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Le syndicalisme, quoi de neuf ?

Publie le dimanche 2 novembre 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

de Michel MENGNEAU

J’ai été plongé depuis ma plus tendre enfance dans le syndicalisme, porté encore en couches à la bourse du travail sur les fonds baptismaux de la CGT, j’avais donc dans le sang la culture syndicale et en connaissait les moindres rouages. D’ailleurs la médaille ci-contre est un héritage familial. Cette distinction était une reconnaissance envers les vieux syndicalistes, et mon grand-père l’arborait fièrement comme un étendard, de façon symptomatique dans les grande occasions, à l’évidence beaucoup plus facilement que sa croix de guerre de 14/18 ; il avait d’ailleurs l’habitude de dire qu’il avait gagné l’une en combattant le capital et que l’autre était une foutaise reçue pour avoir combattu pour le capital, servitude et don de sa personne qui lui était resté un peu en travers de la gorge…, d’autant que Jaurès était son maître à penser.

N’étant plus concerné de façon participante par ce monde là, mon regard venu de l’extérieur s’arrête moins sur les questions revendicatives particulières mais est plus scrutateur quant à l’action syndicale en générale, et ceci me laisse en proie à maintes interrogations.

Donc, si l’un des buts des syndicats est de défendre au jour le jour les intérêts particuliers des travailleurs, mais aussi de faire valoir plus généralement les prérogatives de classes salariales diverses quand ce n’est pas celles de l’ensemble des travailleurs. Et c’est bien là que quelque chose me gêne car j’ai l’impression que de plus en plus les actions sont devenues trop catégorielles au lieu de faire bloc face au patronat qui lui est uni dans le même but, celui d’exploiter le travailleur pour faire fructifier son capital.

Sans nier que le syndicalisme est issu directement des coalitions ou groupement corporatifs proprement dits, lors du vote de la loi Olivier mais surtout celle de Waldeck-Rousseau en 1884 on a senti dans le fait d’officialiser les syndicats comme une arrière pensée politique ; à l’évidence la défense des travailleurs passait par farouche opposition à une classe dirigeante politiquement conservatrice et ancrée à droite de l’échiquier politique. Cette tendance aura pour conséquence d’amener les syndicats en quête d’indépendance à se détacher des partis politiques traditionnels mais en restant néanmoins très proches de la contestation de gauche, comme la CGT à tendance marxiste au départ, voire révolutionnaires, et à contrario on verra arriver un syndicat qui affichera ouvertement son obédience sociétale, la CFTC, qui mélangera syndicalisme et religion, ce qui cette fois n’est pas, à mon avis, le moindre des paradoxes ! Donc, l’empreinte politique était bien marquée ainsi que les affirmations philosophiques et morales. Quoi de plus logique lorsque l’on est en constante opposition à des politiciens et patrons soudés dans un seul but, préserver le système capitaliste.

Bref, j’en suis donc venu à constater que, avec l’état d’esprit qui règne de nos jours, une certaine apathie, un consensus mou, un plongeon inconscient dans la pensée unique s’articulant autour du capitalisme, cette façon nouvelle d’orientation de plus en plus apolitique des syndicats allait les mener vers un syndicalisme à l’américaine, faisant table rase de la vieille tradition syndicale de notre pays. Je sais bien : « du passé faisons table rase », mais j’eu préféré que ce fût dans l’autre sens.

On pourrait chercher diverses explications à ce phénomène en explorant les mutations de nos sociétés, mais sans aller plus loin, l’une des causes est sans doute la période où la gauche fut au pouvoir et les syndicats se sentant proches des gouvernants n’ont pas su à cette époque garder l’esprit critique. Ils se sont donc endormi et finalement ont pris l’habitude d’entrer dans une contestation parcellaire et souvent peu vindicative. Comme le patronat conscient de cet état de fait qui l’arrange bien, et comme il a l’intention que cela ce perpétue, il a demandé à ce gouvernement, complètement à sa botte, d’accentuer le fait que la revendication devait être essentiellement catégorielle, discutions secteur professionnel par secteur professionnel, quand ce n’est pas entreprise par entreprise, diviser pour mieux régner étant une devise qui a toujours portée ses fruits.

Cela dit, on peut constater que l’attitude des syndicats se complète aussi avec l’attitude des partis politiques traditionnels comme le PS et le PC qui ne font plus œuvre d’opposition sur le fond, mais ne cherchent plus qu’à tenter de modifier la forme des initiatives du gouvernement. Si peut-être SUD fait preuve d’un peu de virulence sans qu’il soit d’ailleurs facile de comprendre sa stratégie. Pour parachever le tout, on sent une lutte fratricide de plus en plus exacerbé entre les différentes composantes du mouvement syndical et comme cela n’est pas du essentiellement à l’approche des élections prudhommales car j’ai bien peur que le mal ne soit plus profond que cela, et la désaffection des travailleurs vis-à-vis de leurs syndicats en est sans doute la meilleur preuve.

