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> Ce qui se prépare et à quoi nous devons nous préparer (2/2)

27 juin 2005, 10:56

Très bon article !

Je trouve pour ma part extrêmement positif que des citoyens se soient engagés, aient sans doute pris des risques professionnels et aient réussis, en dépit de leur jeune âge, à faire preuve d’une réflexion de qualité (que je trouve, quant à moi, fort claire) ayant contribué, pour une part non négligeable, à la victoire du 29 mai. Evidemment, nous avons été des millions à y contribuer, mais il faut avoir l’humilité de savoir reconnaître la qualité où elle se trouve. Pour moi, je suis reconnaissant à Etienne Chouard et Thibaud de la Hosseraye d’avoir su formuler ce qui demeurait encore confus dans ma propre réflexion. Je ne leur fais pas confiance « aveuglément », mais après avoir lu ce qu’ils ont écrit, avec toute l’intelligence dont je sois capable. Je suis professeur d’éco-gestion dans une lycée du Cher (La Châtre), et son commentaire de l’article d’Allais, par exemple, m’inspire toute confiance.
Je ne vois donc pas au nom de quoi, et sur quel a priori défavorable, je me défierais de la sincérité de son intervention dans le débat national. Je n’y vois au contraire, pour l’instant, que des fruits positifs. Ce serait dommage de se priver de toutes les bonnes volontés, pour peu qu’elles soient compétentes, pour défendre nos idéaux.

Et si l’on commence à condamner tout ce qui nous paraît « trop beau pour être vrai », c’est alors qu’on se résigne à perdre tout idéal ! Ce qui ne veut pas dire, bien entendu, ne pas faire preuve d’esprit critique ; mais cet esprit critique ne doit pas non plus m’empêcher d’adhérer à ce que je peux estimer rationnel et juste.

Notamment, je n’ai rien vu, à la lecture de ce que Thibaud a écrit, qui serait susceptible d’éveiller le soupçon qu’il soit le sous-marin de qui que ce soit….et surtout pas de la droite ! Il renvoie dos-à-dos, avec raison, le social-libéralisme des DSK et Hollande et le libéral-socialisme des Bayrou ou Raffarin. Dans les deux cas en effet, c’est la doctrine libérale, plus ou moins maquillée, que l’on essaye de nous resservir. Dans ce qu’elle a de plus doctrinaire.

J’ai deux enfants au collège, et je n’ai aucune envie de les voir devoir « se battre pour survivre » dans un monde où la concurrence serait érigée en objectif. Devoir se battre pour survivre, où est la différence avec la loi de la jungle ? A quoi bon le droit, dans ces cas-là ?

Par ailleurs, il me semble que Thibaud expose limpidement les raisons de son libéralisme, et la mesure dans laquelle il lui paraît acceptable : "Pour moi, le libéralisme est tout à fait défendable, au moins à moyen terme, comme orientation d’une politique économique salutaire dans une conjoncture économique donnée, mais pour autant seulement qu’on ne prétende pas l’absolutiser en principe directeur exclusif de toute autre possibilité d’orientation économique. Il me semble que toute la puissance de rassemblement du gaullisme résidait précisément dans cette capacité d’ouverture théorique, éminemment démocratique et pragmatique, permettant de conjuguer, selon les circonstances et les domaines, jusqu’aux extrêmes du capitalisme le plus dynamique et de la planification." Et il précise même dans sa page "Suites", pour ceux qui n’auraient pas bien compris : "J’ai dit que je n’étais pas anti-libéral, au sens où j’admets qu’une politique libérale puisse être conjoncturellement opportune, voire la seule raisonnable. Ce que je récuse, en revanche, c’est le libéralisme idéologique, érigé, par cette Constitution, en principe normatif, déterminant pour toute politique à venir. L’histoire (en cours) de la construction de l’Union européenne offre un exemple particulièrement éclairant de l’opposition que je viens d’expliciter : il me paraît difficilement contestable qu’une bonne dose de « libéralisme » ait été requise pour la création d’un « marché commun » européen -est-ce à dire que l’Europe se soit jamais obligée, pour cette raison, à convertir en une fin ce qui ne lui a été jusqu’ici qu’un moyen ? On peut consulter minutieusement l’ensemble des traités antérieurs : c’est la toute première fois, dans cette Constitution, qu’il nous est demandé de reconnaître la pratique de la concurrence, et l’exigence de la compétitivité (entre autres), non pour de simples moyens, mais pour des objectifs prioritaires et constitutifs, désormais, de la définition même de l’Union. »

Qu’ajouter ? Il y aurait bien des réflexions à poursuivre dans ce sens : plutôt que de condamner unilatéralement le libéralisme, comme certains vieux briscards des luttes syndicales de mes amis, avec le risque de paraître aussi doctrinaire que ce que l’on condamne, sans doute faut-il savoir être pragmatique…sans pour autant renier ses principes. Nos leaders de gauche feraient bien de faire la différence entre passer avec armes et bagages à l’ennemi (= devenir, comme eux, des « sociaux-traîtres ») et avoir l’intelligence de savoir utiliser ponctuellement ce que leur propre doctrine peut contenir de positif.

Je ne peux finir sans citer Etienne Chouard (dans un journal dont j’ai perdu la référence, sans doute Libé) : « Il n’y a pas de trahison ou de complot des élites à proprement parler, mais c’est plutôt à force de renoncements successifs aux règles démocratiques qu’ils se sont, je le crains, progressivement accoutumés à un résultat qui paraît pourtant choquant quand on n’y pas été préparé et qu’on le compare à notre système national, déjà très imparfait... Il y a encore quelques mois, j’étais sûr et certain de voter "oui", parce qu’il ne faut pas freiner l’Europe, que c’est la paix, que l’idée est très belle en soi... Mais en fait, quand les gens comme moi débarquent dans ce débat et qu’ils lisent le projet de constitution, ils se réveillent brutalement et comprennent que ce texte sert à garantir au pouvoir, et pour longtemps, qu’il ne sera pas gêné par les contrôles exercés par le peuple ». Et voilà : là aussi, c’est en étudiant le texte lui-même qu’il a pris la mesure du décalage existant entre la beauté des idéaux affichés et le contenu réel du TCE. L’un l’a fait plus tôt que l’autre, mais dans les deux cas, je n’y vois pas malice. Au contraire, je dis bravo, car il n’est jamais facile de reconnaître ses propres erreurs.

Stanislaw B.