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La carotte et le bâton de Morales font céder les transnationales

Publie le vendredi 3 novembre 2006 par Open-Publishing
3 commentaires

de BENITO PEREZ

BOLIVIE - Les dix transnationales qui exploitent les hydrocarbures boliviens ont accepté de nouveaux contrats beaucoup plus favorables à l’Etat. La Paz prend le contrôle de la commercialisation et voit ses revenus exploser.

Dimanche matin, à peine quelques heures après l’échéance fixée par le gouvernement, la dixième transnationale pétrolière active en Bolivie posait à son tour son paraphe. La "nationalisation soft" des hydrocarbures annoncée par Evo Morales le 1ermai dernier devenait réalité. Dès la ratification parlementaire, la société d’Etat YPFB reprendra à son compte leur commercialisation et cogérera l’exploitation des 54gisements boliviens avec les transnationales devenues "prestataires de service" pour le compte de la puissance publique. Financièrement, la Bolivie annonce une multiplication par huit de ses revenus d’ici 2011. Pour le président bolivien, qui a besoin de ces pétrodollars pour financer son projet socio-économique, c’est un succès incontestable. Au point d’être célébré jusque dans les rangs de l’opposition !

Pour mesurer le chemin parcouru, il suffit de se souvenir qu’il y a quatre ans exactement, le gouvernement néolibéral de Gonzalo Sanchez de Lozada faisait donner la troupe contre les mouvements sociaux mobilisés en faveur de la nationalisation des hydrocarbures. La fameuse « Guerre du gaz » allait coûter la vie à une septantaine de manifestants et pousser « Goni » à l’exil. Elle marquait aussi un tournant historique pour ce pays comptant deux tiers de pauvres, malgré les deuxièmes réserves continentales de gaz naturel.
Confiée aux transnationales cinq ans plus tôt, la principale richesse bolivienne rapportait alors à peine 300millions de francs par an aux caisses de l’Etat. Sous la pression de la rue, le successeur de « Goni », Carlos Mesa, doublait l’imposition des hydrocarbures mais refusait leur « nationalisation », arguant du risque de faire de la Bolivie un « paria » de la communauté internationale.

Cogestion Etat-privés

Lorsqu’il prend le pouvoir en janvier 2006, Evo Morales est bien conscient de ce risque, d’autant que les principaux investisseurs étrangers proviennent de l’incontournable voisin brésilien. Le nouveau chef de l’Etat sait également que la petite société publique YPFB serait incapable d’exploiter seule, du jour au lendemain, les cinquante-quatre puits du pays.
Sous l’influence de son vice-président Alvaro García Linera, M.Morales opte alors pour une stratégie de cogestion qu’il présente le 1ermai : l’Etat nationalise le commerce et le raffinage de l’or noir et augmente sa part des recettes, tout en garantissant à ses « partenaires » privés un retour sur investissement suffisant pour éviter leur départ du pays. Une nationalisation partielle -« sans expropriation »- qui doit prévenir la multiplication de contentieux entre la Bolivie et ses concessionnaires devant les tribunaux. Décidé à mettre les transnationales sous pression, M.Morales leur donne 180jours pour se conformer aux nouvelles règles du jeu ou abandonner leurs puits.

Autorité et souplesse

Cet audacieux pari -que nombre d’analystes jugèrent alors comme téméraire-, la Bolivie est en passe de le remporter (la question des raffineries n’est pas encore réglée). Non seulement les revenus fiscaux de La Paz vont prendre l’ascenseur -1,25 milliard de francs annoncés en 2007 ou 23% du PIB[1]- mais les dix compagnies transnationales ont promis quelque 2,5milliards de francs d’investissements durant les prochaines années !
Un miracle ? Bien plus le fruit d’une analyse lucide de la situation et d’une méthode éprouvée de longue date : la carotte et le bâton. Par son décret de « nationalisation » prononcé -militaires à l’appui- depuis un champ gazier, M.Morales a su marquer l’autorité nouvelle de l’Etat bolivien. A des compagnies soudainement conscientes qu’elles pouvaient tout perdre, il a fait ensuite miroiter trois marchés captifs -le bolivien, l’argentin et le brésilien[2]-, des contrats de dix à trente ans et une rentabilité assurée (le chiffre de 15% est avancé contre 40% environ aujourd’hui).

Encourager l’investissement

En outre, La Paz a proposé un système d’encouragement à l’investissement qui garantit des gains exponentiels selon la manne dévolue par la transnationale au développement de « ses » installations. A contrario, un forage déjà rentabilisé sera surtaxé. Voire, cette fois, réellement nationalisé.
Outre ce système dit de « contrat d’exploration et d’exploitation avec risques », les derniers doutes ont été levés grâce à un barème d’impôt adapté à la taille de l’exploitation et à la perte globale subie par l’entreprise lors de la « nationalisation »[3]. Selon des chiffres non officiels, les prélèvements s’étaleraient entre 50% (pour les plus petits gisements) et 82% (taux le plus fréquemment appliqué).

