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Mystère Sandoval : Un mandat d’arrêt délivré par le juge argentin Torres

par Estelle Leroy-Debiasi

Publie le dimanche 18 mars 2012 par Estelle Leroy-Debiasi - Open-Publishing
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Le juge fédéral argentin Sergio Torres, chargé d’instruire le procès « Esma 2 », a délivré, il y a quelques jours, un mandat d’arrêt international contre Mario Alfredo Sandoval, selon l’AFP. Ce Franco-Argentin, spécialiste en « intelligence économique », est suspecté d’avoir pris part à la répression durant la dictature argentine, alors qu’il était officier au sein de Coordination Fédérale.

De nombreux procès liés aux crimes de la dictature et du terrorisme d’Etat sont encore en cours d’instruction en Argentine. Ils révèlent à chaque fois de nouveaux éléments sur l’organisation et le fonctionnement du système répressif, notamment les fameux « Groupes de tâches ». Fin 2011, quelque 266 criminels avaient été condamnés, pour la plupart sur le fondement juridique de crimes contre l’humanité.

Une des instructions les plus importantes en cours porte sur l’Esma où 5 000 personnes ont été transférées et ensuite « disparues ». « Ce procès « Esma 2 » regroupe les cas de plusieurs centaines de victimes –environ 800, dont Hernan Abriata, jeune étudiant en architecture (ndlr voir encadré ci-dessous). Les dossiers des victimes retenues dans ce procès le sont en fonction de l’avancement de l’instruction et des éléments de preuves » explique Maitre Sophie Thonon-Wesfreid, avocat spécialiste des droits de l’homme, notamment des familles des disparus français en Argentine, qui rappelle que le procès « Esma 1 » « concernant la iglesia de la Santa Cruz, c’est à dire les victimes de la rafle de décembre 1977 dont les Mères Fondatrices de la Place de Mai et les deux religieuses françaises, s’est terminé par la condamnation à perpétuité en novembre dernier de la plupart des accusés dont Alfredo Astiz, Miguel Angel Cavallo, et le « Tigre » Acosta ».

Aujourd’hui, le juge Sergio Torres, en charge de l’instruction de « Esma 2 », s’intéresserait à Mario Alfredo Sandoval, à propos de la coopération entre Coordination Fédérale et l’Esma, à travers des « équipes mixtes » de répression.

En fait, l’organisation répressive comprenait plusieurs « Groupes de Tâches » (escadrons de la mort). Fonctionnellement, l’Ecole de Mécanique de la Marine fut le siège du groupe de taches G.T. 3.3 composé par les unités de taches 3.3.1, 3.3.2 et 3.3.3 (ce dernier par des membres du Service d’Intelligence Naval-SIN-). Mais plusieurs membres du GT 3.3.2, dont la base opérationnelle était l’Esma, appartenait à la Police Fédérale Argentine – notamment à Coordination fédérale et au Service Pénitentiaire Fédéral.

Les Groupes de Tâches « impliquent une distorsion à l’organigramme militaire normal et de fait constitue un appareil parallèle qui exerce une subversion et une distorsion de la structure hiérarchique organisationnelle. Cela dans la mesure où ils étaient intégrés par des officiers de distinctes spécialités avec des pouvoirs en marge de l’échelle, de fait, y compris sur leurs supérieurs hiérarchiques » selon le témoignage de l’Inspecteur de la Police Fédérale Argentine, Rodolfo Peregrino Fernandez , sur la structure de la répression illégitime en Argentine, fait en 1983 devant La Commission Argentine des Droits de l’Homme (CADHU) porté à la connaissance de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies.

Appartenaient donc aux G.T. des civils et des membres d’autres forces de sécurité comme par exemple la Police Fédérale, la Police de la Province de Buenos Aires, la Préfecture Maritime, la Gendarmerie Nationale, etc. De son coté, Coordination Fédérale, abritait la « police politique » durant la dictature. Cet organisme était dirigé par plusieurs répresseurs comme Evaristo Basteiro. Des témoignages, de victimes ( http://www.desaparecidos.org/nuncamas/web/ccd/s/supintseg.htm ), décrivent avec précision comment était organisée Coordination Fédérale située au 1417 de la rue Moreno à Buenos Aires y compris la répartition des services selon les étages, le centre clandestin de détention et de tortures, et le fonctionnement des groupes de taches en liaison avec l’Esma ; « L’Ex Coordination Fédérale (aujourd’hui Surintendance d’Intérieur) de la Police Fédérale Argentine, a été constituée en siège du GT2 qui a fonctionné au 3eme. et 4eme étage de son bâtiment de la rue Moreno 1417, Capitale, sous la supervision opérationnelle du Commando du 1er Corps de l’Armée . À son tour, elle apportait du personnel à d’autres Groupes de Tâches intervenants dans la répression, comme par exemple celui qui opérait dans des dépendances de l’École de Mécanique de la Marine (GT3.2). Plus tard , d’autres étages du bâtiment, 5è., 6è., 7è., etc. ont été utilisés comme Centre de Détention illégale, laissant les prisonniers en condition « RAF » (dans l’air), c’est-à-dire, sans figurer dans aucun registre ». (Extrait du Dossier N° 7531).

Clairement, le système répressif reposait sur cette organisation parallèle que constituaient les dits groupes de tâches, chargés de traquer, enlever, de torturer et parfois de faire disparaitre les personnes.

Quant aux activités de Coordination Fédérale en tant que telle, et de ceux qui en faisait partie , elles devraient aussi faire l’objet d’une autre procédure judiciaire prochainement, comme le souligne Maitre Sophie Thonon-Wesfreid : « à ma connaissance, il s’agit de celle menée par le juge fédéral Daniel Rafecas qui se « limite », si je puis dire, au rôle de la Police Fédérale et de Buenos Aires dans la répression ».

Pour mémoire, en mars 2008 El Correo (www.elcorreo.eu.org) avait publié la traduction en français d’un article de Pagina 12 de la journaliste Nora Veiras, « El ex represor argentino Mario « Churrasco » Sandoval sigue haciendo carrera en Francia », concernant les activités passées de Monsieur Sandoval et abordant le cas de Hernan Abriata.
A la suite de quoi, Monsieur Sandoval a intenté une action en diffamation contre El Correo ainsi que plusieurs médias ayant repris ces informations. Le 16 février 2012 le tribunal d’Auxerre a débouté - pour prescription- Monsieur Mario Alfredo Sandoval de cette action en diffamation. Dans un communiqué diffusé le 24 février, que cite l’Express du 15 mars dernier http://www.lexpress.fr/actualite/mo..., « Monsieur Sandoval avait expliqué faire l’objet d’une "campagne de dénigrement systématique de la part de dizaines de blogs et autres sites d’information ». Le communiqué précisait également : « Monsieur Mario Sandoval rappelle qu’il nie fermement avoir participé à de quelconques exactions en Argentine et souhaite rappeler qu’il ne peut exercer son métier de chargé de conférence, conseil, formation, normalement, ayant été « blacklisté » sans ménagement ensuite (SIC) de la campagne diffamatoire dont il a été la victime. De la même manière, Monsieur Mario Sandoval dément tout rôle de conseiller officiel ou officieux auprès de la Présidence de la République Française. »

http://www.elcorreo.eu.org/Affaire-Sandoval-suite-Un-mandat-d-arret-delivre-par-le-juge-argentin-Torres