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Friterie-bar Brunetti

Publie le dimanche 9 octobre 2005 par Open-Publishing

de Pierre Autin-Grenier

Le complot des banques, des beaufs et des charognards...

Le complot des banques, des beaufs et des charognards de l’immobilier a toujours été d’en finir avec et d’éliminer une bonne fois pour toutes ces petits cafés de quartier dans la chaleur desquels s’assemblait le populo en fin de son affolant labeur pour, les uns et les autres joyeusement trinquant à la solidarité, rosser en paroles le gendarme, pester contre les prétentions du proprio et le prix du pain, se rebiffer avec la fougue des humiliés contre toute autorité voire même, ainsi que l’ont toujours redouté les banques, les beaufs et les charognards de l’immobilier, manigancer quelque coup tordu à l’encontre de leurs intérêts et de leurs viles magouilles.

Voilà enfin de l’énergie en littérature, un bon coup de poing à la bassesse et à l’imbécillité ambiantes, que ce "Friterie-bar Brunetti" ! Pierre Autin-Grenier, le prince du texte court, s’est fendu cette fois de 90 pages solidement trempées ! Et qu’on n’aille pas dire que c’est une ode au lapin à la gibelotte ou au Vermouth Cinzano, non c’est bien plus que ça, c’est un précis de décomposition, un pamphlet roboratif, un hymne à la révolte plutôt !

Tous ces personnages haut en couleur, ce bain d’humanité qu’il nous fait prendre, ce n’est qu’un lever de rideau, une mise en bouche, c’est ce bel aujourd’hui qu’il pointe, qu’il montre, qu’il fustige, qu’il apostrophe à longueurs de phrases ! Bel aujoud’hui ?

P.A.G. nous avertit : Il est bien temps de se réveiller, il ne tient qu’à nous qu’il ne se transforme pas en horrible trou borgne des démolisseurs, équarrisseurs de toute poésie, et métamorphosés en moins de deux par les promoteurs à bagouses et cravate club en selfs, snacks, Quick et Mac, temples de la finance aseptisés où officie dans une parfaite indifférence une poignée d’automates en uniforme au service de pantins hébétés consommant sans mot dire la merde capitaliste dans une solitude peuplée d’assassins.

Friterie-bar Brunetti de Pierre Autin-Grenier, Gallimard, collection l’Arpenteur

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti"

Le grand Raymond, adossé au zinc de chez Saint Pierre dans son costume en plumes d’ange flambant neuf et qui si fort hurlait que les lendemains, pour sûr, allaient se mettre à chanter, applaudit certainement de là-haut à ces vérités bien utiles lui qui, s’il venait à descendre de son nuage, ne pourrait même plus se rafraîchir les poumons d’une petite Celtique ou d’une papier maïs sans que les nouveaux gardiens du troupeau et défenseurs patentés des bronches, bronchioles, lobules et alvéoles de tout le pays ne le fassent aussitôt épingler par leurs pieds-plats et coffrer au cabinet noir pour y purger ses mauvaises manières.

Et madame Loulou pareil, notre pétroleuse du perlot, qui n’aurait plus qu’à faire tintin de ses provocantes bouts filtres estampillées anglaises pour échapper aux foudres des puritains qui, sous prétexte de santé publique, de lutte contre le tabagisme et autres fariboles, prétendent davantage encore régenter nos vies et nous contraindre à l’abstinence de tous les plaisirs tandis qu’eux-mêmes s’adonnent sans retenue aucune à leur passion du Bolivar et du Partagas sous les lambris dorés des ministères ou dans la quiétude des lupanars attenants.

Fumer tue ! ils gueulent sans pudeur quand ils nous gazent par milliers dans leurs guerres et, le reste du temps, nous exterminent à la pelle dans leurs industries.

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l’Arpenteur)