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FEMMES ET PARITE

Publie le vendredi 1er octobre 2004 par Open-Publishing
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de Mado

Au cours de ma jeunesse en France, on ne peut vraiment pas dire que j’aie été entourée de féministes et rebelles. Les femmes étaient sagement mariées et celles qui ne l’étaient pas, ne l’étaient pas par choix délibéré. Mes premières études de six ans en Allemagne, dans un domaine particulièrement féminin, les langues, ne m’avancèrent guère dans ma quête de femmes intéressantes. D’ailleurs, ce n’était pas mon souci premier de l’époque. Au contraire, lors de mon premier emploi salarié dans un bureau d’ingénieurs-conseils, je constatais que les femmes étaient toujours reléguées au rang de subalternes (il n’y avait pas de femme ingénieur, encore moins responsable de section).

Ce premier travail dans un environnement masculin a sans doute eu une influence déterminante sur le choix de la direction à prendre : la lutte pour faire reconnaître et accepter ses droits. Oh, mon combat n’a rien à voir avec celui des femmes dans les pays pauvres et opprimés, mais quand je lutte, je ne lutte pas juste pour moi, je lutte pour toutes les femmes du monde, car nous sommes toutes l’autre moitié de ce monde. Et dans notre autre moitié du monde, nous sommes LA première moitié du monde.

Je ne sais plus au juste quand je me suis intéressée pour la première fois aux questions d’égalité des droits entre les humains et les humaines, dans la pratique bien sûr, car dans la théorie de ma tête, très empreinte de justice, l’égalité existait depuis toujours. Mais je sais aussi que ce sont les textes engagés que j’ai lus au fil des années en Allemagne qui ont étendu mon horizon en la matière, car malheureusement je n’avais pas accès aux féministes allemandes pour la discussion de vive voix. Mannheim n’était vraiment pas une ville où se réunissait le gratin de l’intelligentsia. Mais l’Allemagne avait son journal féministe, EMMA, qui existe toujours d’ailleurs et qui est dirigé par une poignée de femmes dont Alice Schwarzer, la fameuse Alice, cible de tous les hommes et femmes qui n’ont rien compris. C’est donc dans cette presse spécialisée que l’on parle aussi de choses qui ne passent pas à la télé ou au journal local et où l’on peut s’éduquer, loin de la pensée unique et apprendre à voir les choses d’une autre façon.

Et maintenant j’en viens au titre du sujet : la parité. L’Allemagne a une législation qui permet de créer des entreprises uniquement pour femmes. Et c’est ainsi que l’on vit se créer la Frauencomputerschule (école d’informatique), Frauenwirtschaft (collectif de femmes chefs d’entreprise), Frauenbank (la banque qui ne prête qu’aux femmes, malheureusement encore en attente de concrétisation), Frauenpartei (le parti féministe), etc. Il y a même une université pour femmes. Je n’ai jamais entendu aucun homme crier à l’exclusion, à la discrimination. Cette évolution nous paraissait tout à fait normale.

Lorsque venant du côté français, j’ai entendu le mot parité pour la première fois, fin des années 90 il me semble, je me suis dit : quelle subtilité pour retarder le féminisme. Je m’explique et prends un exemple tout simple. Sur un marché donné, identique dans les deux pays, il y a 10 entreprises avec chacune 10 salariés masculins. 10 salariés féminins sont sur le carreau en attente d’un travail rémunéré. Côté allemand, 1 entreprise cesse ses activités. Les locaux sont rachetés par un groupe de femmes qui y installent une entreprise féministe. On a alors 10 femmes salariées et 10 hommes sur le carreau (mais ils peuvent très bien faire les ménages en attendant un job correctement rémunéré, égalité oblige). On a donc à la fin de l’année : 90% de salariés masculins et 10% de salariés féminins.

Côté français, à la première tentative de créer une entreprise pour femmes, les statuts font s’écrier les premiers lecteurs : halte, discrimination des hommes ! Personnellement, cela me fait toujours un peu sourire, car je trouve qu’un homme qui profère ce genre de discours tout en faisant partie de la moitié du monde qui domine l’autre depuis des millénaires, n’est plus à prendre au sérieux en l’an 2004. Il oublie que dans un système qui se veut équilibré, il y a des dettes à payer et que la facture a été présentée depuis de nombreuses années.

Côté français, la parité fait que l’entreprise qui a fermé ses portes peut être rachetée par une femme, mais que les salariés, du moins ce sont les informations dont je dispose, ne peuvent être entièrement féminins dans les statuts : discrimination, on se rappellera. Nous aurions donc, au maximum, 95% de salariés masculins et 5% de salariés féminins. Et ce retard de l’entreprise en France s’accuserait bien sûr avec le temps par rapport à l’entreprise allemande qui arriverait en théorie à une parité bien plus rapide au niveau des emplois salariés.
Par conséquent, je trouvais la version française rétrograde. Mais comme mon centre de vie était dorénavant en France, il fallait que je m’y adapte. Et depuis que le sujet de la politique et des élections fait la une de toutes les infos, la parité est à nouveau au centre de mon intérêt.

En Allemagne, à moins que la législation n’ait changé depuis, il n’y a pas d’obligation de listes paritaires pour les élections, ce qui fait que le parti des femmes est loin de placer ses candidates à des endroits stratégiques. En France, nous sommes bien sûr loin de ce qui est optimal, mais avec une parité réellement appliquée, les françaises devraient plus facilement accéder aux postes politiques auxquels elles ont droit pour une représentation démocratique et démographique réelle et vécue.

