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de Enrico Campofreda traduit de l’italien par karl&rosa
Je suis à moi et mains qui dessinent un vagin. Mimosas de la part de tous, du chef harceleur aussi. Le 8 mars de celles qui sont à nouveau dans la rue pour défendre les droits de leur personne a été longtemps ainsi : au féminisme militant des années Soixante-dix a succédé le "féminisme" de pure forme de ceux qui te reconnaissent ce jour là une recréation à heures fixes. Chef, collègue, mari, compagnon pour ne pas parler du capital qui commercialise l’évènement comme une St Valentin en cellophane. Merchandising qui s’ajoute à la marchandisation des rapports amoureux, relationnels, sexuels où le mâle hérite le pouvoir phallocratique de l’ancien système patriarcal et le propose à nouveau avec des schémas à peine repeints du mode de vie contemporain.
Que des Pays confessionnels et post confessionnels reproduisent de tels comportements est très clair, il suffit de tourner le regard vers l’Iran des ayatollahs et vers l’Europe moderne, là où, comme chez nous, la culture catholique est la plus enracinée. Dans ces lieux, on relance le tribalisme pourri d’une femme mise sous tutelle. Ce ne sont pas que Khamenei et le Saint Père qui le font, c’est une grande partie de la communauté.
Naturellement, dans la Péninsule c’est le monde politique qui offre la plus grande misère. Le parlement italien et ses partis, sans exception, sont le miroir du contrôle que le mâle veut conserver et ce ne sont pas les quotas rose qui en ébranleront le conservatisme. Là où cela grince le plus, avec une présence autonome et autodéterminante de l’autre moitié du ciel dans les ganglions du pouvoirs, c’est quand on oouvre la porte de l’Eden à certaines femmes et qu’on leur permet de s’asseoir à côté des sultans dans les palais de la politique, de l’économie, de la finance (de la religion, non, celle-ci est de partout un tabou plurimillénaire). Il s’agit naturellement de cas rarissimes - de vrais miroirs aux alouettes - pour qu’on puisse affirmer avec rhétorique que non, Palazzo Chigi, Palaffari, Viale dell’Astronomia [le siège du gouvernement, la Bourse de Milan, le siège du syndicat des patrons, Ndt] ne sont pas des tours d’ivoire masculines et, qu’au fond, là-haut on supporte quelque petits tailleurs, pas que de secrétaires. Bien sûr, les femmes auxquelles on permet l’accès à la salle des commandes doivent reproduire des mécanismes qui n’effrayent pas le genre masculin, mais elles doivent, pour tout dire, le cloner et se montrer mâles. Cigare à part, trouverez-vous des différences entre Winston Churchill et Margaret Thatcher ? Et pas parce que tous les deux venaient des bancs des Tories. En somme, quand la politique ouvre aux femmes, elle les veut enrégimentées dans les schémas masculins, la société les accepte si elles ne perdent pas une féminité confondue avec une vaine beauté, le monde du travail les encadre dans des rôles subalternes ou les propose à nouveau comme fonctionnelles au pouvoir de l’homme. Et il y en a qui s’adaptent au masochisme ou au cynisme demandés.
Les refuges sont le couple et la famille, où règne le mystère naturel et merveilleux de la maternité, concédé à la femme avec une certaine envie par l’homme qui ne peut pas manifester la puissance de créer et de sentir pousser en lui la vie. Mais là aussi refont surface de vieux rôles, en proposant à nouveau une vie adaptée plutôt à des grands-pères qu’à une minorité différente de pères. Et à ce propos il faut faire une remarque. Le chemin vers la conscience d’elles mêmes que les femmes du siècle court ont introduit en imposant leur entrée dans l’histoire sociale avec de nouvelles fonctions a été accompagné par l’engagement pour l’émancipation et la libération féminines. Entre les années Soixante et Soixante-dix les batailles sur le droit au divorce et à l’avortement réalisées dans notre Pays ont influencé en un sens laïc et progressiste la société civile toute entière. Par cette expérience, un génération de mâles atteignait aux côtés de leurs compagnes une auto conscience de retour qui rentrait dans cette auto éducation d’un "personnel qui devient politique". Rien d’extraordinairement révolutionnaire, mais d’important, oui.
A la différence de ce qu’il avait vu faire par son père et son grand père, cet homme à dimension nouvelle a commencé à partager avec sa compagne pas seulement le lit ou la table mais aussi la cuisine avec la vaisselle à faire, la marmite sur la gazinière, les achats au supermarché, les enfants sinon à allaiter, à bercer la nuit, les cacas à nettoyer, le repassage et, dans sa petitesse, cela faisait déjà la différence. De nouvelles coutumes, des habitudes différentes et la conscience d’une manière différente d’entendre les rapports et l’amour, de vivre une relation adulte, de véritable échange, sur tous les terrains, y compris celui de la sexualité, attentive aux exigences de la partenaire qui ne signifiait pas pour le mâle proposer à nouveau la façade hypocrite de la "mère de ses enfants" et de la consolatrice "de ses envies". La psychanalyse expliquerait largement combien chaque mâle est enfantin et filial envers sa compagne-mère et que le parcours engagé pour établir des relations paritaires et satisfaisantes pour tous les deux est une voie à suivre avec moins de discours et plus d’émotion. De ce monde féminin conscient, qui entraînait des femmes au premier impact d’une réflexion sur elles mêmes et aussi des hommes qui partageaient de tels changements, restent des témoignages singuliers. Hélas, aux vagues de ’vie nouvelle’ des jeunes de Soixante-huit ont succédé aussi des années de restauration et de retour au passé. Des voix intéressantes de femmes parlent aujourd’hui de tant d’hommes incapables d’aller au pas des temps du vivre social, qui proposent à nouveau à côté du machisme habituel des formes lâches de fuite de leurs responsabilités et de leurs rôles selon une dichotomie misérable : macho ou alors rien.
Si on regarde les tentatives de changer les comportements publics et privés, les conflits et les duretés de ces réflexions, la manière de les vivre concernait le désir de se transformer aussi et au moins soi-même. Les rapports femme-homme dans une société qui voulait s’améliorer et où une partie de l’Italie voyait des sujets des deux genres engagés pour obtenir aussi bien des lois sociales que des comportements individuels meilleurs ne pouvaient pas tolérer qu’on donne, classiquement, de bons conseils et de mauvais exemples. Le camarade patron était un affront et aussi, hélas, une triste réalité. L’expérience de cette période fut limitée, contradictoire mais très vive et collective. Et elle n’est pas perdue, parce qu’ elle a offert à beaucoup des modalités de vie meilleures. Hélas, les sursauts d’un traditionalisme jamais mort, à l’assaut ces deux dernières décennies, sont en train de ramener les coutumes en arrière. Avec le paradoxe que les jeunes expérimentent moins que leurs pères, s’adaptent à de nouvelles propositions machistes vieux jeu relancées par le capitalisme technocratique qui se sert des médias comme d’une arme de propagande et de plagiat et des religions vivant la foi superstitieusement. Etre des femmes et des hommes nouveaux dans une société encore masculine et machiste basée sur la conservation et la discrimination est un parcours en côte. Que nombre d’utopistes continuent de toute façon à poursuivre, obstinément.