Accueil > Interdiction générale du voile intégral : vers une loi inapplicable ?

Interdiction générale du voile intégral : vers une loi inapplicable ?

Publie le jeudi 22 avril 2010 par Open-Publishing
6 commentaires

Certains opposants à l’interdiction générale du port du voile islamique intégral dans tout l’espace public mettent en doute l’applicabilité d’une telle loi et sa conformité à la Constitution.

Une loi d’interdiction générale du port du voile integral telle qu’envisagée par le gouvernement sera censurée par le Conseil constitutionnel, assure jeudi 22 avril Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université de Montpellier.

"Il n’y a aucun principe qui puisse servir de fondement juridique à une interdiction générale : ni le principe de laïcité ni ceux d’égalité, de sécurité ou de dignité", indique-t-il avant d’ajouter : "Ce qui serait indigne, c’est d’imposer à quelqu’un une manière de se conduire".

Selon le constitutionnaliste, la loi serait par ailleurs "pratiquement, matériellement inapplicable", pour une raison simple : "Que fait un policier d’une femme en burqa dans la rue ? Il la met en garde à vue ? En prison ? Pour combien temps ? Et quand elle ressortira, elle ira où ? Ces femmes vont rester chez elles ? Une interdiction générale est sans fondement juridique, disproportionnée et inapplicable" assure-t-il, rappelant qu’"il existe déjà tout un dispositif législatif et réglementaire, applicable lui, pour faire face aux situations où le port du voile peut poser problème"

Qu’adviendra-t-il alors du projet de loi ? "Si la loi est votée, il y aura une saisine, et une censure, du Conseil constitutionnel" affirme Dominique Rousseau.

"Passage en force"

Le président Nicolas Sarkozy a tranché mercredi 21 avril en faveur d’un projet de loi d’interdiction générale du voile intégral en France, malgré les réserves juridiques exprimées le mois dernier par le Conseil d’Etat.

Le projet de loi d’interdiction générale du port du voile intégral dans tout l’espace public, et pas seulement dans les services publics comme le préconisait le rapport de la mission d’information parlementaire, sera présenté en conseil des ministres "dans le courant du mois de mai", a annoncé le porte-parole du gouvernement Luc Chatel.

Le député PS Pierre Moscovici a jugé que le projet était un "passage en force face à la Constitution" et qu’il s’agissait d’une "loi de stigmatisation" risquant d’être "inapplicable".

Le Premier ministre François Fillon avait affirmé mercredi être "prêt à prendre des risques juridiques" pour interdire le port du voile intégral dans les espaces publics" et ce malgré les réserves juridiques exprimées le mois dernier par le Conseil d’Etat.

"Quand on est le Premier ministre du pays, quand on est un homme d’Etat, on ne prend pas de risque avec la Constitution", s’est indigné jeudi Pierre Moscovici sur France Inter. "Je ne dis pas que la burqa ne soit pas un problème, c’est une indignité faite aux femmes et la burqa n’a pas sa place dans l’espace public".

Mais selon le député du Doubs, cette loi "risque de raviver une série de querelles religieuses, communautaires. Je pense que c’est une loi de stigmatisation et je crains que ce ne soit une loi inapplicable".

"Inapplicable"

Même son de cloche pour le sénateur-maire PS de Lyon Gérard Collomb, pour qui la loi "sera inapplicable. Je connais un certain nombre des policiers lyonnais qui me disent aujourd’hui : ’Nous, on va aller dire aux gens sur tel ou tel marché, par exemple à Vénissieux, vous allez enlever votre burqa. Difficile à faire appliquer !’.

Lorsque c’était par exemple sur les lieux publics, là évidemment on pouvait faire appliquer. Sur l’espace public, ça, ça devient extrêmement difficile", a-t-il déclaré sur Public Sénat, concluant : "On est dans la politique de la législation spectacle qui ne résout rien au problème".

Le député PS de Paris Jean-Christophe Cambadélis a également qualifié, jeudi sur i-Télé, le projet de loi de "faute d’application", de "faute intégrale".

"Pour moi, la question de la burqa, du voile intégral, c’est une faute intégrale, c’est un défaut d’appréciation. La France n’est pas aujourd’hui, et heureusement, menacée par une vague islamiste qui se cacherait derrière le voile", a déclaré Jean-Christophe Cambadélis.

