Accueil > ... > Forum 104851

> Ivry sur Seine : 27 % de participation et un "Oui" massif

22 novembre 2006, 11:31

À Ivry, 96 % de « oui » pour garder la maternité

Référendum . Près de huit mille habitants de cette ville du Val-de-Marne, dont, pour la première fois, des centaines d’étrangers, ont pris part au vote.

Maison de la citoyenneté, quartier d’Ivry-Port. Siège des 7e et

8e bureaux de vote. Depuis les urnes à l’intérieur jusque sur le trottoir au dehors, une longue file d’hommes et de femmes d’origine africaine s’étire. Une table chargée des bulletins « oui » et « non » et des enveloppes, des isoloirs, le bureau des assesseurs où l’on émarge... Décor classique pour un jour d’élection, sauf que, pour la plupart de ces électeurs, « c’est la première fois ». En entrant, beaucoup hésitent, attendent de l’aide pour s’orienter dans le parcours à suivre, leur carte de citoyen toute neuve à la main. « On a un succès monstre ! Ça ne désemplit pas », confient des agents municipaux, émus devant cet élan civique massif. Venu, comme beaucoup, du foyer de travailleurs immigrés situé à deux cents mètres, Mahmadou, jeune Malien, explique qu’il est venu voter « oui » au maintien de la maternité Jean-Rostand parce qu’il a « des frères, des cousins qui sont nés ici », que « c’est tout proche ».

« J’ai accouché de mes trois enfants à Jean-Rostand. J’aimerais garder la maternité pour les autres. Ma fille a eu deux enfants, elle en attend un troisième », explique Aïcha, la cinquantaine, d’origine algérienne, venue voter avec une amie. Une « première » pour elle aussi, qui vit en France à Ivry, depuis 1978. Elle ne dissimule pas sa fierté : « On existe, on a le droit de donner son point de vue... Il y a beaucoup d’autres problèmes où on aimerait donner notre avis. » Première également pour Abdel, d’origine marocaine, ivryen depuis 1985 : « Je fais partie de tout le monde. C’est important de pouvoir s’exprimer pour un étranger qui vit ici, paye des impôts. Hélas, la société coupe tout, il y a les Africains, les Européens... Il faut être intégré. Moi, je ne parlais pas du tout le français en arrivant, j’ai appris, pourtant je n’avais jamais été à l’école. » L’ami qui l’accompagne n’avait lui non plus jamais voté : « ça devient de plus en plus important. Avant, je n’étais pas trop concerné. Mais le discours devient de plus en plus musclé. Beaucoup voudraient s’inscrire pour les élections de 2007 ».

Mahmadou, Abdel, Aïcha et les autres font partie des 1 500 étrangers vivant à Ivry, parfois depuis longtemps, qui se sont inscrits, ces trois derniers mois, sur les listes électorales, comme la municipalité le leur proposait pour participer au référendum local de ce 19 novembre. « On voulait mener deux batailles en même temps », explique-t-on à la mairie. D’abord poursuivre l’action engagée depuis des mois contre la fermeture de l’hôpital de proximité Jean-Rostand et de sa maternité, programmée pour 2008 par l’Assistance publique, bien que son utilité et son efficacité soient largement prouvées. On y effectue 2 200 accouchements par an. 50 000 naissances en trente ans, de toutes nationalités. Cet équipement concernant tout le monde, il fallait permettre à tous, Français et étrangers, de donner leur point de vue via une consultation électorale.

Malgré le veto du préfet, qui avait déclaré le scrutin illégal, l’appel au boycott des élus UMP au conseil municipal, le scepticisme des élus Verts qui se sont abstenus, le succès est éclatant. Sur les 29 000 habitants inscrits, 7 829 ont pris part au vote (27 %), un « taux au-dessus de la fourchette haute dans ce type de consultation », souligne Pierre Gosnat, le maire communiste, en annonçant les résultats, le soir, devant une foule d’électeurs. 7 424 ont glissé un « oui » dans l’urne (95,38 %), 360 un « non » (4,62 %). Témoignage de « l’attachement de la population » à son hôpital, « reflet de l’unité et de la diversité de notre ville, avec les jeunes qui sont nés à Jean-Rostand, les plus âgés qui y ont été soignés et les étrangers habituellement privés du droit de vote ». Fort de la « légitimité donnée par ces milliers de voix », Pierre Gosnat indique qu’il va, dès le lendemain, saisir le président de la République, en rappelant que « Jacques Chirac était le président de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris lors de la création de Jean-Rostand en 1978 ». 19 novembre 2006, la maternité n’est pas encore sauvée, mais Ivry a vécu un beau dimanche pour la défense du droit à la santé et pour la cause d’une démocratie pleine et entière, n’excluant plus personne.

Yves Housson

http://www.humanite.presse.fr/journal/2006-11-21/2006-11-21-840692