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La Nouvelle-Orléans, Katrina : plus de 10 000 morts en Louisiane

Publie le samedi 3 septembre 2005 par Open-Publishing
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Reportage dans le piège de La Nouvelle-Orléans

 Le Superdome de La Nouvelle-Orléans était un abri ; il s’est transformé en cauchemar pour des milliers de réfugiés.
 Ailleurs dans la ville sinistrée, c’est le chaos, alors que l’on évoque le chiffre de 10 000 morts en Louisiane.
 Sur fond de polémique anti-Bush, "Katrina" a également touché de plein fouet le secteur pétrolier.

de Jean-Cosme Delaloye

Le Superdome de la ville s’est transformé en une prison nauséabonde et dangereuse pour des milliers de réfugiés qui ont tout perdu. Au milieu des excréments, cadavres et détritus, des familles entières attendent qu’on vienne les sortir de là.

"Je ne peux plus supporter cette odeur." Sur la bretelle d’autoroute qui longe le Superdome, stade de football de La Nouvelle-Orléans transformé en abri de fortune pour quelque 20 000 personnes, Loyce Burke, pleure. Voilà trois jours qu’elle dort à la belle étoile et à même le béton. Trois jours qu’elle attend qu’on vienne la chercher et qu’elle supporte cette odeur nauséabonde, mélange d’excréments, d’eau stagnante, de vomis et d’ordures. "Les gens se demandent pourquoi nous ne quittons pas La Nouvelle-Orléans. J’ai vécu ici toute ma vie, s’écrie Loyce, une Afro-Américaine d’une cinquantaine d’années. Au début, je ne pouvais pas tout abandonner comme ça. Maintenant j’ai tout perdu et personne ne nous dit rien. J’aimerais bien savoir quand vont arriver les bus que l’on nous a promis."

A quelques mètres de Joyce, le Superdome, stade à l’allure de soucoupe volante, s’est transformé en gigantesque piège pour des milliers de victimes de Katrina. Un piège encerclé par les eaux brunâtres qui ont envahi La Nouvelle-Orléans depuis mardi matin et dans lequel on se bat pour obtenir de la nourriture et survivre. Aux abords du Superdome, des ­milliers de personnes, dans leur immense majorité afro-américaines et issues des quartiers les plus pauvres de la ville, errent sur l’autoroute déserte. Elles ont préféré rester dehors et affronter les pluies torrentielles jeudi après-midi, plutôt que de se retrancher dans une arène dans laquelle les conditions sanitaires sont désastreuses.

Le peu de chose qui reste aux « sans-abri de Katrina » à part les habits sales qu’ils portent, tient dans des sacs en plastique ou des chariots défoncés. Des femmes tentent de protéger leurs bébés de la saleté. Beaucoup de réfugiés sont pieds nus et laissent traîner leurs regards hagards et fatigués pour se frayer un chemin entre les tas d’ordures.

Quand les yeux se lèvent du sol, ils scrutent le pont à quelques dizaines de mètres de là. Dans cette Nouvelle-Orléans en état de siège et barricadée par les forces de l’ordre, le pont qui traverse le Mississipi est la seule issue praticable vers le centre-ville. C’est de là que doivent venir les secours. Et c’est par là que sont passés les quelque 7000 soldats qui sont enfin arrivés hier sur les lieux pour tenter de ravitailler les victimes et de rétablir un peu d’ordre dans une ville totalement livrée à elle-même.

Cadavres abandonnés

Au Centre de Convention à dix blocs du Superdome, des cadavres abandonnés au milieu de la foule, ont simplement été recouverts de draps blancs. Dans les quartiers dévastés de l’Ouest de La Nouvelle-Orléans, des bâtiments sont en feu et des magasins ont été dévalisés.

Hier matin, une explosion s’est produite dans un entrepôt chimique mais n’aurait, selon un premier bilan, pas fait de victimes. Dans l’Est, des zones entières sont encore sous l’eau.

Lester Stewart, 55 ans, habitait déjà La Nouvelle-Orléans lors du passage de l’ouragan Betsy en 1965. Il est songeur. « Betsy avait fait beaucoup de dégâts, glisse-t-il en attendant le bus qui doit l’emmener à Houston. Mais Katrina a emporté la ville avec elle. » Lester partage sa maison avec Miss Rose, 62 ans. Rose est assise dans la boue, son pied gauche protégé par une chaussette sale et un sac en plastique à cause d’une méchante coupure. Elle dit pourtant ne pas s’en faire pour son pied mais s’inquiéter pour sa chienne qu’elle n’a pas eu le droit de prendre avec elle.

Eau stagnante

Au Superdome, légèrement en retrait de la foule, une femme écrit. Joyce Hyde a dû évacuer sa maison inondée en dix minutes jeudi matin avec son mari et ses voisins dont James Armond, 9 ans. Elle n’a eu le temps d’emporter que quelques affaires personnelles dont son cahier « pour raconter la situation que nous vivons », dit-elle. « Les secours ont réussi à stopper l’afflux d’eau poursuit-elle. Mais du coup, elle stagne et attire les moustiques. Nous avons dû partir. »

Comme les autres sans-abri, Joyce rêve de traverser le fleuve et quitter la ville. Elle veut rejoindre la Virginie où habite sa fille.

James qui est à ses côtés avec ses grands-parents, doit lui aller au Texas pour reprendre l’école. Le gamin qui propose au journaliste de partager son repas du soir - une pomme et un hot-dog - dit n’avoir pas peur de passer la nuit dehors. « J’ai déjà vu un ours », assure-t-il, arrachant un sourire fatigué à sa grand-mère.

