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L’invasion de l’Irak : des" preuves" fabriquées en Italie

Publie le samedi 29 octobre 2005 par Open-Publishing

de MARCO GREGORI

Cela pourrait être un film de sérieB racontant comment le monde bascule sur un grotesque mensonge. Mais c’est pourtant une farce tragique qui a eu pour conséquence la guerre en Irak et les dizaines de milliers de morts qu’elle a provoqués. C’est du moins la conclusion d’une immense enquête publiée en trois étapes les 24, 25 et 26 octobre par le quotidien italien La Repubblica. Pour faire bref : les pseudo-preuves de détention d’armes de destruction massive par le régime de Saddam Hussein auraient été fabriquées de toutes pièces en Italie avec la collaboration active des services secrets transalpins (le Sismi).

Durant l’été 2004, les médias anglais avaient déjà évoqué l’affaire en mettant la main sur celui qui apparaissait alors comme le pivot de l’opération, un certain Rocco Martino, policier raté, mercenaire de l’espionnage au dossier pénal assez chargé. Rencontrant la plupart des hommes clés de l’opération, La Repubblica a démêlé tout l’écheveau et Martino n’apparaît plus que comme un pion. Récit.

En 1999, les services secrets français constatent que les mines d’uranium désaffectées du Niger sont de nouveau en service. Pourquoi et, surtout, pour qui ? Ces interrogations parviennent aux oreilles de Rocco Martino. Il contacte un vieil ami, Antonio Nucera, responsable d’une section du Sismi qui a passablement surveillé les espions de Saddam Hussein. Nucera dirige Martino auprès d’une espionne dormante à l’ambassade du Niger, à Rome. Le premier conseiller de l’ambassade est aussi dans le coup. Tous ont besoin d’argent et la France est avide de savoir.

Ces personnages dignes de la « Septième compagnie » organisent un vol à l’ambassade du Niger le 31 décembre 2000. Leur butin ? Des lettres à en-tête et des tampons officiels. Avec de vieux documents recueillis par Nucera, ils créent un dossier selon lequel l’Irak aurait acheté 500 tonnes d’uranium. Mais la France n’en croit pas un mot.

L’affaire aurait alors pu en rester là s’il n’y avait eu les attentats du 11 septembre et George W. Bush pointant rapidement du doigt l’Irak. Désormais, c’est Nicolò Pollari, fraîchement nommé directeur général du Sismi, qui entre en jeu. Cet automne 2001, il rencontre, avec le dossier Martino sous le bras, son homologue de la CIA George Tenet, lequel se montre très circonspect. D’ailleurs, les analystes de la CIA ne tardent pas à démonter les pièces du dossier. Mais des hauts responsables étasuniens -Condy Rice, Dick Cheney et Paul Wolfowitz- ont envie de donner corps à une guerre déjà planifiée.

Pendant plusieurs mois, les deux parties se livrent à une guerre d’influence. Et le 8 septembre 2002, la pseudo-acquisition d’uranium par l’Irak sort dans le New York Times sous la plume de la célèbre reporter Judith Miller.
Comme le souligne La Repubblica, « le gouvernement demande, les services secrets donnent, les médias diffusent, le gouvernement confirme ».

Tout s’enchaîne jusqu’à ce 28 janvier 2003 lorsque George W. Bush déclare, pour faire taire les sceptiques : « Le Gouvernement anglais a appris que Saddam Hussein a récemment cherché à acquérir une quantité significative d’uranium en Afrique. » Et pour cause : les Britanniques ont obtenu le dossier directement des mains de Rocco Martino.

En revanche, George W. Bush ne dira rien lorsque le 6 mars les Français lui confirment ce qu’il sait déjà : toute cette affaire n’est qu’un coup monté par appât du gain. Deux semaines plus tard, l’invasion de l’Irak débutait.

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