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En votant pour des primaires, le PS va enterrer la gauche, par Philippe Marlière

Publie le jeudi 1er octobre 2009 par Open-Publishing
8 commentaires

de Philippe Marlière

Primaires ouvertes, non-cumul des mandats, parité, diversité, charte d’éthique : le résultat de la consultation militante du 1er octobre 2009 ne laisse planer aucun doute. Les socialistes approuveront à une très large majorité ces propositions : aucun dirigeant ou presque ne s’y oppose ouvertement.

« Moderne » et « démocratique », l’idée des « primaires ouvertes à gauche » semble tellement aller de soi que personne au PS ne se risquerait à la critiquer. Les « réformateurs » du PS la présentent comme une mesure « efficace » et de « bon sens ».

En réalité, ses promoteurs sont sur le point de mettre le doigt dans un engrenage qui pourrait à terme être fatal au premier parti de la gauche française.

Aux Etats-Unis, les primaires démocrates tournent à la course au financement

Il est acquis que la « primaire ouverte à gauche » sera de fait une « primaire ouverte socialiste » élargie aux appendices électoraux du PS, le PRG et le MDC. Les partisans de la primaire française se réfèrent volontiers au cas étatsunien. Ils estiment qu’un candidat étranger à l’establishment a été en mesure de remporter l’investiture.

Ce n’est que partiellement vrai. Dès le début de la primaire, Barack Obama a été présenté comme le rival principal d’Hillary Clinton. Il a certes pu compter sur l’activisme de citoyens de base qui ont en partie financé sa campagne.

Signe de la modération politique de sa candidature, il a également bénéficié du concours financier d’un des piliers du capitalisme étatsunien : la banque d’investissement Goldman Sachs fut le principal donateur d’Obama. Cette course au financement oblige les compétiteurs à modérer leurs propositions. Dennis Kucinich, un démocrate de gauche, fut jugé « hors norme » et dut rapidement jeter l’éponge.

En 2007, les militants PS ont choisi la candidate en tête dans les sondages

Contrairement aux promesses des « rénovateurs », la primaire socialiste ne sera ni « pluraliste », ni « compétitive ». Elle ne fera qu’amplifier le type de résultat obtenu lors de la primaire fermée de 2006.

En phase avec les sondages et la « ségolénomania médiatique » de l’époque, les adhérents avaient choisi la candidate à qui on promettait la victoire dans un duel avec Nicolas Sarkozy. Il est troublant de constater que le vote des militants en faveur de Ségolène Royal fut le reflet fidèle du choix exprimé par les sympathisants de gauche à travers les sondages.

D’autre part, au début de 2007, ces sondages prédisaient une victoire de Ségolène Royal contre Nicolas Sarkozy, sur le score de 53% à 47%. Le résultat final fut diamétralement inversé.

Pourquoi ? Parce que les adhérents socialistes ont arrêté leur vote sur la base de considérations personnelles et affectives (l’apparence de la nouveauté dans le discours, le style de la candidate, la démocratie participative) et ont délaissé le débat des idées et de la rationalité politique (quel programme pour regrouper l’électorat de gauche et créer une dynamique victorieuse au second tour ? )

Lorsque la campagne présidentielle a commencé, les électeurs ont révisé leur opinion à l’égard d’une candidate au discours droitier et à contresens des attentes populaires.

Le risque de primaires déconnectées de la séquence présidentielle

La primaire pourrait ainsi introniser le(a) candidat(e) le moins en phase avec le temps politisé d’une campagne présidentielle. Des facteurs lourds et impondérables seront absents de la primaire et ne seront introduits dans le jeu qu’au commencement de la campagne présidentielle : quel programme socialiste ? , quels candidats de droite ? , quels rapports de force à gauche ? , etc.

On déduira des remarques précédentes que la primaire comporte en réalité des mécanismes censitaires cachés. Une campagne en dehors de la séquence présidentielle sera avant tout rythmée par les coups médiatiques. Dans ce concours de beauté dépolitisé, le vote des sympathisants se fixera sur les candidats centristes à la plus forte notoriété médiatique, c’est-à-dire ceux qui, au temps de la primaire sont en tête des sondages.