Le pire de l’affaire c’est que les instances dirigeantes des divers syndicats ne font rien pour renouer un dialogue constructif dans cette période ou pourtant cela s’avèrerait être une nécessité. J’entends d’ici les réactions : « Oui mais, tu comprends !, Untel ne veut pas faire d’efforts », et pour Untel, c’est l’autre qui est indécrottable, on est donc pas prêt d’y arriver si chacun tire à hue ou à dia. Cela a donc eu pour conséquence le « démantibulage » du code du travail sans qu’il y ait eu une véritable opposition de l’ensemble de la classe ouvrière, et je ne cite que cet exemple car en réalité, c’est le plus important. En effet, le reste des revendications ne seront que le résultat d’une appréciation liberticide de la législation que permet ce nouveau code. Donc peu à peu s’instaure un dictat salariale de la part des patrons qui va être difficile de remettre en question en contestant de façon insipide.

Voilà l’une des interrogations que je me suis posé sur l’avenir des syndicats. Regard de l’extérieur qui certes est incomplet et demande sans doute à être parfois contester par ceux qui baignent en plein dans le vif du sujet. Mais c’est aussi le but recherché afin d’agiter les consciences.

Ce sujet et s’inscrit aussi dans la continuité des autres : « La pensée unique », « La disparition du monde ouvrier », car se sont questions essentielles qui doivent animer la réflexion à l’heure ou notre société pourrait être à un tournant si l’on aide quelque peu en portant fort la rébellion.

* la photo noire est le "scan" d’une bouteille, dont on doit la fabrication à la verrerie ouvrière d’Albi.

Messages

  • La responsabilité des dirigeants syndicaux est énorme.De certains on ne pouvait attendre autre chose.Mais quand la cgt est aphatique et réformiste,toutes les inquiétudes me gagnent.Alors c’est a nous les militants de secouer le cocotiers afin de remonter au combat.fraternellement momo11

  • Et c’est bien là que quelque chose me gêne car j’ai l’impression que de plus en plus les actions sont devenues trop catégorielles au lieu de faire bloc face au patronat qui lui est uni dans le même but, celui d’exploiter le travailleur pour faire fructifier son capital.

    Comme chacun sait, les intérêts du patron ne sont pas les mêmes que ceux des ouvriers. L’intérêt du premier c’est de faire travailler le plus possible et de payer le moins possible, quand le deuxième préfèrerait travailler moins tout en gagnant plus.

    Au vu de l’argent parti en fumée dans les banques, mais sans doute aussi dans les entreprises, il est clair que se sont les salariés qui sont en position de force pour exiger leur dû. D’ailleurs si ce dû avait été honnêtement rendu à qui de droit, la boutique tournerait mieux et la crise économique serait très faible.

    Alors, seule solution pour en découdre, c’est qu’un maximum de salariés se syndique pour exiger son dû et le défendre. C’est ça ou la révolution tôt ou tard.

  • Quand on voit l’attitude des syndicats vis à vis de la retraite à 70 ans, j’avaais raison de me poser des questions !

  • Je suis effectivement d’accord, il est tant que le syndicalisme revienne un peu plus en force dans nos entreprises. Mais la question est comment.

    D’après l’analyse que je peux en faire avec ma vue extérieure, il existe quand même un grand fossé dans le syndicalisme. Le fossé qui sépare d’un côté les fonctionnaires et les salariés du privé. Je suis moi-même salarié du privé. Je comprends et j’appuie certaines revendications de mes camarades fonctionnaires. Mais j’ai vraiment l’impression que cela ne marche que dans un sens. De façon générale et ceux par rapport à ma faible expérience, les grands mouvements de contestations émergent presque toujours, voir toujours d’un mouvement de fonctionnaire. Les salariés du privé sont toujours soient invités à y participer soit à rester dans leurs coins. La force que pourrait tirer les syndicats s’est de s’occuper un peu plus voir à part égal aux revendications du secteur des fonctionnaires. Je pense que les enjeux de syndicats dans les prochaines années se joueront dans le secteur privé. On le voit bien les syndicats et notamment la CGT intervient dans les conflits du privé, mais cela reste sporadique. C’est toujours dû généralement à un ou deux militants. On a l’impression qu’ils n’ont aucuns soutiens directs des instances "dirigeantes". La CGT aurait plus de force en se penchant plus sur les problématiques du secteur privé. La seule fois où on peut entendre la CGT sur ces thèmes, c’est lors des élections prud’homales. C’est évident car les prud’homales ne concernent que les gens du privé. Je ne suis pas du tout pour ces fractures de classes. Il est temps que tout cela change. Il est aussi temps de revenir sur les fondamentaux qui on fait ce que la CGT a été et sera.
    La CGT y gagnera en nombre d’adhérents.
    De nombreux combats restent à mener. Pour ma part je continuerai à y participer.