Accueil > Noir désir : "Avec Bertrand, et sans les murs autour"

Noir désir : "Avec Bertrand, et sans les murs autour"

Publie le lundi 19 septembre 2005 par Open-Publishing
13 commentaires

ENTRETIEN de PHILIPPE MANCHE

L’ambiance était plutôt détendue, fin de la semaine dernière, dans une brasserie parisienne où l’on retrouvait, non sans déplaisir, le guitariste Serge
Teyssot-Gay, le batteur Denis Barthe et le bassiste Jean-Paul Roy.

Humbles et dignes, les trois Noir Désir sortent de leur silence radio afin d’évoquer l’occasion de la sortie du double album en public et d’un double DVD.

Difficile de ne pas commencer cet entretien sans vous demander comment vous avez vécu, humainement, ces deux dernières années...

Nous étions au
studio en train de travailler sur le mix de l’album quand nous avons
reçu un coup de fil nous informant qu’il y avait un accident sur
Vilnius. Au départ, c’était un accident. Nous sommes partis séance
tenante sans savoir qu’on partait pour deux ans, pour dix-huit mois de
n’importe quoi, de choses incompréhensibles, de concassage médiatique
énorme. C’était la première fois qu’on était confrontés à une presse
dont on s’était tenus éloignés depuis longtemps. On ne leur voulait pas
de bien, pas de mal. On ne leur voulait rien.

Nous
avons été très clairs dès le départ. Le geste de Bertrand, on ne se
l’explique pas, on ne se l’explique toujours pas et on ne le comprend
pas. Si à un moment, on a manifesté une très forte solidarité, c’est
avec le bonhomme. Pas avec ce qu’il a fait. On n’allait pas, du jour au
lendemain, faire comme tout le monde et dire : « C’est incroyable, il a
caché son jeu depuis vingt-cinq ans. »

Il y a eu
le procès, le jugement, la sentence est tombée, Bertrand l’a acceptée
et il est rentré en France pour purger sa peine dans des conditions de
détention normales. Il mange au réfectoire avec les autres, il va à la
promenade, à la bibliothèque, au foot, au club musique. C’est à ce
moment-là qu’on s’est dit qu’on allait reprendre un projet qu’on avait
laissé inabouti. C’était la première fois qu’on ne menait pas à terme
un projet auquel on tenait. On en a donc parlé tous les quatre, et si
tous les quatre on en a envie, on continue. On a trouvé, pour la
première fois en deux ans, quelque chose de positif.

Quand
on s’est revus à Bruxelles, Serge, lors de votre concert avec le
musicien syrien Khaled al-Jaramani, vous rayonniez, parce que vous
aviez obtenu l’autorisation du ministère de la Justice de faire écouter
les mix à Bertrand. C’était forcément important de l’impliquer dans le
processus ?

Comme d’habitude, c’était une
démarche de groupe, et si Bertrand n’était pas partant, on n’aurait pas
sorti le disque. Lorsqu’on a pu faire écouter les mix à Bertrand,
c’était évidemment un passage très émouvant, parce que c’était dans des
conditions pas faciles pour nous, mais surtout pour Bertrand. On espère
que ça va lui faire du bien, que le disque sera bien reçu par les gens
qui aiment notre musique.

Lors de la promo de
l’album « Des visages, des figures », vous étiez particulièrement
sereins, ce qui est plutôt inhabituel pour vous. Vous aviez le
sentiment d’avoir sorti votre meilleur disque ou en tout cas le plus
libre et le plus ouvert ?

Le plus libre,
parce qu’on arrive à un niveau où on maîtrise notre langage plus que
jamais. On a une vraie évolution marquée par le disque, qu’on a cherché
à continuer de développer lors des concerts. C’est pour cela qu’on
avait envie d’enregistrer la tournée. L’apport de Christophe Perruchi,
comme cinquième membre, était important aussi, il nous a conçu un tissu
électronique.

Rétrospectivement, c’est la
sortie de « One trip one noise », votre album de remix, qui vous a
amenés à explorer de nouveaux territoires ?