Selon ces critères, la short list de candidats socialistes devrait réunir Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, Dominique Strauss-Kahn (tous trois issus de la droite du PS) et Martine Aubry, une sociale-démocrate modérée, soutenue par… la gauche du parti.

Il n’y aura donc plus de candidat de gauche car ses chances de victoire sont inexistantes dans le régime des primaires. Bel exemple de pluralisme et de compétition !

En Italie, les primaires à gauche ont mené au droitier gouvernement Prodi

Il reste maintenant à considérer le dernier effet pervers d’une primaire française : quelle dynamique politique promet-elle dans un deuxième tour d’élection présidentielle ? Une alliance à gauche ou à droite ? Le tropisme plébiscitaire de la primaire fera en sorte que le choix des alliances sera laissé à l’appréciation du/de la candidat(e) investi(e) par les sympathisants.

La « démocratie d’opinion » va exacerber le phénomène de personnalisation du pouvoir au sein du PS. A l’issue d’une primaire fermée, Ségolène Royal avait unilatéralement décidé qu’en cas de victoire elle aurait nommé François Bayrou au poste de Premier ministre !

Nous rejoignons ici la situation italienne. La première primaire ouverte à gauche en 2005 avait permis à Romano Prodi (le Bayrou italien), d’être investi à la tête d’une coalition arc-en-ciel, allant de la gauche radicale à la droite libérale. En participant au gouvernement droitier de Prodi, la gauche radicale a perdu toute crédibilité et a implosé.

La mort de la gauche italienne a permis au centre social-libéral de poursuivre l’offensive en proposant aux libéraux et aux démocrates-chrétiens de former le Parti démocrate, qui se dit « post-gauche ». Une candidature « centriste » issue de la primaire socialiste sera tentée de s’engager dans cette voie.

La naissance d’un Parti démocrate en France est un scénario plausible car nombre de promoteurs de la primaire préconisent une alliance avec François Bayrou. Ainsi, le jeu de la primaire pourrait à moyen terme faciliter le dépassement du PS, comme parti de gauche.

Pour une primaire à gauche et de gauche avec le PCF, PG, NPA, Verts de gauche…

La primaire ouverte socialiste est un artefact démocratique, un instrument aux mains d’individus pressés de dénouer le fil ténu qui relie encore le PS à son histoire de luttes sociales, aux catégories populaires et au reste de la gauche.

Le délitement de la gauche italienne a fait le jeu de Silvio Berlusconi qui gouverne aujourd’hui sans opposition véritable. En France, la droitisation du PS constitue un réel danger pour la gauche sociale. Elle ne peut donc rester inactive. Le PCF, le PG, le NPA, les Verts de gauche et les altermondialistes pourraient démontrer que la primaire n’est qu’un moyen au service d’une fin politique à définir.

Ils auraient tout à gagner à élaborer une plate-forme commune démocratiquement débattue, puis à inviter leurs adhérents à choisir le(a) candidat(e) qui portera leurs propositions à l’élection présidentielle.

Nous aurions là une primaire à gauche et de gauche, celle qui aura permis de choisir le porte-parole des forces de gauche et non le mégalomaniaque dépositaire d’un « destin national ».

http://www.rue89.com/philippe-marli...

Messages

  • Très bien vu ...L’analyse est très bonne ...Les militants PCF sont d’accord sur cette stratégie possible et souhaitable pour cette présidentielle à venir ....Mais nous ne savons pas encore où en sera le mouvement social face à la crise permanente du capitalisme ...Alors primaire ou pas , l’action révolutionnaire permettra sûrement de foutre en l’air la 5ème république et cette élection "bidon" qui trompe le peuple depuis trop longtemps ....

    Mais où en sera la social-démocratie bourgeoise en 2012 ????? Et Sarkozy aussi face au chômage de masse et à la colère du peuple .... L’histoire est en train de courir malgré les élites qui cherchent des parades à la crise du système qui ne peut être guéri de sa course au profit maximum ...

    Je pense que les nouveaux bolchéviks du 21ème siècle peuvent préparer leur nouvelle socièté communiste,débarassée de toutes ses scories anciennes, pour remplacer la socièté capitaliste en fin de course ....