Questions en suspens

Bien sûr, le triomphalisme d’Evo Morales -qui célèbre sa « nationalisation sans indemnisation »- doit être observé avec circonspection. Il faudra d’abord connaître le détail des contrats et jauger de la bonne foi des signataires pour savoir si le gouvernement d’Evo Morales a réellement trouvé la bonne formule.
L’inexpérimentée YPFB saura-t-elle contrôler réellement les opérations de ses partenaires sans se faire gruger ? Combien coûtera à l’Etat la nationalisation manquante des raffineries et du système de transport des hydrocarbures ? Celle-ci permettra-t-elle d’industrialiser davantage le gaz en Bolivie, afin d’apporter emplois et valeur ajoutée ? Brasilia acceptera-t-elle de revoir à la hausse son prix d’achat du gaz bolivien ? On le voit, les 5 milliards de francs de recettes annuelles annoncées par Evo Morales pour 2010 demeurent encore théoriques.

Où sont les réalistes ?

Mais au-delà des interrogations qui subsistent, quelques leçons peuvent déjà être tirées. En premier lieu, la confirmation est donnée que les gouvernements néolibéraux des années 1990 -qui ont soldé les ressources naturelles boliviennes au nom du « réalisme économique »- étaient composés de fieffés escrocs. Sinon comment expliquer que les multinationales qui ont vu leurs impôts passer de 18% à 82% annoncent unanimement leur intention de poursuivre leurs investissements en Bolivie ?
En second lieu, on constate avec plaisir qu’un gouvernement sachant allier fermeté et souplesse peut faire plier les multinationales les plus puissantes de la planète. Même lorsqu’on est à la tête du pays le plus démuni d’Amérique du sud. I

Note :

[1]Auquel il faut ajouter les 2 milliards que devrait rapporter un contrat signé entre YPFB et Enarsa, la société d’Etat argentine.

[2]Les deux géants sud-américains puisent bonne part de leur consommation de gaz en Bolivie. Le prix d’achat vient d’être revu à la hausse par Buenos Aires contre une garantie d’approvisionnement sur trente ans. Des négociations sont en cours avec le Brésil.

[3]Ainsi la brésilienne Petrobras, qui contrôlait à elle seule la moitié des réserves boliviennes, semble avoir reçu un traitement de faveur.

Messages

  • Oui il faut faire trés attention, Evo a gagné une bataille mais pas la guerre, l’ennemi est sournois, il faut pas commettre les mêmes erreurs que dans le passé tant de révolutions perdues, tant de trahisons dans l’histoire Bolivienne, Tupac Katari, Zarate Wilka, la révolution de 1952 du MNR tous ont finalement échoués.

    Alors oui la victoire est proche mais soyons conscient que les impérialistes étangers, la droite Bolivienne, les sécessionistes comme l’organisation "Nacion Camba" n’ont pas dit leur dernier mots et qu’ils sont redoutables ! VENCEREMOS CARAJO !!!

    • c’est presque trop beau pour etre vrai.
      A voir dans la durée mais quand meme ch’u content.
      Pourquoi les oligarques Russes , les pétro monarques Américains (avec leurs laquais Saoudiens) , les barons pétroliers Français
      laisseraient un petit Indien pratiquer une "infinitésimale" redistribution pour du "social".
      Cela peut donner des idées aux gauchistes....

    • ce commentaire se passe de commentaires !...evo et chavez sont dans le bon credo

