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FSE - les prolos sur la touche...

Publie le mardi 18 novembre 2003 par Open-Publishing

Malgré le succès du FSE, l’altermondialisme reste une cause pour initiés

Le rendez-vous des partisans d’un "autre monde" s’est achevé, samedi 15
novembre, au terme d’une manifestation qui a rassemblé entre 40 000 et
100 000 personnes dans les rues de Paris. Les responsables du mouvement
souhaitent développer leur action "pour une autre Europe".

A l’heure du tomber de rideau du deuxième Forum social européen (FSE), les
organisateurs du rendez-vous altermondialiste ont gagné leur pari : 50 000
sympathisants et militants engagés ont participé, aux portes de Paris, aux
trois jours de débats - soit autant qu’à Florence (Italie), lors de la
première édition du rassemblement des altermondialistes. La manifestation
de samedi, quelle que soit l’évaluation retenue de son ampleur (40 000
participants, selon la police, 100 000, selon les organisateurs), peut être
considérée comme un succès.

Cette performance a eu aussi un coût : éclaté sur quatre sites, misant sur
la profusion des thèmes abordés, le FSE a parfois donné l’impression de
perdre en taille humaine, au point de ressembler, par instants, à un
gigantesque salon-vitrine des "alter", destiné à afficher la force d’un
courant plus qu’à susciter le débat. Les altermondialistes sont toutefois,
dans l’ensemble, au rendez-vous des objectifs qu’ils s’étaient donnés.

L’élargissement géographique qu’ils espéraient a commencé avec la présence
marquée de ressortissants d’Europe centrale. " Nous étions un millier et
nous avons eu quatre fois plus d’orateurs dans les débats qu’à Florence",
témoigne un représentant hongrois. L’élargissement à d’autres composantes du
mouvement, jusqu’alors restées aux marges, progresse lui aussi, notamment
auprès de la jeunesse d’origine immigrée des banlieues ou des "No vox", qui
regroupent les populations les plus précaires - chômeurs, sans-papiers ou
sans-logis. " Nous tirons un bilan plutôt positif du Forum, indique
Jean-Baptiste Eyraud, de Droit au logement (DAL), jugeant essentiel que ces
rendez-vous "ne décrochent pas des problèmes des populations les plus
touchées par les politiques économiques néolibérales".

En revanche, le Forum n’a pas séduit les "classes populaires", que les
altermondialistes savent devoir capter s’ils veulent donner à leur combat un
autre élan. Ce n’est pas vraiment une surprise. " C’est notre principale
faiblesse, a admis Bernard Cassen, chargé des relations internationales à
Attac, lors d’un séminaire ambitieusement intitulé : "Comment gagner les
majorités aux idées du mouvement altermondialiste ?" Invitée à disserter
sur le sujet, Claude Polliak, sociologue au CNRS, a laissé les militants
sans illusions, expliquant que les mouvements altermondialistes sont
confrontés au même problème que les partis politiques : le désintérêt
croissant des classes populaires. Comme eux, a-t-elle détaillé, ils
reproduisent la coupure entre "professionnels" de l’engagement et
"profanes". Et le fait que leurs idées semblent séduire une majorité de
Français - à en croire de récents sondages - ne garantit pas un recrutement
au- delà d’un noyau dur de convaincus. Les organisateurs jugent d’ailleurs
que l’implication des grands syndicats reste à améliorer.

Quoi qu’il en soit, le rassemblement de Saint-Denis marque une étape dans
l’émergence d’un mouvement altereuropéen, décidé à faire pression sur les
institutions européennes, accusées d’être un cheval de Troie du
néolibéralisme. " Notre mouvement a réussi à s’inscrire dans des
mobilisations nationales, a expliqué Pierre Khalfa, membre du comité
d’organisation et dirigeant d’Attac. Nous avons su occuper la scène dans des
campagnes contre l’OMC -Organisation mondiale du commerce- ou pour
l’annulation de la dette des pays pauvres ; mais sur l’Europe il y a un
trou qu’il faut combler." L’Assemblée des mouvements sociaux, organisée au
lendemain de la clôture des forums sociaux pour préparer un calendrier
d’actions, a montré que cette lacune est devenue une priorité. Dans les
semaines à venir, deux sujets au moins permettront de tester cette volonté
 : l’hostilité à la guerre en Irak et l’opposition au projet de Constitution
européenne de Valéry Giscard d’Estaing. Des appels à manifester sont lancés,
pour le 20 mars et le 9 mai 2004.

Dans ses rapports au pouvoir politique, le FSE a marqué une petite
évolution. Une partie du mouvement altermondialiste ne se vit plus seulement
comme un contre-pouvoir mais comme un groupe de pression qui n’exclut pas le
dialogue avec les élus. " Les forums sociaux se veulent des lieux autonomes
d’élaboration et de proposition, a indiqué, au cours d’un débat, Bernard
Pinaud, délégué général du Centre de recherche et d’information sur le
développement et membre de l’organisation du FSE. Les propositions ont à
être débattues avec les pouvoirs politiques car pour devenir réalités,
elles doivent être mise en ouvre par ces pouvoirs."

Du coup, pour la première fois, les élus locaux ont tenu leur forum en même
temps que le FSE. Quelque 800 représentants des collectivités locales, venus
de plus de 200 villes et de 30 pays, ont participé à Saint-Denis au Forum
des autorités locales (FAL), qui s’est conclu par un débat avec des
représentants des altermondialistes. Sur la démocratie participative, la
culture, les services publics, la solidarité entre territoires ou les droits
de la personne dans la ville, les élus se sont efforcés de montrer
l’importance du "pouvoir local" dans la traduction des "utopies" de
l’altermondialisation.

Contre-pouvoir, confrontation avec les élus, quête d’un "débouché politique"
 : ces trois options coexistent plus que jamais au sein du mouvement, sans
que le débat ne soit tranché. Enfin, si le Parti socialiste a été admis dans
les débats du FSE, la manifestation de samedi a montré que sa place parmi
les altermondialistes n’est toujours pas jugée légitime par une grande
partie de ceux-ci.

Laurence Caramel, Christine Garin et Caroline Monnot le monde

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Prochain rendez-vous à Bombay, en janvier

Le deuxième Forum social européen à peine terminé, les débats reprendront à
Bombay, début 2004, et les altermondialistes cherchent déjà les financements
pour se rendre en Inde. Le quatrième Forum social mondial (FSM) se déroulera
du 16 au 21 janvier dans la grande ville de l’Ouest indien, après les trois
éditions brésiliennes de Porto Alegre en 2001, 2002 et 2003.

L’ancien président sud-africain Nelson Mandela, le linguiste américain Noam
Chomsky seront, entre autres, les invités du FSM, auquel ne manqueront pas
d’assister les représentants des altermondialistes français, José Bové en
tête. Pierre Rousset, membre de l’association Attac et spécialiste de
l’Asie, estime que l’un des principaux enjeux de ce rassemblement, pour
lequel les organisateurs attendent 75 000 participants, sera d’intégrer
plus largement l’Asie au processus du FSM. "Bombay 2004 doit représenter un
moment majeur dans l’internationalisation du FSM", a-t-il déclaré à l’AFP.

Plus de 200 séminaires et débats seront organisés et 400 stands
d’organisations non gouvernementales sont attendus en janvier.

le monde