On
s’en est servis parce qu’on s’est inspiré de la version remixée pour « 
One trip one noise » et pour « Les écorchés » qu’on s’est réappropriée
et qu’on a développée à notre façon. Nous étions décomplexés par
rapport à la vision qu’on avait de notre musique. Nous étions disposés
à une envie d’ouverture.

A l’écoute du live,
on se rend compte que si vous tourniez encore maintenant, ce serait un
autre album tant on vous sent dans l’impro et la recherche
permanente...

Initialement, après avoir
terminé les mix du live et d’autres projets, nous souhaitions
enregistrer un disque en vingt jours, compositions incluses. On avait
envie de se faire un petit brûlot et de se prendre à notre propre
contre-pied. Il suffisait que ça nous plaise ou que le challenge soit
intéressant.

« Des visages, des figures »,
avec la chanson « Le grand incendie », est sorti le 11 septembre 2001.
Vous en avez discuté entre vous ?

C’est une
drôle de coïncidence, on ne peut pas dire que c’est prémonitoire, mais
c’est troublant. Au départ, « Le grand incendie » devait être un
instrumental. Un dimanche, Bertrand s’est barré à Manhattan et il est
revenu le lundi avec le texte écrit au pied du World Trade Center.

Qui sont les nouveaux ou prochains Noir Désir ? Où est la relève ? Chez les Luke, Saez ou Deportivo ?

C’est
gratifiant pour nous mais c’est dur pour eux, parce que c’est réducteur
d’être étiqueté de copie de Noir Désir. Quand Saez, qui est vraiment
inécoutable, dit qu’il n’a jamais écouté Noir Désir, on est mort de
rire. Le reste n’est pas si flagrant. Luke mouille son tee-shirt, je
respecte vachement.

Est-ce qu’on parle de Noir Désir au présent ?

Bien
sûr. S’il y a un futur à Noir Désir, il n’existera pas avant qu’on se
soit retrouvés autour d’une table tous les quatre, avec Bertrand et
sans les murs autour. Et pouvoir parler de pourquoi Vilnius, d’une
suite sous le nom de Noir Désir ou pas, d’un concert, d’un album, d’une
tournée, d’un concert unique ou d’une tournée des clubs... Nous n’avons
pas rejoué ensemble, tous les trois, parce que, sans Bertrand, il y
aurait un gros coup de blues, et ce n’est pas envisageable. Attention,
il n’y aura pas de fonds de tiroirs de Noir Désir, de « best of »... Si
les morceaux ne sont pas sortis, c’est qu’ils ne passaient pas la barre
à l’époque, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Mais tout est
possible. Oui.

 http://www.leguide.be/Guide/musique...

Messages

  • L’action de Bertrand Cantat reste incompris par les membres de la fomation.
    Je trouve leur réponse digne et une il reste soudé soudés, et c’est superbe car j’ai l’impression que cela devient de plus en plus rare.
    Sans aucun doute, le "concassage médiatique" a du causé bien du tort mais ils restent grand et honnete.
    La critique est impossible.

    • "La critique est impossible"...sentence définitive, aussi définitive que la suppression brutale d’une vie, celle de Marie T.On ne peut ressentir qu’une grande gêne face au formatage de l’opinion au retour programmé du groupe Noir Désir avec comme vedette centrale B. Cantat : diablement excitant. Qu’il ait payé sa dette à la société ne change rien au fond de l’affaire. Quelques années de prison, c’est pas cher payé pour une vie détruite." On espère que l’écoute de cet album lui fera du bien", Marie, elle ne peut plus rien écouter, plus rien ne pourra lui faire du bien.Qu’elle reste donc enfermée entre ses quatre murs de terre et qu’on n’ en parle plus. Mais " Avec Bertrand, et sans les murs autour" : sans grand risque de se tromper, on peut parier que ça marchera fort et c’est le vrai ressort de toute ce nouveau "concassage médiatique". A vous donner la nausée.

