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Raffarin scelle le sort de Cesare Battisti

Publie le lundi 25 octobre 2004 par Open-Publishing


de Laurent Mouloud

D’un trait de plume, Jean-Pierre Raffarin a renié la parole de l’État français.
Et scellé le sort de Cesare Battisti. Samedi dernier, le premier ministre a signé le
décret d’extradition de l’ancien activiste d’extrême gauche, en fuite depuis
le 21 août. Désormais, il ne reste plus, à ce dernier, qu’un ultime espoir s’il
veut éviter la prison à vie que lui promettent les autorités italiennes : le
recours devant le Conseil d’État. Il sera déposé aujourd’hui par son avocat.
Un recours non suspensif. Même si, selon Me Turcon, « il existe une tradition
française qui est de ne pas extrader quelqu’un tant que son recours n’a pas été examiné par le conseil »

Le gouvernement Raffarin respectera-t-il cette tradition-là ? Rien n’est moins sûr. D’ailleurs, Me Turcon n’écarte pas la possibilité d’accélérer la procédure en saisissant le Conseil d’État en référé afin d’être sûr que le dossier sera jugé avant toute extradition. La plus haute - juridiction administrative - délibère sur la forme. Et surtout sur le fond. D’où le mince - mais réel - - espoir de Me Turcon. « Le Conseil - d’État a déjà annulé des décisions d’extradition, insiste-t-il. Celle-ci ne serait pas la première et sûrement pas la dernière. »

Battisti a toujours nié ces crimes

En attendant, le paraphe du premier ministre sonne comme le triste épilogue d’une cavalcade politico-juridique de sept mois. Sept mois au cours desquels le gouvernement français, zélé au possible, s’est empressé de satisfaire la requête du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi. Avec l’appui clair et net de Jacques Chirac.

Ancien responsable du mouvement des Prolétaires - armés pour le communisme, Cesare Battisti, quarante-neuf ans, a été condamné par contumace, en 1993, à la réclusion criminelle à perpétuité. La cour d’assises de Milan, en son absence, l’a reconnu coupable de quatre assassinats commis en Italie lors des années de plomb, à la fin des années soixante-dix. Cesare Battisti, lui, a toujours nié ces crimes. Mais il sait que, selon le droit italien, il ne pourra bénéficier d’un nouveau procès s’il retourne en Italie affronter ses accusateurs.

Depuis 1990, ce père de famille habite la France, est devenu auteur de romans policiers, a reconstruit sa vie. La « jurisprudence Mitterrand » lui a donné une seconde chance. Il l’a saisie. En 1985, l’ancien chef de l’État s’était engagé, en effet, à refuser - l’extradition des anciens - militants italiens d’extrême gauche, à l’exclusion des auteurs de crimes de sang. Neuf gouvernements successifs - de gauche comme de droite - ont tenu cette même ligne. - Jusqu’à l’année dernière.

Cesare Battisti a été arrêté le 10 février à Paris. Placé sous contrôle judiciaire, il disparaîtra dans la nature le 21 août dernier. Non sans - réaffirmer quelques jours plus tard, dans un courrier, son intention de se battre jusqu’au bout pour sa liberté. Las, le 13 octobre dernier, la Cour de cassation rejette son pourvoi, rendant définitif l’avis favorable de la justice française à son extradition. À ce jour, Cesare Battisti demeure introuvable.

Colère chez les partis de gauche

La signature du décret par Jean-Pierre Raffarin a fait réagir l’ensemble des partis de gauche. En « colère », les Verts ont rappelé, samedi, « leur solidarité avec les réfugiés italiens ». Ils demandent au président Jacques Chirac « de respecter la parole de la France ». François Hollande, lui, relève que, dorénavant, « Silvio Berlusconi va estimer qu’il peut demander l’extradition de tous ceux qui vivent ici en France, au prétexte qu’il y a sur eux tel ou tel soupçon par rapport aux années soixante-dix ». Le leader du Parti socialiste conclut : « Le premier ministre avait été interpellé, il a préféré rester sourd, c’est dommage pour le droit et la parole donnée. »

Même déception au PCF. « Le gouvernement prend une lourde responsabilité, souligne Henri Malberg, président de la commission justice du Parti communiste. Cette décision est un engrenage dans lequel vont s’engouffrer d’autres campagnes contre ces Italiens qui avaient confiance en la France. La parole de cette dernière va perdre de l’autorité auprès de tous ceux qui attendent d’elle le respect du droit d’asile. Enfin, je trouve aberrant que, trente ans après les faits, nous soyons incapables de tirer un trait et - arrêter la chasse à l’homme pour en venir, enfin, à un débat sur l’histoire de cette période des années de plomb. »

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-10-25/2004-10-25-448538