"On imagine mal les policiers courir dans les rues pour retirer le voile aux femmes. Cela va faire que les femmes voilées vont rester chez elles et donc on les enferme doublement, tout ceci est mal vu et subordonné à une opération électorale", a ajouté le député socialiste.

Bruno Le Roux, député socialiste de Seine-Saint-Denis dénonce quant à lui la méthode. "Je veux connaître le contenu du texte pour savoir comment le gouvernement a tenu compte des remarques du Conseil d’Etat".

"Tout le monde est perdant"

Du côté des associations, les avis sont partagés. Enfin, l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) s’est dite opposée à l’interdiction du port du voile intégral en France, jugeant que la législation "[violerait] le droit fondamental à la liberté de religion, de conscience et de pensée, ainsi que le droit à l’autonomie personnelle", estime HRW.

Une interdiction totale est "incompatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme" et probablement aussi la législation de l’UE contre les discriminations, a déclaré dans un communiqué Judith Sunderland, une chercheuse de Human Rights Watch.

De la même façon, SOS racisme a critiqué dans un communiqué cette décision qui serait "contraire à la Constitution et à la convention européenne des Droits de l’Homme". Selon l’association, elle "montre que le débat sur la burqa, bien loin de s’intéresser au sort des femmes qui seraient victimes de cette pratique, est empreint d’une logique populiste contraire aux valeurs du vivre ensemble que chacun prétend pourtant défendre". L’association estime que les responsables politiques seraient "plus crédibles" s’ils luttaient plutôt contre "les logiques de ségrégation et de discrimination" ou s’ils "évitaient de ne traiter certaines populations qu’à travers le prisme de leur appartenance ethnique ou religieuse". "Lutter pour le droit des femmes, écrit encore SOS Racisme, est indissociable du combat antiraciste mais le présent projet de loi ne poursuit en aucune façon cette finalité (...). Il s’inscrit tout au contraire dans un contexte de stigmatisation dont les responsables politiques sont en tous points responsables".

Ainsi, seule Sihem Habchi, présidente de Ni Putes ni Soumises s’est félicitée de cette annonce du gouvernement. "C’est la victoire des femmes, c’est le début d’une nouvelle page pour l’émancipation des femmes des quartiers populaires à qui on va proposer autre chose que l’enfermement ou la mort sociale" a-t-elle déclaré à l’AFP."Aux législateurs, je demande du courage politique pour voter une loi de protection et d’émancipation des femmes", a-t-elle ajouté.

"Aucune urgence" 

Le président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer (UMP) a souhaité de son côté que le gouvernement n’utilise pas la procédure d’urgence lors de l’examen au Parlement du projet de loi visant à une interdiction générale du port du voile intégral dans tout l’espace public.

Interrogé sur France Info, Bernard Accoyer a fait part de son souhait d’une procédure "non accélérée", "sereine", pour l’examen du texte. Il a ajouté que le président du Sénat Gérard Larcher avec qui il s’en est entretenu était "sur la même ligne" que lui.

"Il faut résoudre cette question, il n’y a pas d’urgence à quelques semaines près. Prenons le temps du débat, recherchons le consensus républicain pour aboutir à ce que cette pratique cesse sur le territoire de la République", a-t-il dit.

"Je souhaite qu’on examine rapidement le projet de loi, sans perdre de temps, mais sans précipitation", a ajouté le président de l’Assemblée nationale à propos du calendrier.

Selon lui, "il faut avoir quelque chose d’applicable techniquement et solide juridiquement [...], le débat, les échanges conduiront naturellement à trouver la bonne solution [...] l’intention des parlementaires est d’éviter le communautarisme dans ce qu’il a de plus insupportable, qui s’en prend à la dignité et à la liberté de la femme".

Selon des chiffres donnés par le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, quelque 1.900 femmes porteraient le voile intégral en France.