Sharon Robinson s’arrête. Elle a envie de parler. Son fils de quatre ans a la fièvre et son grand-père diabétique n’a plus d’insuline. « Où sont les bus promis ? », demande-t-elle. Jeudi soir, vers 23heures, alors que les réfugiés de Katrina affrontaient une nouvelle nuit dehors, un convoi d’une centaine de bus était en route vers La Nouvelle-Orléans. L’évacuation de la ville semblait enfin s’accélérer un peu.

« La ville paraît sombrer dans la folie »

Sur le pont qui surplombe l’autoroute I-10 à l’ouest de La Nouvelle-Orléans, deux policiers des forces spéciales regardent quelques milliers de réfugiés attendre les bus qui doivent les évacuer vers Houston. Les deux hommes ont l’air aussi exténués que les victimes. « La ville est en train de sombrer dans la folie, glisse l’un d’eux. Les gangs sont armés jusqu’aux dents. Il y a des alligators dans l’eau stagnante. Nous ne savons pas par où commencer. »

Jeudi, Kathleen Blanco, gouverneur de Louisiane, a demandé le déploiement de 40 000 soldats. Commentant l’arrivée de troupes rentrées d’Irak, elle a déclaré qu’elles « savent comment tirer pour tuer » et a dit s’attendre à ce qu’elles « le fassent » pour mettre fin aux pillages.

De son côté, Ray Nagin, maire de la ville, a fait part de sa colère envers l’Administration Bush à cause de la lenteur des secours. Il a rappelé que la sécurité n’était jusqu’ici assurée que par 1500 policiers locaux et 300 autres venus en renfort.

Certains policiers ont préféré rendre leur badge. « Ils ont tout perdu, a expliqué le chef de la police de Louisiane. Ils ne pensaient pas que ça valait la peine de mettre leur vie en danger face aux pillards. » Eddie Compass, chef de la police de La Nouvelle-Orléans a, lui, admis que des « individus » se faisaient violer et battre. A ce propos, le peu de soldats dans les rues de la ville et le manque de coordination entre les différentes forces était frappant.

« Les politiciens nous ont laissés tomber, s’emporte Robert Seamann, manager d’un restaurant, réfugié sous un pont d’autoroute. Au Centre de Conventions, les gens s’agrippaient au bus. »

A ses côtés, Kevin, son ami, caresse son chien. « Les gens se battaient à coups d’excréments, tempête-t-il. Il y avait des coups de feu. Les cadavres étaient recouverts de draps et laissés en plan. Pour la première fois, j’ai eu peur pour ma vie. » Robert acquiesce : « Je suis diabétique et je dois manger à intervalles réguliers. J’ai dû acheter au marché noir douze petits échantillons de biscuits pour 20 dollars (25 francs). »

Originaires de La Nouvelle-Orléans, les deux amis attendaient hier l’un des bus pour Houston. « J’ai simplement envie d’une douche et d’un nouveau départ, glisse Robert. Nous avons tout perdu. Et après ce que nous avons vécu, nous ne reviendrons plus ici. »

Non loin d’eux, l’agent Tracy Luquette affronte lui aussi le déluge. Quand on lui demande ce qu’il va advenir des réfugiés, il soupire : « Je ne sais pas. Nous ne sommes ici qu’une petite pièce du puzzle. J’espère que l’on prendra soin d’eux. »
(jcde)

Dix mille morts en Louisiane ?

 Katrina pourrait avoir fait plus de 10 000 morts en Louisiane : c’est ce que « suppose » un sénateur de cet Etat, le républicain David Vitter. La remarque n’est basée cependant sur aucun décompte officiel. Seuls 125 morts ont été recensés officiellement dans l’Etat du Mississippi.
 Selon un haut responsable militaire, l’armée pourrait déployer de nouveaux soldats en accélérant certains rapatriements de troupes d’Irak. Il resterait quelque 300 000 personnes à évacuer des régions sinistrées en Louisiane, dont 200 000 à La Nouvelle-Orléans.
 Les offres d’aide venant du monde entier continuent d’affluer. L’Otan a proposé d’intervenir. L’Union européenne a renouvelé ses propositions, y compris en puisant si nécessaire dans ses réserves pétrolières.
 Des courtiers maritimes de Londres indiquent que des tankers européens ont reçu trois fois plus de commandes des Etats-Unis cette semaine pour des livraisons d’essence.
 Le coût des dégâts subis par le secteur agricole s’élève à plus de 2 milliards de dollars, indique le bureau de la Fédération des fermes américaines. L’ouragan Katrina a dévasté les cultures traditionnelles du Sud, comme le sucre et le coton, ainsi que les poulaillers.
 Le président Bush ne s’est pas totalement rangé du côté de son administration, qu’il a critiquée pour son manque de résultats. (agences/réd.)

http://www.tdg.ch/tghome/toute_l_in...

Messages

  • Quelle tristesse ! Quel spectacle ! Et quelle impuissance...

    Que pouvons-nous faire à part envoyer notre "obole" en espérant qu’elle parvienne à ces

    malheureux ?

    Dernièrement je constatai que c’étaient essentiellement les Français de couleur qui faisaient

    jouer la Marseillaise sur les podiums ?

    Depuis quelques semaines, ce sont ceux là qui "brûlent" en France dans des immeubles

    insalubres !

    Ce sont ceux là , parce qu’ils ont la peau noire, dont l’existence a si peu d’importance que le

    soi-disant "Chrétien " G.W.Bush" abandonne à leur terrible sort. Quelle ignominie !

    A croire que leur vie n’a pas de valeur...

    Pourtant, depuis que le sang coule, il a toujours été rouge... Même si certains prétendent le

    contraire.

    Devant cette indescriptible souffrance, j’ai le coeur qui saigne.

    Michèle DRAYE