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> Services publics, individualité et évaluation. Un point de vue hétérodoxe

26 novembre 2005, 15:30

Il est bon de dire que les logiques du privé s’installent peu à peu dans la maison étatique, que la privatisation n’est pas uniquement la revente au privé. ça casse un peu les schémas classiques qui valorisent en eux-mêmes les services publics...
Mais nulle part je ne vois une critique de la dépossession, de la perte d’autonomie lié à la récupération par l’Etat de nombreuses fonctions qui pourraient être assurés par les communautés elles-mêmes sans cette médiation. En effet, l’Etat reste toujours dans une logique d’autoconservation, qu’il soit bras gauche ou bras droit, il y subsiste et y subsistera (car cela est consubstantiel à l’Etat) bureaucratie et hiérarchie... Les libertaires l’avaient bien compris ; nombreux sont ceux qui n’ont pas été dupe de l’arrivée de l’Etat providence et de la gestion de l’ordre social partagé entre Etat et syndicats...
Le système d’individualisation a pu s’installer car les syndicats ont laissé au patronat les mains libres quant à l’organisation du travail et la vocation de celui-ci : service public de gestion de la société et des méfaits qui la touche...Les services publics ont accompagné les dégradations qui ont mis la société en crise permanente au nom de l’emploi, des politiques publics voulues par des représentants qui ne représentent que la bureaucratie...L’Etat social a permis de perpétuer le mensonge du bonheur sous le joug capitaliste : de l’abondance et des supports sociaux, du progrès technique et des protection accrue...
Aujourd’hui que le capitalisme n’a plus besoin de ces protections pour survivre, qu’il a assez individualisé, atomisé, médié les opinions par sa doxa, les services publics peuvent peu à peu être détruits. Ils ont bien servi, merci. Ils ont permis d’accompagner la progressive destruction des formes de vies autonomes (et les espoirs ouvriers d’une alternative à l’Etat), ils ont aidé à guérir les malades de la civilisation industriels, à éduquer les futurs cadres qui oeuvreront à la modernisation obligatoire, à maintenir le mythe et l’exigence de l’intégration à une société à l’image positive, républicaine, bla, bla, bla...
Voilà l’aveuglement des tenants de l’Etat social. L’analyse et les propositions de Corcuff confirment ce diagnostic : aujourd’hui, avec le renouvellement des générations (et la formation d’individualistes qui méprisent la solidarité ouvrière), une évaluation faite par les salariés eux-mêmes reviendrait au même qu’une évaluation faite par l’Etat, j’en ai bien peur. Une telle sociale-démocratie servirait toujours d’accompagnement car elle ne vise pas à l’abolition de l’Etat et du capitalisme mais une gestion "plus humaine" de ses destructions.
Quant à la formation, elle reste aujourd’hui lié à l’idée d’employabilité c’est-à-dire la conformation aux exigences de l’entreprise. Il faut aujourd’hui critiquer ce que les entreprises obligent les salariés à vendre : ce qu’ils sont intimement, leur personnalité, leurs espoirs...Tout doit être donné au travail sous peine d’être disqualifié...Casser la valeur travail et l’idéal de réalisation par la consommation qui passent par la dépossession des choix de vie voilà une priorité pour redonner un sens à nos vies loin du carcan capitaliste.