    • "Qu’il ait payé sa dette à la société ne change rien au fond de l’affaire. Quelques années de prison, c’est pas cher payé pour une vie détruite."

      dis, tu serais pour que revienne la peine de mort ?

      parce que ça permettrait tout de même de nettoyer vite la planète de tous les inacceptables qu’elle supporte. au nom de dieu.

      "oh ! nom-de-dieu !!!"

      quand je lis ton post, j’ai une toute petite nausée. toute petite, imperceptible. c’est pire qu’une vraie envie de vomir. ça vous reste en travers de la gorge des jours et des nuits entières.

      à moins que je ne mette sur la platine "Trompe la mort et tais-toi, Trois petits tours et puis s’en va, J’opère tes amygdales ...........Et même lui laisser un certain goût de fer, Et ce bouquet de nerfs" en live, of course ........

      M.

    • Nausée contre nausée, trop facile ! Il s’agit surtout de noyer le poissson, occulter l’indécence.
      Je ne suis pas pour la peine de mort et moins encore pour la loi du talion. Que vient faire cette question ici ? Personne n’interdit non plus au groupe de revenir sur le devant de la scène. Mais avec B. Cantat au milieu, c’est parfaitement obscène.

    • mais où as-tu lu que Noir désir revenait avec Cantat au milieu de la scène ?

      un cd live et un dvd sortent, après deux ans d’attente, et c’est un véritable déversoir qui reprend sur le drame de vilnius. et dans les deux boîtes, que des choses qui existaient "avant" et qui appartiennent légitimement à un groupe musical "noir désir".

      pourquoi je parle de peine de mort, suite à ton post ?

      parce que tu écris que quelques années de prison sont nada en face d’une vie qui n’est plus.

      et parce que je me permets alors d’aller plus loin encore, en pensant que 5 ou 10 ou 30 années de prison, ça ne vaut rien en face de cette vie-là qui n’est plus.

      et parce qu’alors, courageusement, il faut savoir s’avouer que la peine de mort est le seul deal possible, après un raisonnement pareil !

      sinon, enfermer un homme jusqu’à la fin de ses jours pour qu’il paie "sa dette vis à vis de la société" (formule dans laquelle je ne me sens pas concernée, bien que faisant partie de la société ...), c’est finalement agir sans se salir les mains. laisser mourir à petit feu plutôt que de lâcher la peine ultime : la mise à mort.

      faut arrêter les fausses apparences, les hypocrisies ambiantes, et les judéo-christianismes bien-sur-toute-couture, surtout celle de la soutane.

      je suis contre la peine de mort et pour toutes les formes de courage humain. le chemin de croix de bertrand cantat en est une. et c’est sûrement pas si facile que ça de vivre avec ton fardeau. que tu as créé (presque) tout seul. et qui te sera régulièrement montré du doigt quand tu passeras le nez au travers de toute porte entr’ouverte. et de continuer à respirer. le coeur emprisonné et l’esprit martelé.

      M.

    • Des nausées !!!!!
      Toute une vie peut déraper a partir d un geste ou d un mot, il suffit d etre au mauvais endroit au mauvais moment, rien n est excusable, mais la justice a tranché.....
      La prison pour Bertrand, n est rien du tout comparé a la prison mentale dans laquel il est enfermé depuis ce terrible drame...
      Alors au expression j ai envie de "Gerbé" ou j ai la "nausée", ecoute juste "les ecorchés vifs" tu comprendras peut etre quelques chose a Noir Désir et Bertrant.

      Loran paris...

    • Je pense effectivement que Noir Désir aurait du avoir la décence de sortir le DVD et le CD en supprimant la voix et l’image de Bertrand Cantat ! Ca aurait été digne ...

