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Les alliés inquiets dans la Maison hostile

Publie le samedi 1er juillet 2006 par Open-Publishing

de ILVO DIAMANTI Traduit de l’italien par karl&rosa

La DROITE a essayé, timidement, de répéter le conte du Pays divisé. Le Nord réformateur contre le Centre conservateur et le Sud assisté. Mais un simple coup d’œil révèle que la seule à être divisée par ce vote référendaire est précisément la Droite, la Casa delle Libertà, dont les locataires pourront difficilement poursuivre la cohabitation, comme auparavant. Aux conditions dictées par le maître de maison. Parce que le vote référendaire rend évidentes - et les accentue même - les distances entre les partis de la coalition. Il les transforme en fractures. D’autant plus critiques qu’elles se reflètent dans la géographie et dans les intérêts. Le référendum. Compliqué et abstrait. Il a été résumé, perçu, par la grande majorité des électeurs, à travers la "dévolution". Laquelle rappelle la question du Nord. La révolte du "petit Nord" : les provinces qui se trouvent au pied d’une montagne du Nord, parsemées de "petites" villes , peuplées par de "petites" entreprises.

Et d’ une "petite" bourgeoisie, d’une base de classes moyennes (« petites »). Le "petit Nord", devenu "grand", sur le plan du marché et du développement, aux années 80. Mais frustré, parce que contraint aux marges du pouvoir politique et économique. La Ligue, depuis les années 80, lui a donné une voix. Une voix rauque, comme celle de Bossi, par laquelle il a crié son intolérance et sa protestation. Son envie de compter pour quelque chose. Jusqu’à atterrir à Rome. En passant de l’antagonisme au gouvernement. De la révolution et de la sécession à la dévolution. De la société au palais du pouvoir. Ce référendum était, avant tout, son affaire. Il concernait la Ligue et le Peit Nord. Il était à la base du pacte entre Berlusconi et Bossi. L’axe du Nord, bâti, à la fin des années 90, par Tremonti. La Ligue plus royaliste que le roi, aux côtés de Berlusconi. Toujours. Berlusconi disposé et disponible vers la « dévolution ». Le drapeau qui aurait légitimé les compromis de la Ligue de gouvernement face aux électeurs des vallées au pied des montagnes. Ligue et Berlusconi. Toujours ensemble.

Même contre les alliés de la CdL : An et Udc, ancrées, par la géographie et par leurs intérêts, dans le Mezzogiorno. Au risque de générer des tensions même dans le « parti personnel » de Berlusconi. Forza Italia : dont la base électorale est concentrée dans des zones opposées, Lombardie et Sicile. Bien, après la longue campagne électorale qui a précédé les élections législatives d’avril, menée totalement à la télé, jouée sur la personne de Berlusconi, personnalisée et médiatisée, le territoire est revenu au centre de la politique. Et il a cassé la Droite, en plus de l’avoir réduite dans des espaces politiquement exigus. Comme le démontre le résultat du référendum.

Le Non l’a emporté largement, en dépassant 60% des voix valides. Il l’a emporté partout. Même au Nord, avec 52%. Même si, à ce sujet, revient le conte de la « question du Nord ». Etant donné que la Droite, et surtout la Ligue, insistent pour « couper » du Nord l’Emilie-Romagne. Parce qu’elle est rouge. Ou parce que « d’un façon descriptive » elle est en dessous du Pô. Toutefois, en négligeant le fait que la Ligurie aussi (en plus d’une partie du Piémont) est en dessous du Pô, au Nord, même en faisant abstraction de l’Emilie-Romagne, les deux positions s’avèrent très proches. Et le Oui l’emporte de justesse. Cela suggère, éventuellement, que ce n’est pas l’Italie qui est divisée mais plutôt le Nord, justement. Où d’ailleurs la constitution fondée sur la dévolution n’a été approuvée que dans deux régions, la Lombardie et la Vénétie, célébrées aujourd’hui, en effet, par la Ligue et par une partie de la droite, comme la « patrie des producteurs ». Le lieu de l’innovation politique et économique. Mais, si nous regardons attentivement le Nord padan - et même la Lombardie et la Vénétie - nous découvrons qu’il ne s’agit pas d’un unicum homogène. Non seulement parce que la moitié des votants environ, dans cette zone, s’est exprimée contre le référendum, mais aussi parce que l’esprit de dévolution souffle surtout dans les périphéries et dans les provinces.

En effet, le Non l’a emporté dans les villes les plus grandes. Dans les capitales. Toutes : de Milan à Venise. A Turin à Trieste. De Trente à Gênes à Bolzano. Mais aussi dans une grande partie des chefs-lieux de province. Le Non l’a emporté, dans 37 chefs-lieux sur 47, dans le Nord « naturel ». Dans 28 sur 38, dans le Nord padan (sans l’Emilie-Romagne). Dans 11 sur 19, dans la Lombardie et la Vénétie. Enfin, dans 13 chefs-lieux des 23 provinces où le Oui l’a emporté (Padoue, Vicence, Trévise, Brescia et Cuneo, entre autres). Ce qui rend évident ce que nous avons souligné au début. Ce référendum consacre le triomphe du localisme.

