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L’Europe de Sarkozy et la Gauche

Publie le mardi 22 mai 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

de Gennaro Carotenuto traduit de l’italien par Karl&Rosa

L’Europe est un continent de droite. Des petits jumeaux antisémites Kaczynski en Pologne – dont on parle trop peu – au berlusconisme médiatique qui n’est pas seulement italien, des différentes ultra droites qui entrent de plus en plus souvent dans les salons comme il faut aux droites traditionnelles, qui ne sont jamais sorties des lieux du pouvoir, jusqu’au blairisme à son crépuscule qui va laisser la place à un éboulement ultérieur vers la droite.

L’Europe est de droite surtout dans ses immenses classes moyennes, de moins en moins solides culturellement, vouées à un bien-être consumériste et conformiste, qu’elles considèrent comme dû, mais qui sont de plus en plus effrayées par l’impossibilité présente et future de le soutenir.

Elles veulent la sécurité et la droite va leur amener plus d’insécurité, pour qu’elles demandent encore plus de sécurité en votant à nouveau à droite. Ce sont des masses immenses, inquiètes de l’avenir de leurs enfants que le système rend jetables, mais incapables, surtout à cause d’un appauvrissement culturel généralisé, de grandes envolées. Elles identifient donc facilement l’ennemi chez l’autre et sont structurellement incapables de voir d’autres mondes possibles. Des masses immenses rendues incapables de concevoir le bien-être d’une façon collective. Des masses immenses, aujourd’hui, pleinement atomisées.

Le triomphe de Sarko, celui qui liquida le malaise des banlieues en en appelant « racaille » des habitants, c’est-à-dire en donnant en pâture leurs habitants à la rancœur de ses futurs électeurs, est la liquidation définitive de droite du gaullisme. C’est un passage historique que le dépassement de ce phénomène radical conservateur qui a tenu ensemble la France en battant Vichy, en la sortant du bain de sang algérien, en battant en vitesse ’68 et en contribuant à tenir – de droite mais d’un façon dialectique – la France en dehors de l’hiver libéral le plus dur. C’est un autre morceau du 20ème siècle qui s’en va et, hors des byzantinismes des centres quelque chose, se retrouve doublé sur sa droite par un Sarkozy qui se définit orgueilleusement de droite.

Le triomphe de Sarko est aussi le triomphe posthume de Donald Rumsfeld. Aujourd’hui la « vieille Europe » franco-allemande, qui sut se soustraire au carnage irakien, n’existe plus. Si aujourd’hui les Etats-Unis rappelaient à nouveau aux armes, le soldat Merkel et le soldat Sarko se mettraient au garde-à-vous. Nous devons nous réjouir que Nicolas Sarkozy triomphe alors que même George Bush est à son crépuscule.

L’Europe des classes moyennes moins cultivées et plus effrayées – souvent artificiellement, par d’incessantes campagnes terroristes sur l’immigration et la micro criminalité - rend l’éboulement vers la droite structurel. L’ambition décennale du centrisme, de plus en plus solide chez les gauches politiques, le démontre. Ce n’est plus que Tony Blair, l’élève préféré de Margaret Thatcher, qui en profite pour les liquider. Du Parti Démocrate en Italie à la tentative (indispensable dans la logique majoritaire) de la convenable Ségolène Royal de coopter le centriste François Bayrou, en passant par le libéralisme économique démesuré de Zapatero en Espagne, à peine déguisé par le progressisme social et par le fait que la SPD allemande semble tout à fait à l’aise en gouvernant avec la CDU.

Ils ont raison, les chiffres sont contraignants, il est inutile de se faire des illusions. A gauche on témoigne, on ne gouverne pas. Et si on gouverne avec le centre on ne peut sûrement pas le faire de gauche. Mais les choix de lignes politiques qui marquent ce passage ne sont pas très nombreux. C’est la sclérose oligarchique de la formation de la classe dirigeante, de gauche aussi. Les listes bloquées sont la version proportionnelle du majoritaire. La société civile en est exclue, les primaires sont un simulacre de démocratie participative. Participer comment ?

