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Onfray tacle Villiers...

23 février 2007, 04:24

Extrait d’un article passionnant de Dominique Caboret sur http://laguerredelaliberte.free.fr

La république contre la démocratie

(...)
De 1848 date l’idéalisme républicain avec son cortège de principes : la croyance au progrès, l’attente de la République universelle, l’anticléricalisme et le suffrage universel comme panacée.

On oublie cependant que le régime républicain, mis en place durablement autour des années 1880, est le résultat d’un compromis conservateur et qu’il est né, non pas dans le sang des tenants et des privilégiés d’un régime antérieur, mais dans celui de la révolution même surprise en son élan. La Commune vaincue et réprimée permet non seulement aux républicains de se séparer définitivement du mouvement révolutionnaire et de sa tradition, mais d’instituer une république d’ordre, en fermant les conflits autour de la question sociale et démocratique qui, depuis la Révolution française, n’avaient cessé de contester sa légitimité.
Aussi, pas plus que la Révolution française ne peut se réduire à la déchéance de l’Ancien Régime, elle ne peut s’identifier à l’avènement de la république représentative sinon par le fait d’une illusion rétrospective propre à la propagande républicaine actuelle.
En effet, si la Révolution française pose le principe moderne de la politique démocratique, celui-ci apparaît d’emblée dans sa forme conflictuelle ; la question centrale étant celle de l’admission égale de tous au nouveau pouvoir politique. La question de la liberté politique est révolutionnaire dès ses origines.
En posant la volonté générale du peuple au fondement de la souveraineté et donc des lois et des institutions politiques, la Révolution française s’annonce dès ses débuts par un acte sans précédent : la fondation de la liberté. Prolongeant l’inversion déjà opérée dans sa critique de la religion, le jeune Marx saisira dans sa pureté la rupture qui s’opère avec la Révolution et ce dont elle est immédiatement porteuse : « la Démocratie est l’énigme résolue de toutes les constitutions » car la constitution, constamment ramenée à son véritable fondement, « apparaît alors pour ce qu’elle est vraiment à savoir un libre produit de l’homme »[1]. Par le fait même que la constitution se trouve ramenée à ce qui constamment la produit, le dêmos et son agir libre, la Révolution s’ouvre sur la question de la politique démocratique.

Cependant, bien que la chose publique soit déclarée l’affaire de tous, la souveraineté se trouve déléguée à une Assemblée nationale chargée de fonder le nouvel ordre politique et de gouverner le peuple en son nom. Se développe donc d’emblée la contradiction d’un pouvoir résidant dans le peuple, mais dont il ne peut faire usage si celui-ci se trouve délégué à ses représentants, seuls à même d’exercer pleinement la liberté politique en son nom. Dans le cours de la Révolution, la liberté politique nouvellement acquise va cristalliser un ensemble de conflits, la question centrale étant de savoir si la source du pouvoir réside dans l’assemblée ou dans le peuple, dans les représentants ou les représentés, dans les gouvernants ou les gouvernés.

Dès lors, soit le peuple se retire de la scène politique soit il conserve son pouvoir qui est alors nécessairement un droit à la résistance ou le pouvoir en réserve de la révolution. Aussi, dès le début de la Révolution française le nouveau pouvoir législatif, en tant que pouvoir de représentation, va se trouver contesté par l’aspiration du peuple à une participation générale au pouvoir politique. Assuré que la participation ne devient réelle que par la décision et la délibération de tous, le peuple, dans son combat révolutionnaire contre l’Ancien régime, va se saisir directement de sa liberté politique développant spontanément, à travers les sections et les sociétés populaires, des organes nouveaux de démocratie directe.
Entre l’ancien État en voie de désintégration et le nouvel État en formation, apparaissaient les formes d’un pouvoir politique directement exercé, contestation à la fois de l’un et de l’un et de l’autre. Ainsi nous nous trouvons, au sein même de la Révolution française, en présence de deux conceptions de la liberté politique, le principe représentatif et l’aspiration à la démocratie directe, ces deux principes à la fois différents et contradictoires sont nés en même temps.
La démocratie directe fût, dans la France de 1789, le résultat inattendu, en grande partie spontané, de la révolution elle-même[2]. Les districts, qui devinrent par la suite les fameuses quarante-huit sections de la commune de Paris, naquirent du manque de corps populaires dûment constitués pour l’élection de représentants et pour l’envoi de députés aux États généraux.
Paris fut donc découpé en soixante districts qui devaient servir d’assemblées primaires pour désigner les électeurs qui, réunis en assemblées électorales, devaient choisir à leur tour les députés du Tiers.

Cependant les assemblées de districts dépassèrent rapidement leur simple rôle électoral, affirmant que la souveraineté résidait dans le peuple assemblé, et développèrent l’exigence d’une Municipalité librement élue. À la faveur de la crise de Juillet et sous l’impulsion de la mobilisation populaire, tandis que les districts se transformèrent immédiatement en corps autonomes, s’organisait, à partir d’eux, une Municipalité insurrectionnelle qui devait déboucher le 25 Juillet sur une Assemblée des représentants de la Commune devant administrer provisoirement Paris et préparer un plan d’administration municipal. Non seulement la municipalité acquit le droit de faire ses lois, nommer ses magistrats, détenir une milice, mais les districts, dont elle était l’émanation, tendaient au gouvernement direct, exercice sans intermédiaire par le peuple de ses droits souverains. Lorsque l’Assemblée Constituante adopta en Juin 1790 la charte municipale de Paris, les quarante-huit sections, qui remplacèrent les districts, furent légalement réduites à des circonscriptions électorales réunies pour voter et devant se séparer après le scrutin. Mais là aussi, elles s’éloignent de leur définition, de simples organismes électoraux elles se constituèrent, par un effet de leur propre volonté, en municipalités autonomes. En définitive, les sections constituaient la véritable Commune de Paris capable de s’imposer aux autorités parisiennes comme à l’Assemblée nationale.

Les sections n’étaient pas les seuls organes ...... Face aux représentants de la Municipalité prêts à confisquer à leur profit la souveraineté de la Commune, la majorité des sections se montrait prête à exercer directement cette souveraineté, sans éprouver le besoin d’un corps intermédiaire entre elle et l’administration municipale : les citoyens n’avaient-ils pas la possibilité de se réunir dans le cadre précisément des sections qui tissaient entre elles des relations permanentes. En fait un conflit permanent les opposa aux tenants d’un régime représentatif qui auraient pu affirmer avec Brissot : « Telle est la marche des Peuples libres : Lorsqu’ils ont déposé leurs pouvoirs entre les mains de leurs représentants, ils ne savent plus qu’obéir (…). À travers des expressions telles que « l’assemblée générale de la Commune dans ses différentes sections » ou « la Commune délibérante dans chacune de ses sections », les sections signifiaient pourtant clairement leur opposition à l’idée de représentants qui, une fois élus, seraient indépendants de leurs électeurs et habilités à traduire seuls la volonté générale. Tenues par la crainte de voir émerger une nouvelle aristocratie ou un nouveau despotisme, les sections développaient donc l’idée qu’accorder à des représentants une confiance inconditionnelle et une liberté d’action illimitée revenait à se donner, non pas des agents, mais des maîtres........