du capital investi. Il faut en finir avec des rentes à 20% en France qui rendent impossible toute stratégie industrielle à long terme. 4, voire 5 % peuvent suffire. Autrement, plus aucune stratégie industrielle à long terme n’est possible.

A combien se chiffre votre programme ?

J’ai chiffré ce qu’il rapportait. C’est-à-dire 195 milliards d’euros. Cela inclue notamment les 14 tranches d’imposition que je propose et devrait rapporter 20 milliards. On parle toujours de coût, mais parlons des recettes car il y en aura. La France n’a jamais été aussi riche de toute son histoire et le niveau d’épargne des Français aussi élevé. Notre production est le double de ce qu’elle était en 1981 et mon programme est moins élevé que ce que la gauche projetait à l’époque. La question clef est celle de la répartition, du partage des richesses. Je ne participe pas au discours hypocrite qui consiste à dire qu’il faut d’abord produire et partager ensuite. On produit déjà beaucoup ! On partage tout de suite !

http://www.lesechos.fr/economie-politique/election-presidentielle-2012/interview/0201953868769-jean-luc-melenchon-les-investisseurs-n-ont-aucune-raison-d-avoir-peur-de-mon-programme-302907.php