Accueil > ... > Forum 13986

> "SOLIDAIRE" : UN CONCEPT POST-CONTEMPORAIN

13 avril 2005, 17:30

Il aurait été plus simple de dire : l’homme est un être grégaire.

Freud explique très bien cet aspect de l’individu où l’être humain est conscient de son individualité depuis la naissance de l’humanité voici trois millions d’années.
Le précepte de Socrate, « connais-toi toi-même, l’invite depuis l’antiquité à observer et étudier son individualité.
Les stoïciens, tout comme les épicuriens, avaient pour but le perfectionnement de l’individu ; le salut, but de la foi chrétienne, est lui aussi individuel.

L’individualisme n’a donc jamais pu constituer une nouveauté radicale. La nouveauté de l’individualisme moderne consiste à attribuer à l’individu la primauté métaphysique, à l’identifier à l’être lui-même, à faire de lui le centre et le pivot de l’univers à tel point qu’il est devenu difficile, une fois ce point de vue adopté, de penser des phénomènes collectifs par nature comme la formation, l’apprentissage des langues, l’éducation des enfants, voire la simple (si l’on peut dire) relation d’altérité dans le couple ou la vie sociale en entreprise et en société.

Si les talents furent ainsi libérés au bénéfice de l’économie, de la science, de la technique et de la création artistique, ce fut en soumettant l’individu à une tension psychologique des plus pénibles. Libéré des contraintes sociales, il ne pouvait plus en effet s’expliquer ses éventuels échecs que par une incapacité dont la conscience était inévitablement douloureuse. La société se divisait non plus entre nobles et roturiers mais entre « gagnants » et « perdants », les premiers n’étant eux-mêmes jamais sûrs de la pérennité de leur succès : l’individu "libéré" porte seul l’angoisse de la réussite tout comme le protestant porte seul l’angoisse du salut.