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Le rapport annuel 2007 sur les violations syndicaux au Maroc
Publie le mercredi 3 octobre 2007 par Open-PublishingLe rapport annuel 2007 sur les violations syndicaux de la CSI (Confédération Syndicale Internationale) sur au Maroc :
Maroc
Population : 33 757 000
Capitale : Rabat
Conventions fondamentales de l’OIT ratifiées : 29 - 98 - 100 - 105 - 111 - 138 - 182
Les restrictions législatives sont toujours utilisées pour réprimer les grèves, notamment celles menées par les femmes dans le secteur textile, qui parfois ont dû affronter des poursuites judiciaires. En outre, des licenciements collectifs à cause des actions syndicales ont eu lieu tant dans l’industrie textile que dans le secteur de la production floricole destinée à l’exportation. Un syndicaliste a été tué lors de la violente répression policière d’une manifestation de protestation.
Dossiers
DOSSIER - Maroc – Conscientisation et visibilité : les femmes progressent
Contre les obstacles socio-économiques et culturels qui marginalisent les femmes dans la société, au travail et dans les syndicats, le comité des femmes de l’UMT est parti en campagne. Premier bilan et témoignages des progrès obtenus.
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Entrevues
Gros Plan sur Majda Fahchouch/Maroc - SNE/Aob
Gros Plan sur Naima Bouguerjouma/ Maroc – UMT
“Les femmes ont compris que se syndiquer permet d’avoir plus de droits”
Gros Plan sur Samira Raysse/Maroc – UMT
« Libertés syndicales en droit
Liberté syndicale : Les travailleurs sont libres de constituer un syndicat ou d’y adhérer sans autorisation préalable, mais ils doivent suivre des procédures administratives fastidieuses. Les membres de la magistrature n’ont pas le droit de former des syndicats, et les travailleurs domestiques et agricoles ne sont pas couverts par le Code du travail, ce qui les prive du droit de former des syndicats. Les syndicats ont le droit de constituer des fédérations et de s’affilier auprès d’organisations syndicales internationales.
Le droit des organisations à élire librement leurs représentants est réduit par l’obligation pour les responsables syndicaux d’être de nationalité marocaine.
Code du travail : Le Code du travail élaboré en 2003 en vue de moderniser les relations du travail et de rendre l’industrie marocaine plus attrayante pour les investisseurs étrangers a pour leitmotiv « la flexibilité ». Il inclut des dispositions visant à mettre la législation en conformité avec les conventions de l’OIT, telles que celles sur la maternité et sur l’âge minimum d’emploi. Les syndicats se plaignent toutefois du fait qu’il rend également plus facile pour les entreprises de recruter du personnel temporaire.
Le Code du travail interdit spécifiquement aux employeurs de licencier des travailleurs qui auraient participé à une action légitime de syndicalisation, et les tribunaux ont le pouvoir de réintégrer des travailleurs licenciés arbitrairement tout comme celui d’obliger les employeurs à payer des indemnités et les arriérés de salaire.
Négociation collective : Le Code du travail reconnaît le droit à la négociation collective, mais celle-ci ne peut être menée que par l’organisation syndicale « la plus représentative » , c’est-à-dire incluant au moins 35% du nombre total des délégués des employés élus au niveau d’une entreprise ou d’un établissement. La loi ne stipule pas clairement si certaines catégories de fonctionnaires (enseignants, responsables des prisons, gardiens de phares, employés des eaux et forêts) jouissent des droits de négociation collective.
Droit de grève – lourdes sanctions : La Constitution garantit le droit de grève, avec toutefois certaines restrictions. Les fonctionnaires sont passibles de sanctions s’ils prennent part à des débrayages ou à des actes collectifs d’insubordination. En outre, en vertu de l’article 288 du Code pénal, quiconque aurait recours à la force, aux menaces ou à des activités frauduleuses visant à provoquer un arrêt de travail afin d’obliger à une modification salariale ou mettrait en péril le libre exercice du travail, encourt des peines de prison allant de un mois à deux ans.
Restrictions imposées aux sit-in, aux piquets et aux manifestations publiques : À la suite d’un arrêt rendu par un tribunal, les sit-in sont interdits et les employeurs ont le droit de suspendre pendant sept jours tout travailleur qui empêcherait les non grévistes de se rendre au travail. Une récidive au cours de l’année peut entraîner une suspension de 15 jours.
En vertu du Code du travail, les employeurs ont le droit de poursuivre en justice tout gréviste qui effectue un sit-in, qui porte atteinte à la propriété de l’entreprise ou qui organise activement des piquets de grève. Le gouvernement a le pouvoir de faire cesser des manifestations dans des lieux publics qui se tiennent sans autorisation gouvernementale et il peut empêcher l’occupation des usines.
Libertés syndicales dans la pratique
Vulnérabilité des travailleuses : Bon nombre des violations des droits syndicaux ont encore lieu dans l’industrie du vêtement, où plus de 70% des effectifs sont des femmes, pour la plupart âgées de moins de 30 ans. Dans un entretien avec la CSI en 2006, Khadija Ramiri, secrétaire générale de l’organisation régionale de Rabat-Salé-Tamara de l’Union marocaine du travail (UMT), a expliqué que le fait que la Convention n°87 de l’OIT sur la liberté syndicale ne soit toujours pas ratifiée par le Maroc continuait de poser de graves problèmes dans le secteur du textile. Dès que des travailleurs tentent de constituer un syndicat, ses membres sont renvoyés, voire arrêtés. Les actions de grève en particulier donnent lieu à des représailles, sous la forme de licenciements et de poursuites judiciaires, comme illustré dans les cas de Dovtex et de Dewhirst cités dans la section ci-dessous sur les Violations.
