Accueil > ... > Forum 237045

Christine Delphy ou la nouvelle Ménie Grégoire du féminisme

25 avril 2008, 14:52, par D@v !d B.

réponse rapide sur la question du raccourci marxien entre la force de travail et le corps : ce saut qualitatif, ça n’est à mon sens rien d’autre que le passage de la "domination formelle à la domination réelle" du Kapital.

Parce que je pense que Marx est infiniment plus "anthropologue" qu’économiste, que dans son propos sont tout à fait intégrées les dimensions "culturelle", ou cultuelle, même (et la notion de fétichisation de la marchandise n’est pas hasardeuse dans ce cadre).

Il s’agit bien d’un empire, d’une totalité, dont nos corps obéissants (pour ceux qui sont obéissants, en particulier au travail, mais aussi dans leurs modes de gestion du temps dit "libre") ne sont plus grand-chose d’autre que les sinistres vecteurs, représentants sommés de rester "en forme", con-formes.

"On ne peut souhaiter à personne de devoir se détacher de son corps." Trop tard, et c’est à se demander si on ne nait pas de plus en plus aliénés à la base : Nos corps sont DEJÀ des marchandises.

À Boris (encore) : J’avais écrit tout ce qui suit, et te relisant, je reviens au début de l’interpellation : moi aussi je suis pour les mêmes droits pour tous, gays, hétéros, bi, trans, etc. Mais c’est pas des gagne-pains.

Prostitué, c’est pas une orientation sexuelle. C’est ça qu’il faut bien voir. C’est une criss’ de job, un boulot, et même un métier, à en croire l’initiateur de cette discussion ! Comme métallo, caissière, ou journaliste, mais en marginal, donc en encore plus dur que cette dureté des réticences morales.

on peut toujours dire "c’est dégueulasse, vilain, pas beau", Fantine, Cosette, Cendrillon. Chuis d’accord, ça l’est. Mais c’est pas ça qui nous aide à examiner STRUCTURELLEMENT notre objet (abject ?).

Je ne sais pas non plus (et voilà une question pour que s’engueulent définitivement certains courants du marxisme et du féminisme) s’il faut prendre pour une bonne nouvelle le nombre croissant d’hommes livrés/se livrant à la prostitution.... P’têt’ ben qu’oui, p’têt’ ben qu’non. Ou les deux à la fois (onde et corpuscule). Mais p’têt’ pas en même temps (merci Gatti).

12 heures par jour dans les mines péruviennes à huit ans, c’est pas super non plus. Et questions morales mises à part : faut-il choisir entre les deux ? C’est comme ça : en se battant contre le travail des enfants, pour de meilleures conditions, (temps, sécurité, etc.) pour de meilleurs salaires et j’en passe, on n’espère pas interdire le fait que des gens, pour de l’argent, passent leurs journées plusieurs centaines de mètres sous terre. Et même si c’était interdit, si ça reste plus intéressant de le faire (faire) illégalement que ne pas le faire (faire), ça se ferait encore.

Reste que l’échange marchand des corps à louer existe.

Il est même interdit, c’est dire s’il existe !!!

Et il existe plus largement qu’on ne croie, et pas seulement en liquide, comme j’avais tenté de l’expliquer dans un post précédent. Je crois simplement que le "rapport sexuel", sous forme monétarisée, est amené à se développer de plus en plus : atomisation, perte du lien social et toutes les conneries habituelles, et PARCE QUE C’EST UN PUTAIN D’ENORME MARCHE.

Se voiler la face sur son existence, comme sur les conditions de cette existence, c’est admettre ne rien changer. Et au contraire, renforcer l’emprise des "mafias", ou autres systèmes organisés et illégaux d’exploitation de la misère.
C’est faire encore plus front à ces hommes et ces femmes (ok, surtout des femmes, mais primo, des hommes y en a, et deuxio, je crois qu’il y en aura de plus en plus, donc de plus en plus de "clientes") que de le nier l

C’est pourquoi mon tout premier message essayait de dire combien c’est la pratique la plus représentative de notre mode de production.

Enfin, brièvement sur la pertinente question de la misère sexuelle des client(E)s (ah ah je veux bien mettre les parenthèses majuscules s’il s’agit d’aller un peu contre la bien-pensance : la bientôt fin de la domination masculine, que j’appelle de mes vœux, aura entre autres ce bienfait que de révéler le non-sexisme de la bassesse et de l’ignominie : les femmes apparaîtront bientôt aussi misérables que les hommes).

D’abord c’est clair que notre culture de la sexualité, et dans une mesure plus large encore, celle des générations à venir (rôle "éducatif" des media de masse), sont des in-cultures du déni, héritées des cathos et des néo-cons pour les autres.
Des cul(bu)tures de la frustration, comme notre rapport à la marchandise, tiens.

En revanche je ne suis pas certain que même libérés de ces siècles-là, ne demeure pas quelque chose de cet ordre. Et je ne pense surtout pas que la raison raisonnablement raisonnante de la rationnalité en marche puisse apporter des réponses, sinon totalitaires.

La sexualité sera toujours, je pense, et d’autant plus maintenant qu’elle est massivement et techniquement détachée de la fonction reproductive, une sphère d’exploration des rapports de pouvoir, où l’interindividuel cède le pas symbolique à la communauté. (Sade, Foucault, Bataille, etc.) Le pouvoir de lui faire du bien est aussi un pouvoir sur l’autre.

Tout ce qu’on peut lui souhaiter, à la sexualité, pour conclure en me répétant (pour vous dire combien je suis cohérent, et vous inattentifs à mes allusions ;-))) ), c’est que NOUS parvenions à lui rendre cet hommage d’être le plus sublime des laboratoires d’observation humaine, mais sous la plus belle forme qui soit : le JEU.

Un coup(le) qui ne JOUE pas, c’est un coup tiré en l’air, c’est Thanatos ayant déjà dévoré Eros. L’argent vaut ici autant qu’au Monopoly.

D@v !d B.