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EDVIGE, EDVIRSP et l’alignement de la France sur un « droit minimal »

28 septembre 2008, 20:27

Il y a eu aussi une correction à la fin de l’article de blog. A l’intérieur de la parenthèse, il faut lire :

"par exemple, l'obligation de motivation circonstanciée dans le traitement des pourvois en cassation, infirmée par la décision sur la recevabilité ayant précédé l'arrêt Kosser de la CEDH"

Le recours de la société Immeuble Groupe Kosser contre la France a fait l’objet d’une décision collégiale préalable sur sa recevabilité. C’est le lien :

http://scientia.blog.lemonde.fr/files/2008/09/kosserrecevabilite0399.1222623837.doc.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme écrit :

"La requérante se plaint que, saisi du pourvoi, le Conseil d’Etat s’est borné à rappeler succinctement le contenu du moyen et à le rejeter en énonçant seulement qu’il n’était pas de nature à permettre l’admission de la requête.

La Cour rappelle que le droit d’accès aux tribunaux consacré par l’article 6 de la Convention peut être soumis à des limitations prenant la forme d’une réglementation par l’Etat. Celui-ci jouit d’une certaine marge d’appréciation, mais les limitations appliquées doivent poursuivre un but légitime, et ne doivent pas restreindre ni réduire l’accès ouvert à un individu d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même (arrêt Tolstoy Miloslawsky c. Royaume-Uni du 13 juillet 1995, série A n° 316-B, p. 78-79, § 59). Elle rappelle la jurisprudence selon laquelle l’article 6 n’exige pas que soit motivée en détail une décision par laquelle une juridiction de recours, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès (requête n° 26561/93, décision Rebai c. France du 25 février 1997, Décisions et Rapports (DR) 88, p. 72).

En l’espèce, la Cour note que la décision de la commission d’admission des pourvois en cassation était fondée sur l’absence de moyens de nature à permettre l’admission de la requête au sens de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1987. Dans ces conditions, elle ne décèle aucune apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention."

(fin de citation)

Cette jurisprudence de la CEDH a été à l’origine de l’actuelle procédure éliminatoire des pourvois en cassation dans les juridictions de l’ordre judiciaire. Voir, à ce sujet, le site de Justiciable :

http://www.geocities.com/justiciable_fr/

et l’article de Guy Canivet de juillet 2002 défendant ces procédures éliminatoires instaurées par une loi de 2001 (loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001) :

http://www.courdecassation.fr/br_in...

Canivet écrit notamment :

"Il est donc indispensable que, comme de nombreuses cours suprêmes des grands systèmes de droit étrangers et, pour les chambres civiles, conformément à une tradition seulement interrompue depuis 1947, la Cour de cassation revienne à un examen préalable des pourvois dont elle est saisie.

L’expérience a parfaitement montré que si ce mécanisme de régulation de l’accès à la Cour de cassation fait défaut, c’est-à-dire si l’ouverture de la voie de recours pourtant extraordinaire qu’est le pourvoi en cassation est incontrôlé et oblige dans tous les cas, quelle que soit la valeur de la critique, à une décision motivée selon la technique lourde du pourvoi, les moyens humains et matériels de la Cour doivent être multipliés à l’infini pour faire face à un flux de recours en constante augmentation, cette croissance continue des effectifs provoquant une modification de la nature de la Cour et de graves conséquences sur l’unité et la cohérence de la jurisprudence.

(...)

En donnant à la Cour de cassation le pouvoir de déclarer non admis les pourvois qui sont fondés sur des moyens non sérieux, la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 a mis en harmonie la procédure du pourvoi et le régime de l’aide juridictionnelle en subordonnant l’octroi de l’aide publique et l’examen du recours au même préalable de vérification du sérieux du grief formulé ou éventuel. Très heureusement, est de la sorte rétablie l’égalité d’accès à la Cour de cassation entre les plaideurs agissant avec le soutien de l’aide publique et ceux dont les ressources financières en écartent la nécessité."

(fin de citation)

On peut, depuis, rejeter un pourvoi en cassation sans en donner les motifs et éliminer de la même façon une demande d’aide juridictionnelle pour un manque prétendu de moyens sérieux.

Comme dans le cas de l’arrêt Sacilor-Lormines, une société disposant de moyens financiers suffisants est parvenue à obtenir une certaine écoute de la CEDH. Mais la Cour rejette la plupart des recours des "petits justiciables" par une simple lettre type.