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Je demande donc solennellement la démission de Monsieur Lepaon...

20 décembre 2014, 21:49, par Gilbert

"Si nous continuons, comme je l’ai fais moi-même (donc je ne juge pas !), de nous mettre la main devant les yeux pour "justifier/excuser" les abus de nos dirigeants syndicaux ou politiques...nous allons nous noyer !"

Non, Laura, non. Ce n’est pas juste une question d’abus de "nos dirigeants syndicaux". C’est bien plus grave que ça. Ce n’est pas une question de dévoiement individuel, c’est le fonctionnement de la CGT qui est à mettre en cause. Il y a des Le Paon dans toutes les structures de la CGT parce que la structuration même de la CGT, son financement similaire à celui des autres confédérations (subventions publiques, financements généreux des comités d’entreprises par les patrons dans les grosses boîtes, "fluidification des rapports sociaux" par le MEDEF...), l’emploi de nombreux permanents, font que la CGT est devenu une grosse machine bureaucratique qui a perdu de vue la lutte de classes pour devenir un "partenaire social" du MEDEF (eh oui, les syndicats et le MEDEF, qui gèrent les caisses sociales ensemble, sont appelés, fort justement, des "partenaires sociaux").
Ton discours me fait penser à celui de Gérard Filoche quand il chialait dans les médias à propos de Cahuzac. Qu’est-ce qu’il disait, Filoche ? En gros : Cahuzac est un salaud, mais le reste du parti est sain.
C’est une façon commode de mettre la poussière sous le tapis que de pointer la faiblesse d’une homme. Qu’il reconnaisse ou non son "erreur", que chacun d’entre-nous reconnaisse ou non ses "erreurs", ce n’est pas le sujet. On n’est pas à confesse ou dans les séances d’autocritique comme au temps de Staline.
Ce que tu dis de façon émouvante pourrait se résumer en une formule, attribuée à Lénine : "seule la vérité est révolutionnaire". Sauf que la vérité, c’est pas de savoir si Le Paon mène la vie que lui permettent les revenus qu’on lui a accordé. La vérité intéressante consisterait à analyser pourquoi la CGT, de tradition contestataire, anarcho à l’origine, est devenue au fil du temps un partenaire social du MEDEF dans un rapport malsain qu’on appelle le paritarisme.
Au lendemain de la guerre, étant entendu que les cotisations sociales n’étaient rien d’autre que du salaire indirect mutualisé pour faire face aux aléas et aux accidents de la vie (assurance maladie) et pour le bien de tous (retraite), tout ce qu’on demandait au CNPF (l’ancêtre du MEDEF), c’est de participer au financement de la sécurité sociale, l’administration des caisses de Sécurité sociale revenant pour l’essentiel aux travailleurs.
Il a fallu des attaques successives des gouvernements soutenus par le patronat pour que le système soit démantelé. Dans un premier temps, avec le décret du 12 mai 1960, la gestion a été retirée aux conseils d’administration (qui comprenait une majorité de membres élus par les salariés). Ensuite, avec les ordonnances de 1967, la gestion de la Sécurité sociale a été scindée en trois branches (Maladie, Famille, Vieillesse).
Depuis, nous sommes allés de recul en recul au nom de la lutte contre le soi-disant déficit de la sécurité sociale (un déficit organisé avec les multiples exonérations de cotisation accordées aux patrons).
Certes, la CGT a dénoncé ces reculs et lutté comme elle a pu pour s’y opposer. Mais comment être crédible et mobilisateur quand dans le même temps on est partenaire social du MEDEF et qu’on entretient une bureaucratie dont le but semble être de se perpétuer.
On ne peut pas glorifier le Conseil national de la Résistance tous les quatre matins, rendre hommage à Ambroise Croizat et ne pas se demander comment faire pour retrouver l’essence de ce que nos ainés avaient mis en place. Certes, on ne refait pas l’histoire, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, mais il est bon de temps en temps de retourner à la source pour se laver à l’eau claire.