Conclusion : pour l’égalité en économie, il vaut mieux vivre en Allemagne et pour l’égalité en politique, en France.

Mais quand je parle de féminisme avec des hommes, il y en a systématiquement un qui va me rétorquer : oui, mais une fois au pouvoir, les femmes sont pires que les hommes. Et là, je suis toujours obligée d’éclairer la lanterne de ce monsieur pour lui expliquer, ce qu’il sait très bien du reste, mais ce à quoi il n’a jamais réfléchi, à savoir que pour prendre une place occupée par un homme au niveau du pouvoir, que ce soit par un autre homme ou par une femme, il faut être meilleur et dans notre monde actuel pire que lui, sinon il n’y a aucun moyen pour une femme d’arriver tout en haut de l’échelle. Ce n’est pas sa bonté et sa douceur qui va lui apporter le siège de Bush ou de Bill Gates. Je suis persuadée que tant que les hommes ne partageront pas les places disponibles avec les femmes, ils trouveront toujours en face d’eux des femmes qui seront pires qu’eux pour leur prendre la place. Et il faut être femme pour savoir depuis quand certaines attendent leur tour !

A ce sujet, il convient de savoir également que le pouvoir se prend, mais l’autorité se concède. Dans un courriél, j’écrivais un jour à un aîné qui confondait les deux : « Non, autorité et pouvoir, ce n’est pas la même chose : le pouvoir se prend par la force, la ruse, la violence et il se maintient par la force, la ruse, la violence. L’autorité s’ac-quiert à la sueur du front, elle est concédée par d’au-tres et jamais assurée pour toujours. Elle n’a pas besoin de for-ce, de brutalité, de méchanceté pour s’asseoir. C’est toute la différence entre Mobuto et Mandela. »
Dans mon travail, politique ou non, je ne cours pas après le pouvoir ; au contraire, la domination sur la vie des autres ne m’intéresse pas. D’ailleurs, j’ai bien souri l’autre jour lorsque, en attente dans l’entrée de la mairie, au centre du pouvoir de mon village, je lisais sur l’écran de télé suspendu au-dessus de la tête des visiteurs que la « plus grande couardise de l’homme est de vivre son pouvoir sur la faiblesse des autres ». Je ne me rappelle plus les termes précis, mais c’était d’un certain Audibert ou Audiberti, et je ne peux qu’être d’accord avec lui.

Pour finir sur les élections cantonales 2004, je me dis que si les femmes étaient solidaires entre elles, juste parce qu’elles font toutes partie de l’autre moitié de la population mondiale qui a beaucoup, énormément à rattraper, alors je devrais avoir une réelle chance de gagner ces élections. Malheureusement, la réalité est bien différente, car si les femmes étaient solidaires entre elles, le patriarcat et le machisme n’existeraient plus, n’est-ce pas ? Et le fait qu’elles ne le soient pas, est aussi une réussite du patriarcat et du machisme.

A bon entendeur, salut.

Messages

  • Bonjour

    je suis trop jeune pour ne jamais avoir entendu que la femme était l’égale de l’homme ; bien entendu je connais des hommes qui ne le pensent pas réellement et ça me choque (quand on me sort qu’une fille ne devrait pas fumer parce qu’elle est trop fragile et trop parfaite pour ça, c’est la même chose), mais il s’agit d’abord d’éduqer pour faire évoluer les mentalités (si dans une famille c’est la mère qui fait tout y compris le rangement dans la chambre de son fils, pas étonnant qu’il compte ensuite sur sa femme, ou du moins accepte qu’elle fasse toutes les activités ménagères sans aucun état d’âme...)
    (pour ce qui est des inégalités de salaires là c’est vrai que je ne vois aucune objection à attaquer et sanctionner sévèrement ceux qui n’appliquent pas les mêmes tarifs)

    mais la discrimination positive n’est pour moi pas une solution, ou alors uniquement à court terme afin de faire accepter de gros changements, mais j’ai sincèrement bcp de mal à comprendre pourquoi qqun de moins performant devrait être pri à tel poste uniquement parce qu’il répond à des critères indépendants de ses capacités, taxez moi de libéraliste tant pis c’est tout de même dans ce monde là qu’on vit ; et lorsque vous parlez d’entreprises pour femmes, d’écoles pour femmes, et bien je réagis avec l’"autre moitié", quitte à ne "pas être solidaire" et à accepter le machisme ambiant...

    il faut fixer des lois pour la parité je suis entièrement d’accord, il faut les faire accepter par tous les hommes c’est certain, mais tomber dans l’excès inverse (bien qu’on en soit loin c’est vrai) n’est pas la bonne méthode (et quel est cet argument de dire que les hommes nous ont dominé pdt des milléniares ? il s’agirait d’une vengeance alors ? hum), d’autant plus que le féminisme ne fait en France que bien peu d’adeptes et beaucoup de sceptiques (beaucoup de femmes ne se reconnaissent plus dans le discours féministe et pensent au contraire que le mouvement ne fait qu’aggraver la situation)
    à vrai dire ça me fait un peu penser à la journée de la femme, idée qui devait faire progresser les mentalités, et qui pourtant contient un paradoxe en soi, puisqu’elle signifie que les 364 autres appartiennent aux hommes...

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