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Un ancien policier argentin rattrapé par la justice à Paris

par Laura Raim

Publie le dimanche 18 mars 2012 par Laura Raim - Open-Publishing
2 commentaires

Un juge argentin a délivré jeudi un mandat d’arrêt contre Mario Sandoval, soupçonné d’avoir été tortionnaire sous la dictature. Installé depuis plusieurs années en France, cet ancien officier de police a une intriguante carrière dans l’intelligence économique.

Il existe de nombreuses zones d’ombre dans la biographie de Mario Sandoval, contre qui un juge argentin a délivré un mandat d’arrêt international jeudi. Soupçonné d’avoir été tortionnaire sous la dictature argentine, cet ancien officier de police, installé en France il y a plusieurs années, a ensuite fait carrière dans l’intelligence économique.

Ce Franco-argentin a toujours nié avoir joué un rôle actif sous la dictature militaire (1976-1983). Il a même poursuivi pour diffamation plusieurs médias français qui évoquaient son passé présumé de tortionnaire. Plaidant l’homonymie, Sandoval a été débouté en février par le tribunal correctionnel d’Auxerre.

Mais les nouveaux éléments dans l’enquête menée par le magistrat Sergio Torres pourraient s’avérer compromettants pour cet homme de 58 ans qui se présente aujourd’hui comme professeur à l’université Paris III et expert en intelligence économique.

Sergio Torres enquête en effet sur les crimes commis à l’École supérieure de mécanique de la marine (Esma), centre de torture emblématique de la dictature où ont été torturés, avant de disparaître, quelque 5000 personnes. Environ 600 centres de détention clandestins ont été utilisés durant la dictature argentine, dans lesquels ont disparu la majorité des 30.000 victimes du régime militaire. Or le surnom « Churrasco » (« grillade », qui fait référence à la torture des victimes à l’électricité sur un sommier en métal) revient à plusieurs reprises dans les témoignages des rares survivants de l’Esma. Et l’enquête a permis de conclure qu’il s’agissait de Mario Sandoval, qui opérait à la fois dans le centre de torture de la Coordination fédérale, sorte de police politique de la dictature, et à l’Esma au service de la marine. Sandoval est ainsi accusé d’avoir été responsable de « tortures, détentions illégales et tortures ayant provoqué la mort ». D’après le quotidien argentin Pagina 12, il aurait notamment joué un rôle décisif dans la disparition, le 20 octobre 1976, d’un étudiant de 24 ans, Hernan Abriata.

Une carrière dans l’intelligence économique

Après la chute de la junte en 1983, la suite de sa carrière continue d’être obscure. Sandoval aurait fréquenté les paramilitaires d’extrême-droite en Colombie avant de s’installer à Paris, où il s’est fait un nom dans le milieu de l’intelligence économique. Selon un article du Monde diplomatique, il a enseigné à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (Iheal) et entretenu des liens avec les universités de la Sorbonne Nouvelle et de Marne-la-Vallée. C’est en participant à des colloques spécialisés qu’il a rencontré Alain Juillet, ex-directeur de la DGSE et ancien Haut Responsable pour l’Intelligence Economique en France.

À en croire Pagina 12, et certains journaux colombiens, Sandoval se serait même hissé jusqu’au cercle des conseillers de Nicolas Sarkozy. Une journaliste du quotidien l’aurait en effet aperçu en janvier 2008 dans le Conseil de défense et de sécurité national. Mais Sandoval a toujours démenti avoir joué un rôle, officiel ou officieux, auprès de l’Élysée.

Le mandat d’arrêt international, ayant pour but d’obtenir l’extradition en Argentine de Mario Sandoval, « a été envoyé à Interpol », a dit une source du tribunal, ajoutant que « l’adresse du suspect à Paris a été également envoyée à Interpol France ».

http://www.lefigaro.fr/international/2012/03/16/01003-20120316ARTFIG00489-un-ancien-policier-argentin-rattrape-par-la-justice-a-paris.php

Messages

  • Pessac journal sud ouest du jour
    Torture à la française Par WILLY DALLAY
    Il y avait du « made in France » et des anciens de l’OAS, dans les dictatures d’Amérique Latine .

