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Le tiers-monde en Louisiane

Publie le mardi 6 septembre 2005 par Open-Publishing

de Dominique Dhombres

Une équipe de la BBC est en Louisiane depuis une semaine, et ce qu’elle découvre jour après jour à La Nouvelle-Orléans suscite la stupéfaction de ses journalistes, pourtant entraînés à garder un ton égal quel que soit leur sujet et à ne pas faire état de leurs sentiments personnels. Cette distance reste toujours de mise, mais le commentaire est parfois redoutable.

Un reportage montrait, lundi 5 septembre, l’entrée des parachutistes de la 82e division aéroportée dans la ville dévastée par le cyclone Katrina. "C’est l’aube à La Nouvelle-Orléans. Ce pourrait tout aussi bien être Bagdad" , affirme tranquillement un envoyé spécial, tandis qu’on aperçoit des hélicoptères de combat, des véhicules blindés et des patrouilles à pied d’hommes lourdement armés.

Le spectacle est particulièrement incongru dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans, reconnaissable à ses élégants balcons en fer forgé. "Ces soldats sont censés faire fuir les pillards, mais le quartier français a été totalement calme depuis notre arrivée ici" , poursuit le journaliste. "Il y a désormais 60 000 soldats et gardes nationaux déployés à La Nouvelle-Orléans, mais nous n’avons vu jusqu’ici qu’un seul médecin" , affirme-t-il encore.

La situation sanitaire est précisément ce qui choque le plus les envoyés spéciaux de la BBC. Un secouriste britannique qui vient d’arriver avec tout son équipement leur fait part de sa surprise. Il a davantage affaire à des pathologies qui lui rappellent le tiers-monde qu’à des traumatismes résultant d’une catastrophe naturelle. "Il y a beaucoup d’infections intestinales chroniques et aussi de nombreux enfants et adolescents psychotiques" , explique-t-il. Ces derniers ont été abandonnés à eux-mêmes quand la ville a été évacuée. Ce sont presque tous des Afro-Américains.

Les témoignages des réfugiés qui avaient été invités à se mettre à l’abri dans l’immense stade couvert de La Nouvelle-Orléans sont également accablants. Très vite, l’eau et les vivres ont manqué. Des gens sont morts sur place, faute de soins.

Un des envoyés spéciaux de la BBC remarque que, dans les catastrophes de ce genre qu’il a pu voir ailleurs, il y avait toujours, précédant les journalistes, des membres d’organisations humanitaires telles que Médecins sans frontières ou Oxfam. Pas là. Ces organisations avaient jugé que les Etats-Unis étaient capables de se débrouiller tout seuls.

En fait, il n’y avait personne.

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