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L’alternance en Uruguay conforte la gauche latino-américaine

Publie le mardi 1er mars 2005 par Open-Publishing
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Une coalition allant des anciens guérilleros Tupamaros à des centristes arrive au pouvoir dans l’ancienne "Suisse de l’Amérique latine".

de Christine Legrand Montevideo

Avec la prise de fonctions, mardi 1er mars, de Tabaré Vazquez, premier président socialiste de l’histoire de l’Uruguay, une atmosphère de fête règne à Montevideo, capitale et port cosmopolite qui a conservé un rythme de vie provincial sur les rives du Rio de la Plata. Passionnés de politique et de football, les Uruguayens ont mis beaucoup de leurs espoirs dans la coalition de centre-gauche qui devrait gouverner jusqu’en 2010 ce petit pays de 3,4 millions d’habitants.

En l’emportant, le 31 octobre 2004, avec 50,69 % des voix au premier tour, M. Tabaré Vazquez a mis fin à un siècle et demi de bipartisme qui a vu se succéder au pouvoir, depuis l’indépendance du pays (1825), le Parti national (ou parti Blanco, conservateur) et le Parti Colorado (libéral), dans une alternance interrompue par la parenthèse de la dictature militaire (1973-1985). L’Uruguay rejoint donc aujourd’hui une Amérique latine qui, en dépit de styles différents, bascule à gauche, avec les présidents Ricardo Lagos au Chili, Luiz Inacio Lula da Silva au Brésil, Nestor Kirchner en Argentine, Hugo Chavez au Venezuela ou Martin Torrijos au Panama, tous attendus, mardi, à Montevideo.

Baptisée, à sa naissance, en 1971, Frente Amplio (Front élargi, FA), la coalition de centre-gauche a pris le nom de "Rencontre progressiste-Front élargi-Nouvelle majorité" (EP-FA-NM). Elle se présente comme un puzzle composé d’une vingtaine de partis, réunissant des socialistes, des communistes, des radicaux de gauche, des démocrates chrétiens, des sociaux-démocrates, des dissidents des partis traditionnels et l’ancienne guérilla des années 1970, les Tupamaros, devenue le Mouvement de participation populaire (MPP). Le gouvernement dispose de la majorité absolue au Parlement, avec 16 des 30 sénateurs et 52 des 99 députés. M. Vazquez a affirmé qu’il respectera la loi d’amnistie, approuvée par plébiscite en 1989, qui empêche de juger les militaires et les policiers qui ont violé les droits de l’homme pendant la dictature. Il a toutefois précisé qu’il demandera l’application de son article 4, qui prévoit d’éclaircir ce qu’il est advenu des disparus.

CHANGEMENTS ATTENDUS

Pour rassurer les marchés financiers, le nouveau président a choisi comme ministre de l’économie le sénateur Danilo Astori, respecté dans les milieux d’affaires. M. Astori a annoncé qu’il favorisera les investissements privés. Très endetté, l’Uruguay ne rompra pas avec le Fonds monétaire international.

Toutefois, certains dirigeants du MPP réclament des changements, au nom de la dette sociale. Leur leader, José Mujica, nouveau ministre de l’agriculture, a été quatorze ans prisonnier de la dictature. A 70 ans, avec ses cheveux blancs, ses jeans délavés et son franc-parler, "Pepe" Mujica rivalise en popularité avec M. Vazquez. "Le grand problème sera l’absence de changements radicaux", avance le politologue Luis Eduardo Gonzalez. "Les Uruguayens qui ont voté Mujica ne l’ont pas fait pour son passé de guérillero, mais parce qu’ils s’identifient avec son style", relativise le sociologue Agustin Canzani.

Des changements sont attendus en politique étrangère avec "une rhétorique latino-américaine et plus antiaméricaine", pointe le politologue Juan Carlos Doyenart. Fidel Castro devait sceller à Montevideo la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et l’Uruguay, rompues en 2002 par le président Jorge Batlle. M. Castro a annulé son voyage "pour motifs de santé". "L’Uruguay sera un ami de Cuba comme de tous les autres pays d’Amérique latine", a affirmé le nouveau ministre des affaires étrangères, Reinaldo Gargano.

Pays charnière entre le Brésil et l’Argentine, l’Uruguay était un partenaire réticent du Mercosur, resté à l’écart du G20, le groupe des pays émergents. Le président Tabaré Vazquez devrait dynamiser le marché commun sud-américain. Il souhaite faire de Montevideo la "Bruxelles du Mercosur", regroupant désormais presque toute l’Amérique du Sud. Le Venezuela fournira du pétrole à des conditions avantageuses et, en contrepartie, l’Uruguay exportera des produits agroalimentaires.

Le défi de la gauche sera de répondre à l’attente d’une population attachée à l’image d’un Etat protecteur et durement affectée par la crise financière de 2001-2002. Jadis considéré "la Suisse de l’Amérique latine", l’Uruguay compte plus d’un tiers de la population urbaine vivant en dessous du seuil de pauvreté, soit deux fois plus qu’en 1999. Quelque 100 000 personnes vivent dans l’indigence. Le taux de chômage est de 13,6 %, mais il dépasse les 40 % dans les faubourgs ouvriers."Le Front élargi a canalisé le mécontentement social sans provoquer d’incendie. Son principal attrait est de n’avoir jamais gouverné", souligne M. Doyenart.

Christine Legrand

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"Pepe" Mujica prône la négociation

Ancien dirigeant des Tupamaros, José "Pepe" Mujica tient des propos conciliants au sujet de la coalition gouvernementale :

"Une des caractéristiques de la gauche, partout dans le monde, est sa tendance à l’atomisation. Croyant détenir la vérité révélée, chaque organisation s’estime obligée de lutter contre les autres, comme si c’était une question de principes. Rassembler ces gens est donc difficile.

"Toutefois, en Uruguay, nous avons une culture de la négociation. Les Partis colorado et blanco ont eu d’énormes différences, mais ils ont appris à négocier, et cela explique leur maintien au gouvernement aussi longtemps. Nous en avons conclu que la rigidité ne dure pas. Les bambous plus forts sont ceux qui ploient. Les communistes, les socialistes et les autres forces, nous avons appris à rester ensemble. La somme multiplie chacun d’entre nous, ce n’est pas de l’arithmétique." - (Carta Maior.)

http://www.lemonde.fr/web/article/0...

Messages

  • MESSAGE DESTINE A Christine LEGRAND.

    Chere Madame, je tenais a vous feliciter et à vous remercier de l’article paru dans le Monde du 5 Avril, concernant la traduction du "Petit Prince" en langue Toba.

    Vos informations sont providentielles pour moi qui suis un passionné de la Vie d’Antoine et de son oeuvre.
    j’essaye d’ailleurs de réunir les nombreuses traductions du Petit Prince, et bien sur que je vais tout essayer pour obtenir "So Shiyaxauolec Nta’a".
    Voila pourquoi ce mail, en esperant, qu’il vous parvienne, afin de vous demander par quels moyens et à quelle adresse je pourrais commander ce livre.?

    Je vous remercie de votre crompréhention et d’avance pour votre réponse.

    Andrick (Marseille 13)

    andrick_damiron@hotmail.com