La République fondée sur la « dévolution » a été approuvée là où la Ligue « était » forte. Hier. Bien qu’aujourd’hui elle le soit beaucoup moins. Dans les provinces au pied des montagnes. Mais ce référendum représente, en même temps, une défaite pour la Ligue de gouvernement. C’est un évènement déchirant pour la Droite. Parce que la Constitution a été abondamment rejetée par les électeurs « amis ». Dans pas mal de zones où la CdL était forte. Où An, Udc et même Fi ont obtenu, il y a deux mois à peine, un résultat très positif. Dans le Sud. En Sicile, surtout, mais aussi dans les Pouilles. Où la CdL dispose de plus de 50% de consensus. Mais le Oui a obtenu environ 30% des voix valides. Ce qui signifie, si nous tenons compte de la marée grise de l’abstention, 13% environ des électeurs.

C’est pourquoi, si la géographie divise les électeurs de la Droite, il est permis de penser que les sujets politiques et les leaders de la CdL seront soumis, dès demain - peut-être dès hier déjà - à des poussées centrifuges particulièrement violentes.
1. An et l’Udc. Lesquelles, ces dernières années, ont participé à la définition d’un projet constitutionnel approximatif autour de la dévolution. Au nom de l’unité de la Casa delle Libertà. Et, surtout, pour le compte de son propriétaire et Patron. Que feront-elles, maintenant, alors que leurs électeurs en ont décidé autrement - les ont laissées seules. Maintenant, alors que les alliés padans vont insister, charger le ton, agiter leurs drapeaux, lancer éventuellement de nouvelles proclamations indépendantistes.
2. Le propriétaire de la maison, Silvio Berlusconi. Dans ce climat de trêve médiatique, après des mois de guerre électorale. Sans l’aide de la télévision qui fait disparaître le territoire du débat politique. Il le résume en entier sur les plateaux de « Porta a Porta » et de « Ballaro’ ». Que fera-t-il ? Arrivera-t-il encore à apaiser, à domestiquer les alliés inquiets ? Fini et Casini : réduits au silence. Traités comme des casse-pieds présomptueux. Comme s’ils étaient Tabacci et Follini. Et arrivera-t-il, Berlusconi, à tenir encore unie « son » Italie bleue, qui rassemble, sous le même toit, la Lombardie et la Sicile ? Le Sud qui craint de devenir « autonome » de l’Etat ? Et le Nord, le Petit Nord. Qui, il y a deux mois, à Vicence, avait accueilli avec enthousiasme ses proclamations antagonistes et anticommunistes. Maintenant où il est vraiment à l’opposition et que les communistes gouvernent. Le Petit Nord va-t-il l’aimer comme auparavant ?
3. Enfin et surtout : la Ligue. Qui peuple la partie d’Italie « la plus favorable à la dévolution ». Pourquoi devrait-elle rester enfermée dans une Maison hostile ? Avec ses fenêtres tournées vers le Sud ? Comment pourra-t-elle, la Ligue, expliquer à ses électeurs au pied des montagnes son travail de cinq ans à Rome. Et qu’elle a agi en alliée fidèle et complice de Berlusconi. En acceptant tant de compromis. Jusqu’à faire une liste commune, aux récentes élections, avec les démocrates-chrétiens siciliens de la Ligue Lombardo (au sens de Raffaele Lombardo...). Avec une seule mission : conquérir la « dévolution » pour le Nord. Pour voir ce drapeau réduit en cendre, en un seul jour, par le vent chaud du Sud, poussé par sa même coalition ?

Dans ce climat, ce n’est pas une surprise si le mythique rendez vous traditionnel de Pontida a été annulé. A cause de choc du projet. La Ligue après la dévolution. Que fera-t-elle ? Il est facile d’imaginer une reprise de la campagne contre l’Italie du Sud. Il est facile d’imaginer que Rome Capitale, votée par les voix de la Ligue même, redeviendra « Rome larron ». Il est facile d’imaginer que l’envie reviendra de renvoyer sur les roses les cul-terreux, les Italiens, les (néo) démocrates-chrétiens, les (post) fascistes.

Et que refera surface, même trop en sourdine, la menace de la sécession. Focalisée, éventuellement, sur l’indépendance de la Lombardie et de la Vénétie. Sauf que, dix ans après la marche sur le Pô et après ce référendum, il vaudra mieux pour la Ligue chercher un fleuve moins important...

http://www.repubblica.it/2006/06/se...