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Souvenir de la nuit du 4

6 mars 2007, 10:30

Revenant le temps de la campagne sur son blog de la gauche populaire et antilibérale (http://victorhugo.gauchepopulaire.fr), Victor Hugo a d’ores et déjà proposé, entre autres textes, une mise à jour de ce poème :

Souvenir de la nuit du 4

L’enfant avait reçu deux balles dans la tête.
 Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;
 La télévision, éteinte, se taisait.
 Une vieille grand-mère était là qui pleurait.
 Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,
 Pâle, s’ouvrait ; la mort noyait son oeil farouche ;
 Ses bras pendants étaient déjà livides et froids.
 Il avait dans sa poche un petit Pif en bois.
 Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.
 L’aïeule regarda déshabiller l’enfant,
 Disant : - comme il est blanc ! approchez donc la lampe.
 Ah ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe !
 Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux.
 La nuit était lugubre ; on entendait des coups
 De fusil dans Clichy où l’on en tuait d’autres.
 Des voitures brûlaient. On arrêtait les nôtres.
 Elle déshabilla lentement le cadavre.
 Est-ce que ce n’est pas une chose qui navre !
 Cria-t-elle ; monsieur, il n’avait pas huit ans !
 Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents.
 Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,
 C’est lui qui l’écrivait. Est-ce qu’on va se mettre
 A tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu !
 On est donc des brigands ! Je vous demande un peu,
 Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre !
 Dire qu’ils m’ont tué ce pauvre petit être !
 Il passait dans la rue, ils ont tiré sur lui.
 Il devait recevoir ses papiers aujourd’hui !

Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas,
 Tremblant devant ce deuil qu’on ne console pas.

Vous ne compreniez point, mère, la politique.
 Car Monsieur Sarkozy, c’est son nom authentique,
 N’est que ministre encore, et il veut être roi ;
 Il lui convient d’avoir le pouvoir et la loi,
 L’argent de tout l’État et celui des grands fauves
 patronnaux ; par la même occasion, il sauve
 La famille, l’église et la société ;
 Il lui faut l’Élysée, plein de roses l’été,
 Où viendront l’adorer les préfets et les maires ;
 C’est pour cela qu’il faut que les vieilles grand-mères,
 De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps,
 Cousent dans le linceul des enfants de sept ans.