Abus dans les zones franches : Les zones franches commencent à se développer, notamment dans le port de Tanger et à Casablanca. Beaucoup d’entreprises qui y sont installées travaillent en marge de la légalité. Ce sont souvent de petites unités de production (dans le textile ou l’agroalimentaire) qui ne déclarent pas leurs employés et ne les paient pas au salaire minimum. La sous-traitance commence à devenir monnaie courante, ce qui rend la syndicalisation particulièrement difficile.
Violations en 2006
Contexte : En mars le gouvernement a promulgué une loi criminalisant la torture. Des rapports continuent toutefois de signaler des cas de torture par les forces de sécurité, lesquelles ont toujours recours à la force pour réprimer les manifestations tout en continuant de jouir de l’impunité. La liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté de religion demeurent limitées.
Cent cinquante travailleurs licenciés à cause de leur appartenance à un syndicat : La fédération des travailleurs agricoles affiliée à l’UMT a signalé en mars que 150 travailleurs avaient été licenciés par l’exploitation La Clémentine qui cultive des fleurs destinées à l’exportation, à cause de leur appartenance au syndicat. Les travailleurs de cette exploitation agricole avaient livré une bataille de longue haleine à l’entreprise qui gère la ferme, le groupe Delassus, dès la création du syndicat en 2004. Le secrétaire général de la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA-UMT) a signalé en outre que, dès lors que les travailleurs protestaient contre les conditions de travail déplorables, les autorités locales intervenaient non pas pour faire respecter les droits des travailleurs mais pour supprimer le droit de grève. De violentes interventions policières avaient déjà eu lieu en 2004 et en 2005, qui s’étaient soldées par un certain nombre de travailleurs blessés et de syndicalistes arrêtés et condamnés.
Poursuites judiciaires suite à une grève dans une entreprise de confection : Des poursuites judiciaires ont été entamées contre dix travailleuses de la fabrique textile portugaise Dovtex à Casablanca. Les femmes ont été arrêtées et accusées en mars, en vertu de l’article 288 du Code pénal (voir ci-dessus la section Droits syndicaux dans la législation) après avoir fait grève pour exiger la réintégration de 34 collègues qui avaient été licenciées par la direction. Elles ont comparu devant le tribunal le 14 mars, avec d’autres syndicalistes arrêtées sous le même chef d’inculpation. Quatre d’entre elles, Nahi Zahra, Saoud Amina, Achkir Amina et Mbarka Dohri étaient restées en détention préventive. Au moment de la rédaction du présent Rapport, la CSI n’avait pas été informée du résultat du procès.
Licencié en raison de ses activités syndicales : Ahmed Mohcen, secrétaire général de la section de Safi du Syndicat national de la poste et des télécommunications affilié à la CDT (SNPT-CDT), a signalé qu’il avait été démis de ses fonctions dans un centre d’appels de Maroc Telecom, sans explication. D’après lui, ce licenciement est dû à son rôle au sein du syndicat et sa participation à la grève nationale organisée par le SNPT/CDT en mars et en avril 2006.
La violente répression d’une manifestation entraîne la mort d’un syndicaliste : Moustapha Laaraj, secrétaire général du Syndicat des employés municipaux de Tiflet affilié à l’UMT, a été tué au cours de la répression policière d’une manifestation tenue à Rabat le 29 juin. L’UMT et la Confédération démocratique du travail (CDT) avaient organisé cette manifestation réunissant 6.000 employés des municipalités locales du pays entier pour protester contre la répression dont étaient victimes les syndicats (M. Laaraj lui-même ayant été suspendu de ses fonctions à cause de ses activités syndicales) et contre le non-respect par les pouvoirs locaux d’un accord négocié sur des questions telles que la révision des salaires et les droits à l’ancienneté. La manifestation avait été déclarée illégale et la police a eu recours à la force de manière excessive pour disperser les manifestants, blessant bon nombre d’entre eux, et tuant M. Laaraj qui avait 34 ans. Des douzaines d’arrestations ont eu lieu. Un sit-in a été organisé à Rabat le 6 juillet en face du Parlement pour protester contre la violence policière ; ce sit-in a également été réprimé, menant à l’hospitalisation de plusieurs personnes en raison de leurs blessures.
Licenciements collectifs pour cause d’action syndicale : Le 12 décembre, 486 travailleurs de Dewhirst Ladieswear à Tanger ont été licenciés après avoir pris part à une action syndicale de protestation contre la discrimination dont étaient victimes les travailleurs syndiqués et contre les piètres conditions de travail, notamment les bas salaires et le harcèlement sexuel. Le litige avait commencé avec la tentative par la direction d’imposer une convention collective préparée unilatéralement. Lorsque le syndicat Union nationale du travail au Maroc (UNTM) a demandé à négocier le contenu de la convention, la direction a refusé et a en revanche exercé des représailles contre les syndicalistes. La situation est arrivée au point critique le 8 décembre, lorsque les salaires n’ont été versés qu’aux travailleurs non syndiqués. En réaction, les travailleurs (des femmes pour la plupart) ont cessé le travail pendant une journée, organisant un sit-in dans la cantine, qui a entraîné les licenciements. L’usine employait au total 1.050 travailleurs.