Accueil > ... > Forum 576181

Plan et marché à Cuba des années 1960 à aujourd’hui

8 septembre 2019, 08:48, par Lepotier

Un passage à la fois intéressant et caractéristique du confusionnisme sur ces questions :

« l’« offensive révolutionnaire » de 1968 conduit à la nationalisation de tous les petits commerces. Effacement de la comptabilité, déconnexion entre travail et rémunération et tentative d’appliquer le principe du communisme : de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins.
Les chiffres décevants (échec de la zafra de 1970) conduiront à son remplacement par le principe « à chacun selon son travail ». Après l’entrée dans la CAEM en 1972 , c’est en 1976 la mise en place du Système de direction et de Planification de l’Économie, largement emprunté au modèle soviétique, qui fait jouer la loi de la valeur. »

Il est évident que le passage direct au communisme dans un pays aux forces productives encore limitées tel que Cuba à cette époque, et même encore, aujourd’hui, reste tout à fait une utopie et ne peut mener qu’à l’échec.

Le principe « à chacun selon son travail » reste celui de l’économie de transition, et nécessairement pour une période assez longue, et même tant que le socialisme n’est pas encore dominant sur la planète.

Ce principe repose sur la loi de la valeur, mais pas nécessairement sur la loi du marché, bien au contraire.

Il va même précisément de pair avec un équilibre économique entre besoins sociaux et forces productives.

C’est la définition des besoins sociaux collectifs qui est la mesure du plan, du point de vue de la loi de la valeur.

C’est ce que Marx nous explique dans la Critique du Programme de Gotha et que Staline a tenté de remettre en œuvre peu avant sa mort, à l’occasion du 19ème et dernier Congrès du Parti Bolchévique.

https://tribunemlreypa.wordpress.com/marx-marxisme-critique-du-programme-de-gotha-glose-marginale-1-les-fondamentaux-economiques-de-la-transition-socialiste-proletarienne/

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2017/11/les-problemes-economiques-du-socialisme-en-urss.pdf

Ce qui est tout à fait différent de la conception révisionniste khrouchtchevienne, qui a voulu relier à nouveau loi du marché et loi de la valeur, tout à fait selon une conception trotskyste de l’économie :

« En acceptant ou en rejetant les marchan­ dises, le marché, arène de l’échange, décide si elles contiennent ou ne contiennent pas de travail socialement nécessaire, détermine ainsi les quantités des différentes espèces de marchandises nécessaires à la société, et, par conséquent, aussi la distribution de la force de travail entre les différentes branches de la production. » Trotsky, Oeuvres, 1939

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/12/04/le-bloc-et-la-faille/

Ce qui était « cohérent », également, avec sa conception révisionniste de la NEP, en 1936...

« L’assainissement des relations économiques avec les campagnes constituait sans nul doute la tâche la plus urgente et la plus épineuse de la Nep. L’expérience montra vite que l’industrie elle-même, bien que socialisée, avait besoin des méthodes de calcul monétaire élaborées par le capitalisme. Le plan ne saurait reposer sur les seules données de l’intelligence. Le jeu de l’offre et de la demande reste pour lui, et pour longtemps encore, la base matérielle indispensable et le correctif sauveur. » Trotsky, La Révolution Trahie, 1936

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/08/15/inedit-de-trotsky-une-page-d-histoire-particulierement-revelatrice-synthese/

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/08/19/inedit-de-trotsky-un-echange-de-correspondance-suite-a-la-synthese-de-letude/

Alors qu’à l’époque de Khrouchtchev la NEP était déjà morte et enterrée depuis une trentaine d’années...

Au stade de développement où en est encore Cuba, il y a inévitablement une survie relative d’une économie de marché qui est nécessaire au niveau de petites entreprises, y compris agricoles, commerces et services. La question de savoir si l’on est encore dans une économie de transition dépend donc de la relation entre plan et marché.

Est-ce que le plan est établi en fonction des besoins sociaux collectifs ou en fonction d’une rentabilité financière espérée et estimée en fonction du marché ?

A noter que la réalisation du plan, établi en fonction des besoins sociaux, peut, et même doit, logiquement et y compris d’un point de vue comptable, en période de transition, faire appel au principe « à chacun selon son travail ».

Car dans ce cas, la mesure du travail, réparti selon le plan, est aussi celle des besoins sociaux et c’est cette correspondance qui reflète l’utilisation socialiste de la loi de la valeur, et non la loi du marché.

Pour rendre les deux secteurs compatibles, et même, complémentaires, l’État doit donc, et de manière autoritaire, au besoin, jouer un rôle régulateur important et même sans faille à l’égard des dérives mercantiles qui entraveraient l’équilibre économique.

Cuba reste un îlot remarquable de résistance anti-impérialiste, y compris par son rayonnement, mais son statut économique et social n’en reste pas moins incertain pour autant.

Lepotier

PS >>> concernant l’interaction entre loi de la valeur et loi du marché :

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2017/07/marx-capital-livre-iii-chapitres-9-et-10.pdf

.

*****************************