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Enchantements : un monologue décapant sur l’économie, la politique et l’information

Publie le jeudi 23 février 2006 par Open-Publishing

Hier soir, au Palalottomatica de Rome, le nouveau spectacle "Incantesimi" [Enchantements, ndt]. Grillo, le héros choisi par Time qui bat tous les records

de CARLO MORETTI traduit de l’italien par karl&rosa

"Ce ne sera pas un spectacle, ce sera un massacre", prévient Beppe Grillo au début du spectacle. Mais il ira bien au-delà de ce qu’il a promis. Une attaque très dure, à 360 degrés, de l’économie à la politique, aux droits d’auteur "qui sont en train de bloquer notre futur". Avec un rêve à réaliser : la révolution technologique. "Je voudrais qu’à la naissance nous ayons tous notre code numérique et une adresse électronique. Voila une campagne dont la gauche devrait se faire le porte-parole.

Grâce à la révolution technologique et aux coups de téléphone gratuits via Internet, déjà demain matin nous pouvons renvoyer chez eux les prétendus managers comme Tronchetti Provera, quelqu’un qui a des dizaines de milliards de dettes et vit de conflits d’intérêt.

Le héros européen 2005, choisi par le magazine américain Time pour représenter l’Italie, a trouvé à Rome sa première, digne célébration. Salle comble au Palalottomatica, à partir d’hier soir et jusqu’au 19 février (avec les six mille billets pour la dernière date pulvérisés au bout d’une heure et demi de prévente), ce n’est pas peu. Et on ne peut pas parler d’une exception parce que le spectacle de Beppe Grillo, le monologue de plus de deux heures intitulé "Enchantements", où le comique génois s’attaque à tous les thèmes qui lui sont chers, de l’information à la politique, en passant par le contrôle de l’énergie, est en train d’obtenir le même, sensationnel succès auprès du public de toute l’Italie.

Avec ce spectacle, Grillo rencontre, physiquement aussi, le public qui le suit chaque jour sur son blog. Le spectacle est même conçu comme la reprise et le développement live des batailles lancées sur le site Internet "beppegrillo.it". Reviennent les noms des entreprises italiennes qui diffusent les poisons cancérigènes à travers leurs produits, des petits pots au panettone, et le public du Palalottomatica a un frisson. "Je sais, je regrette" commente Grillo, insouciant des risques de plainte. "Mais c’est la pure vérité".

C’est un déluge d’informations et d’ironie au vitriol : "Scajola [ministre des Activités Productives du gouvernement Berlusconi, ndt] nous a demandé par décret de baisser d’un degré le chauffage des bureaux et des habitations, ensuite ils ont inauguré à Turin une Olympiade avec un flambeau haut de 50 mètres qui brûle 1.800 mètres cubes de gaz par heure. En un mois, il brûlerait autant de gaz qu’un village de 6.000 personnes. Et il vient nous les briser". Dans ce contact direct, dans cet échange d’informations sans intermédiation se trouve la clé pour entrer dans l’esprit de "Enchantements". "Tout est basé sur une bataille de la connaissance" a dit Grillo pour expliquer sa façon d’entendre la démocratie. "Ce que le pouvoir est aujourd’hui en train d’essayer d’obtenir est une ligne de démarcation de plus en plus nette entre ceux qui ont accès à la connaissance et ceux qui ne l’ont pas ou qui, de toute façon, sont destinés à en avoir de moins en moins".

C’est pourquoi Grillo a saisi avec intérêt la nouveauté offerte par le Grand Net, ce blog (pour le nombre des contacts il est le dixième au monde) qui représente à ses yeux un "Rotary club des malheureux, de ceux qui ne sautent pas aux yeux mais aident à gagner les batailles. Et il rappelle alors les 850 mails expédiées à Ciampi pour demander le retrait des troupes italiennes de l’Irak "mais il ne s’en est pas aperçu, vous êtes-vous demandés pourquoi ? Peut-être que madame Franca [l’épouse du président de la République, ndt] ne lui a rien dit".

Le showman qui a su anticiper par son analyse précise le scandale Parmalat (et qui pour cela a fait écrire au Time que "peut-être il aurait dû faire le réviseur des comptes de l’état plutôt que le comique : Grillo est l’un des rares bouffons qui, en classe, font rire mais arrivent aussi en outre à faire soigneusement leurs devoirs "), a charmé le public en conduisant tout le spectacle sur la crête difficile qui sépare le comique de la démonstration scientifique, avec force données et de précises références historiques, sans par ailleurs jamais tomber dans la démagogie.

Ses estoquades mettent à nu les contradictions de notre façon de vivre, dévoilent les mécanismes de domination de l’économie sur la qualité de la vie, sur la santé et sur l’environnement, démontrent comment on peut contrôler l’information pour mortifier la démocratie : "Aujourd’hui, les dictatures s’imposent par le contrôle des informations et du Net. Les armes sont devenues inutiles. Si les citoyens savaient la vérité, certains gouvernements dureraient cinq minutes".

http://www.repubblica.it/2006/b/sez...