    Vive larévolution ...

    bernard SARTON,section d’Aubagne

    • Peut-être aurait-il fallu rappeler que la popularité de Ségolène Royal a été construite par la droite. Un an déjà avant l’élection le Nouvel Observateur lançait sur son forum internet une discussion sur le thème "Ségolène présidente". Avant même qu’elle soit désignée comme candidate, elle était mise en valeur par ses voyages "officiels" au Liban, en Amérique du Sud et en Chine.

      Nous ne savons toujours pas qui est à l’origine de ces intiatives. Personne n’a tenté d’estimer le coût de sa pré-campagne. Et on ne sait pas évidemment qui a financé tout cela.

      La manipulation est évidente. Tout comme d’ailleurs celle de la candidature de Sarkozy. Il est sûr que voyant monter les extrêmes et après l’échec du TCE, les puissances d’argent aussi bien de l’Union Européenne et les USA ne sont pas restés passifs. Nous attendons les historiens qui voudront bien se pencher sérieusement sur ce passé récent et mener une recherche indépendante.

  • Le PCF, PG, NPA, Verts de gauche, Altermondialistes auraient tout à gagner à élaborer une plateforme commune puis inviter leurs adhérents à choisir le(a) candidat qui portera leur proposition à l’élection présidentielle.
    1° Il vaudrait mieux parler de militants plutôt que d’adhérents et n’oublier personne (LO par exemple)...
    2° Quel est le parti le plus important en nombre de militants ?
    3° La direction du PC s’engagera- t-elle à ne pas rejoindre le PS au deuxième tour ?

  • Ben ça va le faire comme des poupées russes, il s’agit de paralyser la gauche radicale, de faire ne sorte qu’il n’y ait plus de témoins....

    On montera alors une grande primaire, avec un candidat ségolonisé à la télé et on magnifiera un opposant, Mélenchon,ou un PC, afin que la gauche radicale croit qu’elle a un chance .

    Évidemment, après une belle bataille, le candidat de la gauche radicale s’inclinera avec 40% face aux 60% du libéral-nomenclaturiste de gauche, et hop ça fera une candidature commune et une belle victoire pour la gauche bourgeoise qui continuera la politique pro-bourgeoise.

    Pour cela il y a des conditions indispensables : garder marginalisé Lutte Ouvrière et mener une campagne assidue contre le NPA, faite de propos nauséeux.

    Le scénario italien avait réussi ce tour de forces de faire rentrer la très grosse majorité de la gauche radicale dans une majorité de centre gauche après des primaires internes...

    Résultat : politique durement anti-sociale, et retour malgré tout de ce qu’on croyait empêcher en s’unissant, le berlusconi encore plus arrogant et brun.

    La gauche fracassée et immolée , désagrégée par la pire des défaites, celle qui ressort d’avoir mené une politique de droite qui amène une droite encore plus autoritaire ...

  • LE GRAND BLUFF MEDIATIQUE ! LE CANDIDAT :QUEL PROGRAMME ? QUELLE REPARTITION DES RICHESSES PRODUITES ? QUELS DROITS DES SALARIES ? J’EN PASSE ET DES MEILLEURES
    BEBERT 59

  • Tout cela n’a de sens qu’avec le système actuel qui est présidentiel et pas du tout démocratique.

    L’optique premier est de se débarasser de l’élection présidentielle qui est une erreur et qui même à l’autocratie, c’est d’ailleurs tres exactement ce qui se passe en France à l’heure actuelle. Donc, en revenant à une véritable démocratie active, celle qui émane du "peuple souverain" dont les élus ne sont que des serviteurs révocables, on évitera le culte de la personnalité. Il est évident que cet article gentillet avec une analyse des primaires socialistes est loin de poser le véritable problème d’une démocratie qui s’étiole au jour le jour...

    Primaires n’ayant aucun intérêt dans la mesure aussi que le PS n’a pas d’idéologie de fond. Par conséquense, il s’agit d’un vote pour enterriner des stuctures électoralistes qui de fait ne vont sevir qu’à définir les places à prendre et dans qu’elles conditions.

    Donc cet article n’a aucun intérêt, si ce n’est qu’à s’interroger sur un système qui serait obsolète si l’on rentrait dans un vrai débat sur la démocratie !

    http://le-ragondin-furieux.blog4ever.com