    • N’importe quoi,

      Mais pourquoi mélanger ces deux choses qui n’ont rien à voir ?
      D’un côté une oeuvre artistique celle de Noir Désir, exceptionelle. De l’autre un homme avec ses faiblesses, peut être lâche, peut être pas, mais de toutes façons nous ne sommes pas jurés de ce drame, nous n’avons pas les éléments pour juger, et ce n’est pas notre rôle.
      Ecouter Noir Désir n’est pas excuser le geste de Cantat, cela n’a juste rien à voir. De toutes manières, des gens continueront d’écouter Noir Désir quoi qu’il arrive, même les membres du groupe, s’ils le souhaitaient, ne pourraient pas faire disparaitre Noir Désir. Alors autant t’habituer à voir l’image de Cantat et à entendre sa voix, car elle n’est pas prèt de disparaitre, même si il décide de ne plus jamais rechanter.

    • Suffit les groupies et les fans ! Le geste de Cantat n’a pas été un dérapage. Il n’a fait que révéler le fond violent du bonhomme avec son cynisme et son nombrilisme infantile de pop star. Se souvient-on de la belle chanson dénonçant Universal avec son contrat à la clé ? Et honte à la solidarité de mecs des membres du groupe qui, le connaissant, ont caché ce qu’ils savaient de ses noires tendances avant et après le meurtre. Mais chapeau quand même qu’ils admettent enfin, eux, que le mot accident ne colle plus à ce qui s’est passé à Vilnius. Que le dernier CD de la bande était génial, on s’en fout ! Ce qui fait gerber c’est de voir qu’on puisse écouter tranquille sa musique comme si rien ne s’était passé. L’art d’un donneur de leçon qui laisse crever sa copine après l’avoir roué de coups, ça c’est fort ! Quant à la question de savoir s’il aura payer sa dette à la société, on peut parier que si, au lieu de notre petit génie bourré aux as qui a mis moins de temps là-bas à trouver un excellent avocat qu’à appeller les secours, ç’avait été le beauf du coin qui avait envoyé sa tendre moitié dans l’autre monde, la petite boum entre copains serait pas pour demain la veille. Et merde à ceux qui ont tenté de justifier son geste en laissant entendre que la grande actrice était camée, colérique, etc. Moi, j’écoute plus que la chanson de Marie en duo avec Thomas Fersen. Ça, au moins, ça n’a pas d’arrière goût rance (voir l’étymologie : de rancidus).
      B. B.

    • Mais qu’est ce que vous voulez ?! Vous voulez détruire notre amour pour Noir Désir, vous voulez détruire la vie de Bertrand Cantat (la prison ça ne suffit pas, la peine éternelle à défaut de la peine de mort, ce serait de cracher sur lui dès qu’il sort, qu’on le harcèle et qu’on l’empêche surtout, surtout, de chanter). Détruire, détruire, détruire. Et puis qui vous êtes pour vous investir de cette mission absurde et mauvaise ? C’est pas comme ça qu’on fait avancer le monde dans le beau sens ! Je me demande ce qui vous permet de décider que Bertrand Cantat c’est un meurtrier qui cachait bien son jeu, un être froid, calculateur et égoïste. Je suppose que c’est la haine qui vous rend malade quand vous voyez comment il peut être admiré par ailleurs, en tant qu’artiste et homme engagé.

      Bref, j’aimerais pas être Bertrand Cantat à la sortie de prison, mais j’espère que les fous se seront calmés.

      Quand à moi je soutiens à fond Noir Désir, que j’adore, mais là n’était pas la question précédemment.

      Laure.

    • C’était un accident...ça n’excuse rien, mais c’était un accident...Et d’ailleurs, il faut tout de même distinguer l’homme de l’artiste. Qui trouve qu’écouter Jimi Hendrix et Jim Morrison est limite criminel ? Personne. Jimi Hendrix etait un violent machiste qui tabassait ses copines et leur fixait des règles de vie ultra strictes, exigeant qu’elles aient conscience de la " chance qu’elles avaient d’avoir un mec comme lui" ! Jim Morrison n’était pas à proprement parler un violent, mais un alcoolique à qui il arrivait de déraper et de taper sa copine. Qui trouve que les écouter est criminel ? Quelle est la différence entre eux et Bertrand Cantat ? Qu’ils sont morts, et lui pas ?