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La fièvre du poulet chinois et le vraisemblable

Publie le samedi 26 novembre 2005 par Open-Publishing
3 commentaires

de Badia Benjelloun

Le représentant de commerce voyageur étasunien , GWB , n’a jamais autant démarché loin de sa blanche maison.
Après l’Amérique Latine , rétive aux intentions de concurrence déloyale de la partie Nord anglo-saxone du continent , sa visite en Asie a été aussi peu infructueuse.

Devançant son arrivée , l’annonce de la Corée du Sud , fidèle parmi les fidèles alliés de la "Coalition" en Irak , du retrait d’une bonne partie de ses troupes , a donné le ton de l’irrévérence. Cette nouvelle défection après le revirement berlusconien , ce dernier fait dans une perspective électoraliste et accompagné d’un lâcher d’informations concernant les agissements de la CIA en Europe, la construction de la fausse preuve de l’uranium nigérien, fait mesurer combien ces alliances tactiques obtenues par la corruption et la menace sont labiles.

La Chine est restée intraitable. Elle n’ouvrira pas pour l’instant ses structures bancaires aux prédateurs financiers tenus par elle en laisse devant sa porte.

Elle n’envisage pas dans l’immédiat de nouvelle dévaluation pour le renminbi.

La performance "démonstration de puissance" du côté des états vassaux s’est soldée par un flop magistral et elle n’a pu détourner l’attention d’une partie du Congrès étasunien de la déconfiture irakienne, des scandales répétés de trafics et de détournements de fonds en tout genre, de l’usage d’armes prohibées et de l’abus de la torture sur des prisonniers de guerre . Les rodomontades servies à propos des droits de l’homme , de la propriété intellectuelle n’ont pas fait dévié d’un centième de li le discours impavide de Jintao à propos de Taïwan .

La suppression de 50 000 emplois chez la General Motors fleuron de l’industrie étasunienne déjà passé à l’archaïque illustre la dépendance toujours croissante de la consommation des ménages américains vis à vis des importations. Elle ne va pas non plus retarder l’accélération de l’effritement des opinions favorables à Bush at home, descendues à 27% , inférieures aux 29% obtenues par Nixon , enfoncé dans l’alcool et la paranoïa au plus fort de Watergate.

Collin Powel , une fois retiré des affaires , a publiquement déploré le fait d’ avoir argumenté sur la base de faux renseignements l’entrée en guerre des USA en Irak.
Encore en exercice, le secrétaire d’État , Rumsfeld , Donald de son prénom , interrogé sur la chaîne de télévision ABC prétend ne pas avoir "préconisé" l’invasion. Il a insisté à plusieurs reprises lors de l’émission " This Week " qu’il ne l’a pas encouragée, et ce en totale contradiction avec son empressement rapporté à CBS par ses plus proches collaborateurs à attaquer l’Irak et défaire Saddam Houssein dans les heures qui suivirent l’effondrement des deux tours jumelles de New York, enrichissant la déjà peu glorieuse palette de ses qualités morales de la teinte primaire et indélébile de la couardise.

De son très court séjour dans l’Empire du Milieu, le VRP Diableyou a arraché une promesse d’achat d’une cinquantaine de Boieng 737 ( d’une technologie plus vieillotte rapport aux gros Airbus ) mais nulle part n’est fait mention de la très discrète transaction en Tamiflu , la molécule anti-virale d’une efficacité toute relative sur la grippe aviaire. Des millions et des millions d’unités ont été produits , vendus et stockés , pour le grand bénéfice de la firme californienne Gilead Sciences Inc .

Or comme son nom l’indique, le virus n’étant pas transmissible depuis un porteur humain vers un autre humain, le risque de pandémie mondiale est une des plus grandes arnaques du siècle écoulé et de celui-ci à peine entamé.Un certain Rumsfeld, encore Donald de son prénom, a siégé dans le conseil d’administration de Gilead depuis 1988 jusqu’à son accession au poste de secrétaire d’État dans l’équipe néocons . Son avoir en stock-options doit être proportionnel au gigantisme de l’opération manipulation de l’opinion publique où tout un chacun s’est vu pousser des ergots et des crêtes de coq .

