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Cigale Avignon

10 juillet 2007, 13:40

Chers amis du forum,

Je viens de prendre connaissance des éditoriaux de Cigale qui sera distribué
à Avignon. Les textes sont légitimes et ce qui est dit et bien dit doit être
dit, quoique le propos des deux écrivains font plus le portrait de l’ennemi
à détester que de l’adversaire politique à combattre.

Mais je suis horrifiée par les images.
C’est une honte.
Comment a-t-on pu laisser passer une telle infamie ?
Ceux qui ont fait ça n’ont-ils donc rien compris à la défaite ?

Caricaturer les images traditionnelles des luttes, leurs symboles leur
mémoire et cela jusqu’à Delacroix pour tourner en dérision le bleu qui a
pris la place du rouge ! Est-ce là la signification historique de la défaite
 ? Vous avez été déçu par Staline et par Mao, aujourd’hui c’est Sarkozy qui
vous déçoit ? Où sommes nous ? Avez-vous donc honte d’un siècle d’espoir et
de luttes ? Pensez-vous que l’on puisse construire un combat politique dans
une telle haine de soi que les lettres cyrilliques ou chinoises (fausses qui
plus est !) désignent le monde à fuir, voire à haïr. C’est indigne d’une
histoire et indigne du présent et des douleurs de ces pays-là. Est-ce là une
analyse politique de la défaite ?? Est-ce là la vision de la réalité
politique ? Est-ce que l’usage d’une langue donc une allusion à une culture
peut devenir le symbole d’une aliénation cynique ?

Si Sarko a gagné c’est parce que les français n’ont plus d’image ni
d’imaginaire et que lui en a fourni. Faute de savoir analyser ses armes que
vous êtes donc incapables de démonter si je comprends ’il faut chercher à
l’Est de notre histoire pour critiquer le capitalisme ultralibéral d’une
société proaméricaine.

Tous ceux qui réfléchissent ne cessent de répéter que si on ne réinvente
pas un imaginaire et une culture de gauche c’est foutu pour toujours. Il fut
un temps où appartenir au parti c’était apprendre à parler et à penser et
beaucoup de ceux qui avaient été privés d’instruction et de culture
trouvaient au parti un accès à tout ce qui nourrissait l’imaginaire des
luttes et le plaisir de créer. Est-ce donc définivement fini ?

Quoi de pire que de montrer sa propre misère culturelle, sa culpabilité
historique en ne trouvant rien d’autre pour critiquer un régime que d’aller
chercher dans le grenier terni de ses propres idéaux ou de ses illusions et
de ces déceptions. Il y avait des idéaux. L’avez vous donc tous oublié ?
Même les guignols de l’Info ne se livrent pas à un faux second dégré de cet
acabit.

Je serais Sarkozy j’éclaterais de rire devant tant d’indigence qui montre
que sa victoire est complète le PC a besoin de tourner en dérision ses
propres icones pour lutter contre un régime de droite. Une fois de plus le
stalinisme ou le maoisme devient le prêt à porter de toutes les dictatures.
Pourquoi pas Hitler tant que vous y êtes ça au moins ce fut notre véritable
ennemi.

Mais Sarko rirait encore plus fort !

Je suis dans une colère noire à moins que ce soit un désespoir plus profond.
Cigale était misérable l’année dernière : Delacroix en faisait déjà les
frais et la mémoire des glorieuses avec lui sous les figures pseudo
érotisées de la vulgarité. Cette année ça dépasse ce qui est supportable. On
se moque des ouvriers, des paysans, de Gavroche et de la liberté avec la
conviction d’être drôle au second degré direz-vous ! C’est dramatique. Quand
respectera-t-on le lecteur, le spectateur, le militant ?

C’est à grande échelle ce que j’ai vu dans ma rue à Paris entre les deux
tours : Devant l’affiche portrait de Marie-George tenu, sur un séchoir
rouillé, par une épingle à linge une militante galonnée me disait "C’est
bien qu’on voie qu’on est pauvre"... Qu’elle se réjouisse encore plus
aujourd’hui à Avignon : la pauvreté imaginaire de la gauche est à présente
publiée et bien voyante. Oui on la voit bien.

Il y a quelques années je publiai dans le Monde un article dénonçant l’usage
de la faucille et du marteau pour faire une publicité boursière. Il ne
s’agit pas de censure vous le savez bien mais de pensée : que signifient
pour vous les mots et les images dans la construction d’un combat réellement
politique ? Accepterez-vous d’ouvrir enfin le débat sur ce que signifie la
construction d’une culture politique et ne plus vous contenter de faire une
critique des politiques culturelles ? Le débat sur la culture populaire passe
nécessairement par une réflexion sur ce qui fait un peuple pour une et par
une culture et non sur l’accès de "tous" aux chefs d’oeuvre ou à la
création.

J’ai envoyé une partie de ces lignes à Francis Parny et à Aline Pailler qui
n’avaient sans doute pas connaissance des images qui entouraient leur
propos.

MJM