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> Une situation nouvelle à gauche

21 novembre 2006, 13:16

Par Bruno Lamothe

Je l’ai dit à plusieurs reprises, je trouve que la campagne pour les élections présidentielles de 2007 est bien mal partie. Tout est question d’image, de méthode. Il n’est pas dans mon propos, question de nier notre passage au siècle de la « démocratie médiatique », mais, contrairement à 2002, cette élection manque singulièrement d’une chose qui me paraît essentielle : un débat de fond. Certes, en 2002, ledit débat de fond était biaisé et caricatural : il y avait d’un coté les partisans de la droite classique, de l’Etat gendarme, représenté par Chirac, et, de l’autre, une gauche au bilan économique et social relativement bon, mais ayant échoué sur un point : la gestion des dossiers de sécurité intérieure. Mais les enjeux n’étaient pas, permettez-moi de le dire, aussi importants qu’aujourd’hui. Hier, il s’agissait de dire si on jouait à « qui est le plus au centre gauche ». Aujourd’hui, la question n’est plus seulement de savoir qui sera un peu plus libéral que l’autre, entre Nicolas Sarkozy et Marie-Ségolène Royal. La droite a changé. La nouvelle droite, celle de Sarkozy, qui s’est construit en opposition à Chirac, veut tout simplement mettre à bas l’idéal de République sociale.

Face à l’enjeu, je l’ai souvent dit et répété durant cette campagne interne : on n’a pas le droit de se louper. L’affaire est grave. Notre système républicain, rien que ça, est en danger.

C’était d’ailleurs l’argument de Royal, qui, sur la foi des sondages en sa faveur disait, toute de blanc vêtue, telle une Jeanne d’Arc ou un e vestale , je suis la seule capable de battre Sarkozy. Les militantes et les militants socialistes, dans cette parodie de démocratie interne (j’en reparlerais, patience…) lui ont apporté leur confiance, et le parti, sur un plateau.

Certes, il faut gagner, il faut battre Sarkozy, mais il est totalement saugrenu et ridicule de prétendre gagner, battre Sarkozy, sans savoir, d’abord, comment gagner, et, ensuite, pour faire quoi du pouvoir. Il ne s’agit pas seulement (je vais paraphraser De Gaulle, attention), de sauter comme des cabris en disant « battons Sarkozy », « battons Sarkozy », mais de dire pourquoi ! On ne peut pas dire aux françaises et aux français qu’il faut battre Sarkozy, tout en maintenant un flou artistique et coupable sur les différences de fond qui nous opposent.

Il faut à tout pris arrêter de faire perdurer le brouillage des clivages qui a conduit, je le répète, à l’échec du 21 avril 2002, et, peut-être, à celui du référendum du 29 mai 2005. C’est parce que Chirac et Jospin se battaient sur le même terrain, celui du centre-gauche, que Jospin a dit « mon projet n’est pas socialiste », qu’on a durablement brouillé les clivages, qu’on s’est coupés durablement de l’électorat populaire, qui est allé voir du coté de l’extrême gauche, et des classes moyennes qui ont vu en Bayrou l’électrochoc. En 2005, le PS a été schizophrène, excusez-moi de le dire, en tenant un discours incantatoire et apologique en disant « le traité est le seul rempart pour préserver nos acquis, sans lui, plus rien ne marchera (cf. l’épisode des cantines scolaires) », tout en faisant campagne avec Sarkozy, Chirac, Madelin et autres chantres du libéralisme. Je ne me prononcerais pas sur le fond, mais sur la forme, en brouillant un peu plus le clivage, le message était rendu inaudible !

Et pourtant, en 2004, lors des régionales, les électeurs ont montré qu’ils pouvaient nous suivre lorsque le clivage est clair. Il y a eu un raz de marée socialiste : seules l’Alsace et la Corse sont restées à droite. Les conditions de la victoire sont donc claires :

 ne pas changer la ligne

 rassembler à gauche. Le centre est occupé par Bayrou, qui incarne avec force le refus du compromis, le refus de choisir entre socialisme et ultra-libéralisme. Le premier tour ne sera pas plus facile qu’en 2002, qu’on se détrompe tout de suite ! Tous les courants de gauche et de droite seront représentés et fortement identifiables et mobilisateurs : Sarkozy, à la droite de la droite, Le Pen, un gaulliste (Dupont-Aignan, MAM ou de Villepin), une catho-sociale en la personne de Boutin, les écologistes avec Voynet et peut-être Hulot, le centre, on l’a dit, avec Bayrou, et la gauche anti-libérale avec une nuée de prétendants.

Il faudra donc faire le plein des socialistes, et, au deuxième tour, persuader et convaincre les électeurs de l’autre gauche. Tous. Même, et surtout, les anti libéraux. Pour être majoritaire, dans ces conditions, il ne faut pas qu’il manque une seule voix. Même si le parti communiste semble diminué, il nous faut nous rassembler. Donner l’assurance que nous incarnons une alternative véritable à la politique menée depuis 2002, et au programme de l’UMP. Il nous faut prendre la mesure non pas du malaise, mais « des » malaises, qui rongent notre société. Des millions de personnes vivent avec moins de 750 euros/mois, et le salaire moyen des français est de 1300 euros/mois. Voilà le réalité, une réalité que Laurent Fabius, mais aussi Dominique Strauss-Kahn, prenaient en compte : avec un pouvoir d’achat qui baisse ou stagne, le mal logement, comment nos concitoyens peuvent-ils être satisfaits ? Nous avons, avec Madame Royal, je le dis parce que je le pense, un problème de crédibilité. Il sera impossible de le surmonter si elle ne s’engage pas, enfin, fortement à porter le projet socialiste. Francois Hollande l’a encore affirmé hier soir. Mais les royalistes me semblent sourds au grave avertissement que nous apportons `a notre candidate.

Je dis notre candidate, parce que je veux encore y croire. Mais la pimprenelle du Poitou est dans un discours destiné à occuper l’espace médiatique, mais en totale contradiction, sur de nombreux points, avec le programme socialiste ! La remise en cause de la carte scolaire, les camps de déportation pour mineurs, les vigiles dans les classes, le statut des profs, etc. C’est dans le projet ? C’est socialiste ?

Ségolène Royal veut contourner le parti qui vient de la désigner comme étant sa candidate. Elle est dans la droite ligne du gaullisme. Elle a lancé un blog en disant : je n’ai pas d’idées, je ne sais pas grand chose sur à peu près tout, mais « vos idées seront les miennes ». C’est une opération poujadiste, populiste, et, pour le coup, on est en plein dans le brouillage…

http://laurentfabius2007.over-blog.com