Accueil > Nous, les tifosi italiens à la foi incertaine

Nous, les tifosi italiens à la foi incertaine

Publie le mardi 20 juin 2006 par Open-Publishing
3 commentaires

de VITTORIO ZUCCONI traduit de l’italien par karl&rosa

BERLIN ­ Sur le canapé élimé de notre calcio, la Nazionale nous contraint encore une fois à nous allonger et à nous confesser. Nous sommes des Italiens sympathiques et inoffensifs, des patients chroniques condamnés à être dans le foot ce que nous sommes dans la vie, des maniaco-dépressifs, des cyclothymiques incurables, des tifosi qui se balancent, d’une façon instable et éternellement, entre la tristesse et l’euphorie, le machisme et l’habitude de se poser en victimes. Des champions le samedi et des nullités le lundi.

Nous sommes ceux qui portent le maillot délavé de Baggio, acheté en 1994, qui tire désormais sur le ventre, le peuple des bons enfants qui te cassent la figure par traîtrise avec un coup de coude et se repentissent vraiment ensuite, les "paisà" qui se dégonflent à la première faute et regardent avec un sombre pressentiment le bateau qui coule.

"Fair weather fans" disent ces Américains qui nous ont battu à plate couture même dans la guerre des supporteurs, quand Gattuso aussi agitait désespéré ses petits bras pour demander un peu de soutien aux gens devenus muets et dédaigneux, ceux-là mêmes qui auraient dû pousser les Italiens non pas à cause de leur vaillance mais justement parce qu’ils jouaient mal. Nous sommes des amis généreux quand le soleil brille, mais prêts à récupérer notre parapluie dès qu’il commence à pleuvoir.

On n’a pas besoin de demander confirmation à Mirko
Tremaglia (postfasciste, à la tête du Ministère des
Italiens à l’étranger dans le gouvernement Berlusconi,
NdT) : heureusement, même sur la loyauté aveugle et
absolue du mythique « compatriote à l’étranger »
désormais on ne peut plus compter. Les stades
allemands auraient dû être le vase collecteur de toute
notre passion présumée, déborder sur le pré, pousser
les nôtres comme une marée, même dans l’année amère
des Moggi Horror Show, pour un dernier tango avec le
calcio azzurro avant (peut-être) la grande purge. Mais
les nostalgies, les mouchoirs sur le quai, la mère
lointaine, la recherche obstinée du bon restaurant
italien, la FIAT tenacement achetée pour revenir au
pays pour les vacances ne changent rien au fait que
les Italiens à l’étranger sont des Italiens d’abord et
à l’étranger ensuite. Ils sont comme les autres
Italiens.

Il y a quarante-huit heures, on respirait l’extase
dans ces Mondiaux. Aujourd’hui nous sommes dans un
climat de « Apocalypse Now », la fin est proche, la
catastrophe est garantie contre ces fantastiques
Tchèques assoiffés de vengeance. « This is the end my
friend », quittez toute illusion. L’aptitude hautaine
de celui qui nous avait promis même « de nous amuser »
se transforme dans la contrition infantile du jour
d’après, quand on découvre que peut-être « nous avions
exagéré un peu », mais vraiment ?, dans l’euphorie
après avoir marqué deux buts avec le Ghana. La même,
identique squadra qui semblait n’avoir gagné le
Mondial que parce que les attaquants africains avaient
mis leurs chaussures à l’envers, est descendue
aujourd’hui au niveau du Trophée des Bains Mirella de
Viserba. Pleins de morgue dans la victoire, des
flagellants dans la malchance.

Combien de fois désormais j’ai dû assister aux veilles
fébriles et assourdissantes de Mondiaux parmi des
tifosi qui claironnent, arrivés d’Italie par tous les
moyens de transport en agapes bruyantes avec des
tifosi locaux qui ne parlent désormais que quelques
mots d’obscurs dialectes du Nord et du Sud de
l’Italie, unis par des serments éternels et des
enthousiasmes granitiques, « faisons gaffe », qui
disparaissent dès qu’un défenseur ou un attaquant se
trompent. Et qui laissent à la fin les frères d’Italie
fondus dans un seul, éternel sentiment commun :
l’entraîneur de service est un débile complet (cet
idiot de Sacchi, ce sot de Maldini, ce crétin de
Trapattoni, cet âne de Lippi) incapable de voir qu’il
aurait suffi de faire jouer ceux qui n’ont pas joué
pour gagner.

Je repense à l’expression ahurie d’Arrigo Sacchi quand
il arriva avec le car de la squadra pour le début
contre l’Irlande au Giants Stadium du New Jersey, où
l’idéologie des Little Italy et les pressions du
gouvernement de Rome avaient contraint la Nazionale à
se liquéfier dans la sauna de l’Atlantique plutôt
qu’en Californie et il découvrit que l’étendue de
tricolores qui couvraient les tribunes n’était pas
blanc rouge vert, mais blanc rouge orange. Les
compatriotes avaient vendu des milliers de billets à
des prix de marché noir aux Irlandais, offensés parce
que Sacchi n’avait pas amené Zola et n’avait pas fait
le tour des trattorie de la côte et les avait, selon
eux, « disrespected ».

« Vous ne marcherez jamais seuls » chantent les tifosi
du Liverpool à leur équipe, même quand, et cela lui
arrive souvent, elle ne gagne rien. Il sera bien si
nos footballeurs n’essayent pas d’imiter ceux du
Liverpool, au cas où ils ne se qualifient pas.
Derrière une Nazionale qui perd il n’y a jamais
personne.

http://www.repubblica.it/2006/06/sp...

Messages

  • oui , bien sur ils ont bon dos les supporters quand en 90 le gouvernement donna la coupe à l’allemagne unifié , quand les journaux en 94 suspecterent que l’italie laissa la coupe aux bresil , ou qu’en 98 apres que jospin fut recu la veille du quart de finale par le president italien , les journalistes declarent que la france avait plus besoin de cette coupe du monde que les italiens , ou encore que fiat se porta mieux apres la defaite contre la corée ?

    c’est vrai on est mauvais supporters , je le confesse , on ne tiffe pas pour une equipe bananiere , on l’insulte
    emmanuel , une honte d’etre italien

    • j’oubliais , meme si ce mondial nous revient d’apres ce qui me semble etre une copie du mondial 90 , il n’est pas sain de se moquer ( ou culpabiliser ) du tifosi de base à la veille d’une victoire
      Pourtant la verité est tres belle , non ?
      maniaco depressif le tifosi ?
      Beau travail en effet de nos elites .( le terme incompetant serait plus judicieux non ?)

      emmanuel

  • Face aux éternels suspisions de matchs truqués et de gestes d’anti-jeu que l’europe aime associé au football italien, il semble toujours lui donné raison. Effectivement toute l’Italie est magnifique quand elle gagne et rempli d’incapables ou d’incompris quand elle perd. Seulement l’Italie n’est pas un cas unique dans ce cas là mais les proportions, elles sont uniques. Comme pour sa vie politique l’Italie réagit toujours trop tard, il faut plus qu’un coup de balai devant la porte car aujourd’hui tout le monde s’invite à l’intérieur.

    Nic0.1