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> Les Chantiers de l’Atlantique attaquent pour diffamation

12 mai 2006, 15:36

A bien relire le communiqué du 16 septembre 2005 en question, on est en plus un peu « estomaqué » de ce « beaucoup de bruit pour rien », et de l’audace judiciaire des avocats de l’Alstom (qui doivent être payer fort chers pour une cause si peu fondée)

Que dit-il finalement ce communiqué :

« Après le conflit des travailleurs polonais de la société KLIPER en juillet/août, un nouvel épisode d’esclavage moderne éclate sur le site naval. Treize salariés polonais de la société KOR-PA, basée à SZCZECIN (Pologne) ont engagé ce matin une grève totale pour revendiquer le respect de leurs droits. »

Ce sont les stés KLIPER et KOR-PA qui sont ici visées. La Sté KOR-PA est sous-traitante d’une société sous-traitante d’Alstom Marine, technica marine nous dit encore le communiqué. En quoi la Sté Alstom marine se sent-elle visée ?
Puis vient une longue énumération des brimades dont ont été victimes les salariés de ces sous-traitants. « Esclavage moderne » n’a rien de « diffamant », c’est un simple jugement de valeur, sur une situation où effectivement, apparemment, beaucoup de libertés fondamentales de tout travailleur de France ne sont pas respectées.

« Ce nouveau scandale, met une nouvelle fois en exergue la flibusterie organisée par ALSTOM MARINE sur ce site. Les pouvoirs publics ont l’obligation de mettre les donneurs d’ordres face à leurs responsabilités et de mettre fin au banditisme patronal. »

dit ensuite le communiqué. Si la flibusterie ( voler aux travailleurs leurs salaires est un acte que l’on peut qualifier de « flibusterie », la métaphore maritime est de bon aloi dans une industrie de constructions navales ) est directement l’œuvre des sous-traitants, on peut dire que Alstom Marine étant contractants et donneurs d’ordre de ces sous-traitants – qui eux se livrant à des actes de flibusterie – « organise » en quelque sorte une situation qui dégénère en flibusterie. De même le « banditisme patronal » concerne ici les sous-traitants, mais le communiqué rappelle les responsabilités du donneur d’ordre vis-à-vis de sous-traitants indélicats, et en appelle – par delà Alstom – au devoir moral et légal des pouvoirs publics.

« La CGT condamne tous les actes mafieux perpétrés sur le site des Chantiers de l’Atlantique et responsabilise le principal donneur d’ordre ALSTOM MARINE de cet état de non-droit. »

Le fait que le communiqué dise vouloir « responsabiliser » le donneur d’ordre, signifie bien que celui-ci n’est pas « directement coupable » des actes mafieux perpétrés (ce sont les sous-traitants qui ont commis ces actes « mafieux »). Il y a un état de non-droit sur le site, du fait d’agissements de certains sous-traitants. Mais la CGT « responsabilise » le donneur d’ordre, c’est-à-dire que même s’il n’est pas coupable, il est responsable des agissements de ses co-contractants sous-traitants (et là-dessus la CGT ne fait que rappeler une jurisprudence française qui est constante depuis les scandales des JO d’Albertville en 1992).

A la rigueur ce serait aux sociétés KLIPER et KOR-PA de pouvoir intenter une action en diffamation. Mais aucunement à Alstom Marine qui n’est aucunement visé – directement en tant qu’auteur des faits qualifiés par le communiqué de : « esclavage moderne », « flibusterie » (organisée indirectement et sans doute involontairement par Alstom Marine, abusée par de tels pirates que sont les sociétés sous-traitantes précitées), « banditisme patronal » (auquel on demande à Alstom marine de mettre fin ; c’est bien la preuve logique qu’Alstom n’est pas visée : demande-t-on à un bandit de réprimer son propre banditisme !?), et « actes mafieux » . Alstom Marine commet même dans cette plainte une grave erreur : on a l’impression qu’elle se solidarise des différentes infractions qu’ont commises ces sociétés sous-traitantes, en considérant que les qualificatifs qu’accolent la CGT à leurs agissements, et à leurs seuls agissements, seraient portés à son endroit. La lecture un peu objective du communiqué dément tout à fait cette version des faits. Si la CGT considérait Alstom Marine comme un bandit, lui demanderait-elle de faire cesser les infractions ? Où a-t-on vu une victime demander justice au délinquant qu’il l’a volé ou agressé ? Si la CGT demande à Alstom marine de se « responsabiliser », et de faire cesser ce genre d’agissements de la part de ces sous-traitants, c’est bien qu’elle distingue 1) d’une part Alstom Marine, entreprise de droit français, qui n’est ni un flibustier, ni un bandit, ni un esclavagiste, ni un maffieux 2) d’autre des entreprises sous-traitantes qui se comportent très mal, et ont des comportements qui peuvent rappeler les 4 qualificatifs énoncés. Et qu’elle demande que le premier, lier contractuellement au second fasse cesser ces agissements grâce aux pouvoirs légaux et économiques qu’elle possède à leur encontre.

Rémy (je ne mets pas mon nom de famille, j’ai un cousin qui porte le même et qui est ingénieur là-haut !)