Cela semble un chemin sans issue mais, si on regarde bien, justement Nicolas Sarkozy offre une issue : « enterrez ‘68 ». Faisons-en un évènement glorieux et mettons le dans l’Histoire, comme la Commune de Paris. A 40 ans de distance, avec les chefs et les petits chefs souvent rangés, avachis et glissés vers la droite, mais jamais disposés à quitter le terrain, ceux qui en ’68 n’étaient pas encore nés ou qui étaient des enfants doivent repenser l’avenir de l’Europe sans pères nobles, sans mythes ni dogmes. Les mettre à la retraite. Se libérer d’un eurocentrisme idéologique de plus en plus embarrassant et regarder vers le monde.

Il n’y a pas de raccourci ne passant pas par un travail long et intelligent de formation et d’information, de prise de conscience faisant tache d’huile sur la participation, la précarité, les biens communs. Non pas parmi ceux qui sont déjà convaincus, mais dans une société ayant de bonnes raisons d’être effrayée. A moins de vouloir s’accommoder de l’existant, il n’y a pas d’autre moyen si ce n’est de se salir les mains, de parler avec les personnes et de les convaincre une par une, même si cela semble utopique.

Les défis auxquels nous avons à faire face sont historiques. En économie, le monde de Bretton Woods, qui a décidé le destin de la planète pendant 60 ans, est en train de mourir avec la domination du dollar. Que feront l’euro et l’Europe ? La gauche qui fêta l’échec de la Constitution n’a pas de réponses. Il y a le défi du changement climatique qui est un pistolet braqué sur la planète ; mais surtout il y a deux défis qui comprennent tous les autres. Le premier est celui de l’intégration, de la société multiraciale, de la citoyenneté et du rétablissement du suffrage universel. Quiconque a observé l’Italie des derniers mois sait que le pogrom est imminent. Le deuxième est celui de l’information. Le contrôle médiatique par quelques groupes libéraux est en train de vider la démocratie même de toute signification. Aujourd’hui c’est la droite qui donne des réponses à tous ces défis. Et elles ne nous plaisent pas.

http://www.gennarocarotenuto.it

Messages

  • A moins de vouloir s’accommoder de l’existant, il n’y a pas d’autre moyen si ce n’est de se salir les mains, de parler avec les personnes et de les convaincre une par une, même si cela semble utopique.

    C’est bien ce qu’on a fait autour de nous, parler et convaincre. Je suis fière d’être du Sud-Ouest, les gens n’ont pas gobé connement les propos de Sarko. Il y a encore du bon sens, même si...

    Mon voisin qui a voté Sarko, et son petit-fils qui n’aimait pas S.Royale parce qu’il croyait qu’elle allait lui ajouter des "heures supplémentaires" à l’école pour faire ses devoirs le soir, eh bien râté, mon petit, Sarko va t’appliquer le même programme dès la prochaine rentrée.

    Mais dites, Sarko serait-il un voleur d’idées ? Faudrait une idée géniale sur le terrain du fric, du salaire, de l’emploi, sait-on jamais... GS

  • Tout ce tient au final, l’individualisme fragilise le "peuple", donc le pouvoir issue de ce peuple, donc la démocratie (pouvoir du peuple). Pas seulement le pouvoir répressif, mais aussi le pouvoir attractif, tout pouvoir en fait. Le peuple n’offrant plus rien, ni de vie, ni de protection, chacun se retire chez lui, avec la peur de l’insécurité caractéristique de ce qui est isolé.

    Lorsqu’on suit cette logique on comprend pourquoi les Etats se renforcent autant, jusqu’à l’autocratie (voir les USA), pourquoi le racisme augmente autant (par définition ce qui menace la sécurité ce sont les autres) et pourquoi ceci est un cercle vicieux (l’insécurité fait davantage isoler les gens qui ont davantage peur de l’insécurité). Tout ce tient donc, et pour le pire.