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Lutte anti-nucléaire : solidarité avec les trois inculpés de Valognes.

22 septembre 2012, 21:54, par Peter Vener

Je vous envoie cette reponse, faite pour le Cran, de Caen, car, comme à l’ordinaire, le fait que des indivudus soient sous le coup de la justice ne doit pas rendre aveugle sur leur faiblesse et celle de l’opposition à laquelle ils participent.
Peter Vener

A propos des suites judiciaires de l’affaire de Valognes
Je viens de recevoir par mail, du Collectif radicalement antinucléaire caennais, le Cran, « La justice atomise », signé par le collectif de soutien aux inculpés de la presqu’île, à commencer par les trois qui sont poursuivis suite à l’affaire du blocage du train de poubelles nucléaires à Valognes. Après de multiples lectures et mûres réflexions, j’ai décidé de ne pas le diffuser. Non pas parce qu’il est minimaliste ou que les inculpations m’indifférent, mais parce qu’au nom de la solidarité contre les persécutions exercées par l’Etat, il continue à défendre des positions déjà critiquées, en particulier par moi dans le texte « A propos de l’appel de Valognes », positions reconduites, certes avec des réserves et des réticences envers l’appellisme, dans « Valognes et après », comme je l’ai signalé dans des « Notes » disponibles sur le Web.
En effet, bien que « La justice atomise » reconnaisse le côté médiatique de l’opération de Valognes et de ses suites, et n’appelle pas à quelque campagne de soutien opportuniste dans la lignée de Tarnac, ses auteurs, comme ceux qui rédigèrent « Valognes et après », n’en tirent pas toutes les conclusions. Pire, ils laissent entendre que des « personnes » durent endosser le rôle de porte-parole. Or, le rôle en question, elles avaient la possibilité de le refuser. Bien d’autres rétifs, y compris les rétifs opposés au nucléaire, le refusent, parfois depuis longtemps. La nécessité de ne pas avoir, en règle générale, de relations avec les médias a déjà été abordée mille fois, y compris à la veille de Valognes, à Paris et ailleurs. La chefferie appelliste, épaulée par des membres d’associations écologistes et de lobbies comme le réseau Sortir du nucléaire, nous a traités de sectaires, au prétexte que la couverture médiatique était l’un des moyens utiles pour assurer la visibilité de l’action et en faciliter la compréhension auprès des populations que le nucléaire inquiète, mais qui rejettent l’idée d’actions effectuées sur le mode conspiratif. Au local de la rue des Pyrénées, à Paris, à la veille de Valognes, les apologistes de l’appel du même nom affirmèrent même que ladite « couverture pouvait participer à gripper les dispositifs de la justice ». Ce qui constitue le comble du crétinisme républicain. Comme toujours, nous voyons aujourd’hui le résultat de telles tentatives d’utilisation des médias. En acceptant de jouer au jeu de la représentation face aux caméras, les futurs inculpés oubliaient qu’elles constituent aussi des caméras de surveillance et que la mise en spectacle est aussi affaire de police. Accepter d’être reconnus comme porte-parole par les médias, c’est en fin de compte accepter d’être reconnu également comme tels par l’Etat. Ce qui est logique puisque les médias participent, en démocratie, à l’action de l’Etat. Tel est donc pris qui croyait prendre, hélas.
Loin d’être l’un des accidents de parcours de l’opposition au nucléaire initiée à Valognes, l’affaire révèle au contraire l’un de ses vices de forme et de contenu essentiel, à savoir son esprit citoyenniste. Par suite, la moindre tentative d’avancer réellement passe par la rupture avec « l’esprit de Valognes », en d’autres termes avec la posture d’indignés du nucléaire, identique à celle de bien d’autres indignés, qui contestent tel ou tel aspect de la domination actuelle, au nom de la démocratie. Problème que « La justice atomise » ne soulève pas. Bien au contraire. Les auteurs affirment presque l’inverse, présentant, dans l’optique de « Valognes et après », la tentative de bloquer le train et le reste comme « l’expression » potentielle d’oppositions « excluant toute illusion citoyenne ». Si les illusions citoyennes sur l’Etat nucléariste étaient en cours de liquidation, on ne comprend pas pourquoi des gens ont tenu à être reconnus par les médias, c’est-à-dire, en dernière analyse, par le pouvoir d’Etat. Car la question de la représentation, et donc celle de la reconnaissance par l’Etat, est bien plus large que celle de la reconnaissance comme interlocuteur et négociateur. Il est possible d’être reconnu à titre de trublions, voire de dangereux rétifs, en particulier lorsque des individus acceptent de monter sur les planches du spectacle en live. Nul besoin de votes, à notre époque, pour être considéré comme représentatif. Il suffit d’être reconnu comme tel par les médias. Par leurs propos, les auteurs montrent qu’ils partagent encore en partie les illusions qu’ils croient avoir dépassées, en prenant de la distance, sans le dire, envers le show que nous prépare, dans la tradition de Tarnac, les appellistes regroupés à Rennes. Bref, comme d’autres appels de la même veine, « La justice atomise » reconduit, au nom de l’anti-répression, des thèses indéfendables, ici sur Valognes et ses suites, en particulier sur le désastre prévisible de l’opération du Chefresne, sorte de répétition, mais en pire encore, de celle de Malville. Ce qui n’est pas acceptable.
Peter Vener
Septembre 2012