      celui ci est mieux encore...
      Du Salvador. Un chef indien aztèque s’adresse aux gouvernements européens pour leur réclamer le paiement d’une dette contractée il y a cinq cents ans. CARTA A LAS IGLESIAS San Salvador
      Eh bien me voici, moi, Guaipuro Cuauhtémoc, descendant des peuples qui, il y a 40 000 ans, peuplaient l’Amérique. Je suis venu à la rencontre de ceux qui l’ont "découverte" il y a 500 ans. Voici donc que nous nous rencontrons tous : nous savons qui nous sommes.
      Mon frère douanier européen me réclame un papier écrit avec un visa pour pouvoir découvrir ceux qui m’ont découvert autrefois. Mon frère usurier européen me réclame le paiement d’une dette contractée par Judas - quelqu’un que je n’ai, en vérité, jamais mandaté. Mon frère usurier européen m’explique que toute dette se paie avec des intérêts, quand bien même il faudrait pour cela vendre des êtres humains et des pays entiers sans leur demander leur consentement. Et voilà, moi je les découvre.
      Moi aussi je peux réclamer mon dû, moi aussi je peux réclamer des intérêts. Les Archives des Indes font état, avec force papiers, force reçus et force signatures, de ce que, entre les seules années 1503 et 1660, sont arrivés à San Lùcar de Barrameda [Espagne], 185 000 kilos d’or et 16 millions de kilos d’argent, en provenance d’Amérique. Pillage ? Cela ne me viendrait pas à l’idée ! Ce serait penser que nos frères chrétiens ne respectent pas leur septième commandement. Spoliation ? Dieu me garde d’aller imaginer que les Européens, à l’image de Caïn, tuent puis dissimulent le sang de leur frère ! Génocide ? Ce serait là accorder du crédit à des calomniateurs comme Bartolomé de Las Casas et tous ceux qui ont qualifié la rencontre de "destruction des. Inde". ou à des extrémistes comme le Dr Arturo Pietri, qui affirme que l’essor du capitalisme et de la civilisation européenne actuelle est le fruit de l’inondation en métaux précieux que vous, mes frères européens, avez arrachés des mains de ceux qui, en Amérique, sont aussi mes frères !
      Non ! Ces 185 000 kilos d’or et ces 16 millions de kilos d’argent doivent être considérés -comme le premier d’entre les divers prêts à l’amiable consentis par l’Amérique en faveur du développement de l’Europe. Penser le contraire reviendrait à établir l’existence de crimes de guerre, ce qui ouvrirait un droit à exiger non seulement le remboursement immédiat, mais même une indemnisation pour dommages et préjudices. Moi, Guaipuro Cuauhtémoc, je préfère croire en l’hypothèse la moins offensante à l’égard de mes frères européens. Des exportations de capitaux aussi fabuleuses n’ont été rien d’autre que la mise en place d’un plan Marshall-tezuma pour garantir la reconstruction de la barbare Europe ruinée par ses guerres déplorables contre les musulmans cultivés, défenseurs de l’algèbre, de l’architecture, du bain quotidien et autres apports supérieurs de la civilisation.
      Voilà pourquoi, passé ce cinquième centenaire du "Prêt", nous sommes en droit de nous poser des questions : nos frères européens ont-ils fait une utilisation rationnelle, responsable ou tout au moins productive des ressources si généreusement avancées par le Fonds indo-américain international ?
      Nous sommes au regret de répondre non. Du point de vue stratégique, ils les ont dilapidées en batailles de Lépante, Invincible Armada, IIIè Reich et autres formes d’extermination mutuelle. Du point de vue financier, au terme d’un moratoire de 500 ans, ils se sont montrés tout aussi incapables de régler capital et intérêts que de se passer des rentes monétaires, des matières premières et de l’énergie bon marché en provenance du tiers-monde.
      L’affirmation de Milton Friedman, selon laquelle une économie assistée ne pourra jamais fonctionner, vient corroborer ce tableau déplorable et nous oblige à leur réclamer - pour leur propre bien - le paiement du capital et des intérêts, généreusement repoussé de siècle en siècle.
      Il est bien clair, toutefois, que nous ne nous abaisserons pas à réclamer à nos frères européens les taux - odieux et cruels - de 20 % et jusqu’à 30 %, que nos frères européens font payer aux peuples du tiers- monde. Nous nous limiterons à exiger la restitution des métaux précieux avancés, plus un modique intérêt fixe de 10 % par an, intérêt calculé sur les 300 dernières années. Sur cette base, et en application de la formule européenne de l’intérêt cumulé, nous informons nos découvreurs qu’ils ne nous doivent, au titre d’un premier paiement de leur dette, qu’une quantité de 185 000 kilos. d’or et 16 millions de kilos d’argent, chacune d’elle élevée à la puissance 300. C’est-à-dire un nombre qui, s’il fallait l’exprimer, ferait appel à plus de 300 chiffres et dont le poids dépasserait largement celui de la Terre.
      Comme elles pèsent, ces masses d’or et d’argent ! Que pèseraient-elles si on calculait leur équivalent en sang ? Alléguer que l’Europe, en un demi-millénaire, n’est pas parvenue à générer des richesses suffisantes pour régler ce modique intérêt reviendrait à admettre son échec financier absolu et/ou 1’irrationalité démentielle des pré-supposés du capitalisme. Il est vrai que nous ne nous soucions pas, nous les Indo-Américains, de telles questions métaphysiques. Mais, ça oui, nous exigeons la signature immédiate d’une lettre d’intention qui impose une discipline aux peuples endettés du Vieux Continent et les oblige à remplir leurs engagements par une privatisation ou une reconversion rapide de l’Europe, afin que cette Europe nous soit livrée tout entière au titre du premier règlement d’une dette historique.
      Les pessimistes du Vieux Monde affirment que leur civilisation est en plein banqueroute et que cela les empêche de remplir leurs engagements financiers ou moraux. Si tel était le cas, nous nous contenterions de recevoir en paiement la balle avec laquelle ils ont tué le poète. Mais ce ne sera pas possible : cette balle est le cœur de l’Europe.
      (Traduit et publié par DIAL, Diffusion de l’information sur l’Amérique Latine, bimensuel, Lyon)