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Iran : gesticulations et (amères) réalités

Publie le lundi 1er mai 2006 par Open-Publishing
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de Paolo Gilardi

La polémique sur le nucléaire iranien continue de faire couler beaucoup d’encre. Et ceci malgré le fait que, de l’aveu même des cercles dirigeants états-uniens, une bombe atomique iranienne ne pourrait pas voir le jour avant plusieurs années. C’est le New York Times qui l’écrit en ajoutant que « le gouvernement des Etats-Unis estime qu’il faudra [à l’Iran] entre cinq et dix ans pour fabriquer la bombe alors que certain analystes n’en prévoient pas la réalisation avant 2020 » (13.04).

Alors prétexte comme le furent il y a trois ans les fantomatiques armes de destruction de masse au nom desquelles l’Irak a été envahi ? Malgré les gesticulations et les menaces, une invasion de l’Iran n’est aujourd’hui pas à l’ordre du jour.

D’après plusieurs observateurs, gesticulations et menaces serviraient en fait à détourner l’attention -et, en même temps, à définir la mise- des négociations discrètes actuellement en cours entre étasuniens et iraniens. Elles porteraient à la fois sur les prix du pétrole -10% des réserves mondiales sont sous le sol iranien- et sur l’influence que pourrait exercer l’Iran sur les chiites irakiens et sur ses autres alliés dans la région. Le fiasco total de la politique irakienne de l’administration Bush n’est pas étranger à cela.

Quatre mois après les élections, l’Iran est toujours sans gouvernement et la situation dans le pays ne cesse de se détériorer. Contrairement aux affirmations du président des Etats-Unis qui ne rate pas une occasion de répéter qu’elle s’améliore, un document de l’ambassade américaine à Bagdad du 31 janvier dernier décrit la situation comme « critique » dans trois des dix-huit provinces et « sérieuse » dans six autres, alors qu’il la qualifie de « stable » dans trois provinces seulement.

La définition que le rapport donne de la notion de « sérieuse » donne l’exacte mesure de la situation. Doit en effet être considérée comme telle la situation de toute province où « un gouvernement provincial n’est pas entièrement formé ou il ne peut satisfaire les besoins de la population ; [dont] le développement économique est stagnant avec des très hauts taux de chômage et la situation sécuritaire est faite de violences de routine, assassinats et extrémisme » (p. 2). En d’autres termes, trois ans après l’intervention censée libérer l’Irak, c’est à la désorganisation, à la pénurie, au chômage, à la violence et aux assassinats qu’est livrée la population d’un tiers des provinces irakiennes ! Quant à celles qui connaissent une situation « critique »...

Le rapport, que le Pentagone s’est bien gardé de diffuser, a été publié le huit avril par le New York Times . Seulement quelques jours plus tôt, Cheney, le vice-président, avait affirmé que « les vues optimistes de l’administration reflètent bien mieux la situation que le catastrophisme des médias » (CBS news, 30.03). De son côté, le général Peter Pace, le commandant en chef des forces en Irak, prétendait le 5 mars que la guerre va « very, very well », c’est-à-dire « très, très bien ».

Ce n’est de toute évidence pas ce que pense l’ambassade états-unienne à Bagdad. C’est l’ambassadeur lui-même, Zalmay Khalizad qui estime que « l’invasion a ouvert une boite de Pandore » et qui met en garde contre une « dynamique de guerre civile qui pourrait s’étendre au Moyen-Orient tout entier ».
Que la situation échappe au contrôle américain est ensuite prouvé par la description faite de la « la ville de Bassorah, devenue une mini théocratie avec un gouvernement et des forces de sécurité totalement acquis aux leaders religieux, l’alcool mis à ban et le voile imposé aux femmes ». Et surtout, ajoute le rapport, « les postes de police et les véhicules des forces de l’ordre sont souvent décorés avec des portraits de Moqtada-al-Sadr, le chef religieux rebelle, et de ceux de Abdul-Aziz al-Hakim, un mollah dont le parti est très étroitement lié à l’Iran ». Et qui contrôle, ajouterions-nous, le conseil de huit des neuf provinces du Sud ainsi que le conseil de ville de Bagdad...

C’est probablement aussi sous cet angle que les gesticulations des Etats-Unis -et de leurs vassaux européens- contre l’Iran doivent être envisagées : comme partie d’un plus vaste repositionnement dans le cadre d’une guerre rapidement gagnée mais qui s’avère perdue. Un repositionnement qui combine effort militaire, rodomontades et menaces, et négociations discrètes. Mais qui se fait aussi avec le blocage de l’aide directe aux Palestiniens que Europe et USA punissent ainsi d’avoir, librement, voté pour le Hamas...

(1) Departement of State, Provincial Stability Assessement,

http://www.labreche.ch/index.htm

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