Un des attributs de l’ère actuelle est sans doute le simulacre donné comme principe de réalité, car , nous a-t-on assené à l’occasion d’un déchaînement merdiatique autour de la malheureuse mythomane du RER D , "peu nous chaut ce qu’il en est de la vérité , seul le vraisemblable importe".

La répétition éhontée orchestrée par les néoconsionnistes de la non-conformité iranienne au Traité de Non prolifération est une tentative de construction du vraisemblable avec des accusations infondées. Après inspection des équipes de l’EIEA , El Baradei rapportait début octobre que l’Iran avait fourni l’accès au matériau et aux installations nucléaires , mais qu’il n’était pas "en mesure de conclure qu’il n’y a pas de matériel ou d’activité nucléaire non déclarée", imposant à l’accusé d’apporter la preuve qu’il n’est pas coupable.
Là encore, la Chine appuyée par la Russie s’oppose à la volonté occidentale de déférer la question du nucléaire iranien devant le Conseil de Sécurité des Nations-Unies, arguant du droit légitime de toute nation de se doter d’un programme nucléaire civil.

Le véritable dispositif explosif en gestation actuellement en Iran consiste en la préparation d’un marché pétrolier en Euros, l’Iranian Oil Bourse qui va être fonctionnel dès mars 2006 et concurrencer l’International Petroleum Exchange et le New York Mercantile Exchange .

45 % des échanges commerciaux de l’Iran se font avec la zone euro , plus du tiers du pétrole exporté est destiné à l’Europe alors que la vente du pétrole vers les USA est nulle. Il est donc logique d’éviter des coûts majorés de transaction impliquant du change monétaire, d’autant que le dollar s’est dévalué de 26% depuis 2002.

L’actuel système de la domination du pétrodollar risque d’imploser , la planche à billets verts fonctionnant sans fournir en contre-partie des services ou des biens manufacturés a l’air d’avoir fait son temps.

Messages

  • Bonjour.
    Pandémie ou pas pandémie : vrai risque ou arnaque ?
    Votre analyse d’éveilleur est riche et très éclairante sur beaucoup de points. Une affirmation me parait pouvoir cependant en être contesté.

    Vous écrivez à propos du H5N1 :
    "or comme son nom l’indique, le virus n’étant pas transmissible depuis un porteur humain vers un autre humain, le risque de pandémie mondiale est une des plus grandes arnaques du siècle écoulé et de celui-ci à peine entamé".

    Outre, que je ne comprend pas bien ce que vous entendez par "comme son nom l’indique", personne ne me emble à ce jour pouvoir affirmer ni démontrer que le risque pandémique n’existe pas.

    1) L’OMS reconnait 3 cas de contamination interhumaine possibles et plausibles. Même s’il s’agit du cercle familial ou des proches (pas de contacts avec poulets ou oeufs supects), cela montre que le virus a des potentialités, qu’on pense d’ailleurs pouvoir de mieux en mieux expliquer avec l’éclairage de ce qu’on déduira des études rétrospectives du virus de 1918 qui est certes d’un type différent, mais néanmoins avec de nombreux points communs.

    2) De plus dans un des cas de transmission inter-humaine suspectée (au VietNam) il s’agit d’une patiente chez laquelle on a trouvé plusieurs variants du H5N1, résistants à un ancien antiviral et pour l’un déjà résistant au Tamiflu. (30 sept 2005 : des chercheurs de Hong Kong annoncent avoir trouvé une souche du virus H5N1 apparue en 2005 dans le nord du Viêt-nam déjà résistante au principe actif du Tamiflu, l’oseltamivir.

    3) Enfin lors des pandémies précédentes, on a d’abord eu à faire à des virus peu pathogènes qui ensuite devenus très pathogènes et/ou à des virus qui ont muté et/ou se sont recombinés pour devenir très contagieux d’homme à homme. Plus le nombre de virus est grand, plus on a de chance de voir apparaître une mutation dangereuse pour l’homme