    Ce petit bout de femme est finalement plus efficace que les gros bras. Dans son documentaire « Escadrons de la mort, l’école française », Marie-Monique Robin a obtenu des aveux des tortionnaires des dictatures d’Amérique Latine des années 70 et 80, notamment en Argentine et de ceux qui les avaient formés, les Français anciens d’Indochine et d’Algérie, particulièrement de l’OAS.
    Ce documentaire de 2003 a été projeté samedi au Jean-Eustache, dans le cadre des Rencontres du cinéma latino américain, lors d’une soirée consacrée à la réalisatrice. Elle a participé à un débat à l’issue d’une double projection, car un autre de ses films était aussi au programme : « Argentine, le soja de la faim » (lire ci-contre). Il est de la même veine que « Le Monde selon Monsanto », un film et un livre, traduits dans 15 langues et qui ont rendu célèbre leur auteure, menaces comprises…
    A-t-elle triché pour faire parler les tortionnaires argentins ? « Je me suis présentée comme historienne », a-t-elle expliqué au public. Ce n’était pas tout à fait faux. Elle commence par un général qui lui donne le téléphone d’un autre, puis d’un autre et elle se retrouve en peu de temps avec un quarteron de « généraux à mettre en boîte ». Un vrai coup de filet dans lequel les militaires se font prendre bêtement. Sentiment de toute puissance encore présent, fierté sans regrets pour les horreurs commises, certitude de l’impunité… ont endormi leur méfiance. Sans plus s’informer sur celle qui les mettait à la question sur des sujets aussi sensibles, ils l’avaient cataloguée « historienne d’extrême droite ». Marie-Monique Robin s’en amuse : « Pour des spécialistes du renseignement… »
    « Crevettes Bigeard »
    Elle a aussi obtenu les révélations de Français qui les ont formés, ou ont encadré cette formation, jusqu’aux propos hallucinants de cynisme tranquille de Pierre Messmer, ministre sous de Gaulle, puis sous Giscard. Car lorsque les pays du cône sud de l’Amérique Latine devinrent des dictatures, la France continua à leur apporter le concours de ses anciens de l’OAS. Leur savoir-faire en matière de guerre antisubversive était basé en grande partie sur le renseignement par la torture, puis l’élimination des torturés. La France bénéficiait de l’expérience des « Crevettes Bigeard », du nom du colonel du même nom. Pendant la guerre d’Algérie, elle avait consisté à se débarrasser des opposants en les lâchant dans la mer depuis un hélicoptère, les pieds coulés dans du béton…
    Marie-Monique Robin fait remonter la sinistre collaboration entre France et Argentine aux années 30 : « Des liens entre les mouvements d’extrême droite des deux pays se sont noués par les catholiques intégristes. On justifiait la torture (et la mort) avec les arguments de l’Inquisition. »
    La réalisatrice n’a pas eu besoin de « raconter de bobards » au général Aussaresses. Il avait déjà fait son coming out dans un livre et il assume : « Je suis un voyou… de la République. » Puisque la République savait et organisait.
    Le film de Marie-Monique Robin a entraîné l’arrestation de plusieurs généraux, en Argentine. Primé par le Sénat, il n’a pas en revanche, déclenché d’enquête parlementaire dans la Patrie des droits de l’homme.

  • "À en croire Pagina 12, et certains journaux colombiens, Sandoval se serait même hissé jusqu’au cercle des conseillers de Nicolas Sarkozy. Une journaliste du quotidien l’aurait en effet aperçu en janvier 2008 dans le Conseil de défense et de sécurité national. Mais Sandoval a toujours démenti avoir joué un rôle, officiel ou officieux, auprès de l’Élysée."