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20100422.OBS2837/interdiction-generale-du-voile-integral-vers-une-loi-inapplicable.html

Messages

  • Ainsi, seule Sihem Habchi, présidente de Ni Putes ni Soumises s’est félicitée de cette annonce du gouvernement. "C’est la victoire des femmes, c’est le début d’une nouvelle page pour l’émancipation des femmes des quartiers populaires à qui on va proposer autre chose que l’enfermement ou la mort sociale"

    Quelle dérive pour npns, de l’affaire de la candidate NPA voilée à cette approbation grossière de cette future loi répressive et sarkoziste (pléonasme) !

    Quant à ceux qui, à gauche, dénonce non pas une loi scandaleuse qui va développer le racisme et les tensions, une loi crapuleuse et politicienne dont le but est de concurrencer électoralement le FN (avec le succès qu’on sait !), mais simplement une loi qui est mauvaise "techniquement" car inapplicable, beurk...

    Chico

  • Cette droite et les ninis sont tellement "tristes",c’est décidé ,demain je me voile les fesses intégralement !!!!momo11

  • Pour comprendre tout l’intérêt (pour l’UMP-FN) de ce pseudo débat voir "Burqa Bla Bla" de Serge HALIMI :

    http://www.monde-diplomatique.fr/2010/04/HALIMI/18990

    Force est de reconnaître qu’une large partie de "la gauche" a contribué, de foulard en burqa, et sous prétexte de défense de la laïcité, à alimenter un débat dont la finalité réelle est de dresser les uns contre les autres en livrant en pature à "l’opinion publique" des boucs émissaires.

    • et c’est qd une manif pour dénoncé cette stigmatisation là, qui en rappelle d’autre

      il s’agirait de commencer a montrer notre solidarité avec les opprimés , non ???

      car pour le moment aucun appel de qui que ce soit pour interdire ce genre de lois

      KESKONFOUT ???

      le fossé se creuse...

    • Je suis moi-même résolument opposé au port du voile, intégral ou pas. D’abord pour toutes les raisons déjà évoquées, dignité etc. etc. mais aussi et surtout parce que ce voile dissimule des beautés brunes ou claires sans lesquelles las hommes ne pourraient vivre ou simplement s’épanouir. Mais bien sûr je suis également opposé aux interdictions qui ne régleront aucun des problèmes mais qui permettent de dépanner le FN et ses consorts.
      Originaire d’Algérie, je n’avais jamais vu prospéré à une telle vitesse les voiles qui ne sont certes pas un signe de progrès mais au contraire un recul surtout que nulle prise de conscience n’apparaît à la suite de cette tenue vestimentaire, pas même un cri de révolte contre les forces réactionnaires

  • medecin afghan parlait de ces pauvres femmes renversées par des vehicules du fait de leur champ visuel reduit

    Le "médecin" il avait "oublié" un certain nombre d’éléments.

    Je les donne ici sans me permettre de juger de leur pertinence.

    1. Le nombre de "véhicules" dangereux pour mles piétons, en dehors de Kaboul, (et encore ???), en Afrghanistan, si tu lève les chars et les véhicules des envahisseurs ça fait pas besef.

    2. le seul moment ou les femmes n’ont pas été "voilées" là-bas, c’est durant le Gouvernement Najibullah, gouvernement "communiste" pro-soviétique ou il était interdit de porter le voile sous peine de prison. Comme chez Hortefeux par exemple, ((- :.
    Ou comme en Iran lorsque le Shah, grand démocrate comme chacun sait, avait édicté la même loi au nom du "progrès" et des "Lumières" occidentales.

    Et ce genre d’opérations "intelligentes" et "démocratiques", pour le "bien" des femmes du coin ont été des élement déterminant dans la montée des "Talibans" financés par la CIA pour contrer les Soviétiques et faire tomber el Gouvernement en place ; et dans la chute du Shah sous la direction de Khomeiny gardé bien au chaud à Neaufles-le-Château par les Français de Tonton Mitterrand et ses potes américains.

    Quand "vous" faites des analyses, ou prétendez en faire, "vous", les "bonnes âmes" pleines de "bonnes intentions" ça vous ferai rien de bien vouloir y intégrer au moins l’essentiel des éléments antécédents.

    Au lieu de citer la "déclaration" d’un quelconque "expert" appointé au service de ceux qui assassinent ceux ou celles que vous prétendez défendre ???

    Ceux qui meurent de votre soutien à toutes ces conneries vous en seront certainement gré...

    G.L.