    4) On constate de 1997 à 2005 :
    · Le H5N1 a gagné en virulence et en pathogénicité depuis 1997.
    · Adaptation du virus à l’environnement (il y survit plus longtemps et mieux, au point qu’il semble être devenu endémique en Asie du sud est alors que dans le passé, selon les chroniqueurs en tous cas, les foyers aviaires locaux étaient localisés et brefs (quelques mois, quelques dizaines de mois au plus).
    · Le H5N1 actuel semble au moins aussi robuste que les virus responsables des pandémies précédentes (il ne lui reste qu’à muter ou se recombiner pour développer une pandémie).
    · Selon la FAO et l’OIE, il y a expression silencieuse du virus chez les canards y compris domestiques (et chez d’autres espèces ?)
    · Il en existe sans doute un certain nombre de variants, dont certains de plus en plus pathogène :
    Plus grave : il semble être capable de passer par un plus grand nombre de vecteurs (chats et félins en particulier, qui attrapent les oiseaux malades) qui sont proche de l’homme. (H5N1 s’est avéré très pathogène et très contagieux chez le chat, en condition expérimentale, et chez les félins dans les zoos ou parcs). pas de traces dans la nature, certes, mais on n’a pas cherché, et les félins, comme les oiseaux d’ailleurs se cachent généralement très soigneusement pour mourir. Un bon naturaliste ou un chasseur a moins de 1% de chance de trouver les individus mourants je pense (à moins que ce virus modifie leur comportement à l’aube de la mort – à vérifier).
    · Un variant résistant au Tamiflu déjà détecté au VietNam, chez une patiente qui semble de plus avoir été infectée par contact humain-humain et non par la volaille.
    · Il ne lui manque que quelques caractéristiques pour devenir aussi dangereux que celui de 1918.
    Bref, ne sommes-nous pas à peu près dans la situation de 1916-1917 (celui qui aurait à l’époque alerté aurait été taxé d’alarmiste, ou probablement de vouloir freiner l’effort de guerre..). Aujourd’hui, nous n’avons pas de vrai médicament efficace, sur ce point vous avez raison, et nous avons à faire face à des conditions nouvelles de mondialisation et de transport international rapide qui augmentent le risque de pandémie.

    Certes pour l’instant le problème est essentiellement vétérinaire et peut-être localement écologique, et non sanitairement humain (si ce n’est par les conséquences directes et indirectes socioéconomiques pour les populations touchées), et personne ne peut affirmer que la pandémie est pour l’année prochaine, ou dans 2 ou 5 ans ou qu’elle viendra du H5N1 plutôt que d’un autre virus grippal... Mais le fait qu’un actionnaire et membre d’un laboratoire qui a isolé la molécule active du tamiflu fasse partie du Gvt. des USA, s’il nous interroge sur plusieurs aspects, éthiques notamment, ne peut hélas pas conduire à affirmer que la Pandémie est une « arnaque ».

    FL

    • grippe aviaire, son nom l’indique bien

      2 ou trois cas de contamination interhumaine, peut-être ( ? )
      cela suffit-il à parler de pandémie ?
      nous savons que les virus sont susceptibles de muter, et alors en cas de mutation
      1) aurait-il le même caractère d’invasivité et les mêmes traits patholgéniques ?
      2) le Tamiflu , car ici c’est lui l’arnaque, aura-t-il une quelconque efficacité ?
      3) sera-t-il de transmission interhumaine ?

      merci

  • Un petit ajout pour preciser les montants en jeu et qui donnent une idee de l’ampleur de la mise en scene.

    "Le magazine financier américain « Fortune » révélait, le 1er novembre, que Rumsfeld est l’heureux détenteur d’au moins 5 millions de dollars d’actions de la société Gilead Sciences qui a élaboré le Tamiflu, un des deux antiviraux connus contre le virus H5N1.
    Avec les risques de pandémie, l’action de l’entreprise, basée en Californie, est passée de 35 dollars en avril à 47 aujourd’hui. Rumsfeld, qui dirigeait la division recherche de Gilead de 1997 à 2001, aurait donc déjà gagné, au bas mot, 1 million de dollars."

    "« Fortune » révélait également que l’ancien secrétaire d’Etat Georges Schultz, moins scrupuleux ou moins exposé et qui siège actuellement au conseil d’administration de Gilead, a vendu pour 7 millions de dollars d’actions depuis le début 2005."

    http://www.liberation.fr/page.php?Article=335508

    Sincerement