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Walter Veltroni, le prestidigitateur...

Publie le lundi 2 juillet 2007 par Open-Publishing

de Enrico Campofreda traduit de l’italien par Karl&Rosa

A la chasse de quoi va l’animal le plus politique, le chien qui flaire, le chien d’arrêt et le retriever, le grand lévrier du centre-gauche sinistré ? De succès et de consensus qui sont les architraves pour la création du pouvoir et pour sa conservation.

Pour ce faire il poursuit, plutôt que des rêves, une magie : conjuguer des oxymores politiques, une tache qui semblerait plus dure que les formules impossibles qui ont fait l’histoire de l’Italie chrétienne-démocrate.

Ça vous dit quelque chose "convergences parallèles" de l’époque de Moro. Eh bien, le nouveau leader du Parti Démocrate propose et promet un saut périlleux beaucoup plus hardi. Quadruple. Celui qu’aucun gymnaste ne pourra sortir aux Jeux de Pékin simplement parce qu’il est aux limites de l’humain.

Mais la politique, à la différence des tremplins, est faite d’illusions et alors on peut beaucoup dire et espérer. Justement le parcours entrepris par la gauche qui fut communiste et réformiste, pour se retrouver démocrate de gauche et atterrir au Parti démocrate peut être la table de lecture des perspectives illustrées par le Maire des maires et en a même préparé l’évolution pendant des années. Par la ligne des sacrifices à sens unique, seulement pour les salariés.

L’iniquité fiscale, la vie chère, la casse des garanties conquises après des décennies de revendications et de négociations, la régularisation législative de la précarité. Lesquelles, si elles n’ont pas toutes été décidées par des gouvernements « amis », ont reçu l’aval et le consentement de cette gauche et de ce syndicat qui ont mis de côté leurs rôles historiques.
A Veltroni, à sa bonhomie et à ses sourires, la tâche de dorer les pilules futures un peu en brouillant les pistes et en parlant, comme il l’a fait dans son discours d’installation [à la tête du Parti démocrate, NdT], des bonnes manières qui ne gâchent sûrement rien, mais qui ne sont que de la forme, alors qu’ il faut de la substance au Pays.

La politique pourra sans doute bénéficier de la modération des tons, de la réduction des brutalités bestiales que surtout la composante de la droite post et néo-postfasciste reproduit et relance. Mais le bon ton n’est pas synonyme de transparence et de bon gouvernement. Les mœurs politiques des années 60 et 70 n’étaient pas grossières comme les mœurs actuelles et pourtant la saloperie criminelle des massacres d’Etat était poursuivie par des politiques qui parlaient tout bas et qui ne manifestaient aucun conflit d’intérêt évident.

En confirmant les masques, les deux dernières législatures ont très bien montré qu’on peut être bagarreurs et prêts à se mettre d’accord et qu’on est d’autant plus faussement explosifs qu’on cache des manigances pas légères du tout. Les affaires des petits malins entraînent les leaders de Parti autant que les trafics des ténors de la Première République.

C’est dans les propositions concrètes que Walter et ses frères devront épuiser toutes leurs qualités de prestidigitateurs. Et cela pas tellement dans leurs rappels au bon sens pour éviter – que sais-je – un écologisme masochiste qui lutte contre la grande vitesse ferroviaire et garde des trains escargots et une circulation sur des routes polluées, des rappels sur lesquels l’usure du temps peut faire converger même l’approbation de verts irréductibles.

Mais quand il dit : « La société est immobile, aujourd’hui l’enfant de deux diplômés a 7 fois la probabilité de se diplômer par rapport à l’enfant de deux parents sans diplôme. Nous voulons que cette divergence se réduise de 30% ». Il dit plus ou moins une belle chose comme moins de taxes pour tous, mais absolument vague. Parce que si les deux diplômés en question sont des avocats ou exercent des professions libérales ils pourront payer à leurs enfants des études à « La Sapienza » [la plus ancienne des universités de Rome, NdT] ou à Harvard, mais s’ils sont des salariés – publics ou privés, n’en déplaise au prof. Ichino – gagnant 1500 euros par mois, 3 000 à tous les deux et devront en payer 1 200 de location en payant les études d’un enfant, nous disons d’un et pas de trois, à l’Université, ils vivront cette boutade comme l’énième conte.

Or, on s’attendrait des ghostwriters du nouveau leader du Parti Démocrate et de lui-même, qui veut conquérir le Pays sur le terrain de la communication mais pas des blagues, quelque chose de plus intelligent que les petits discours de Rutelli écrits par Barbara [la journaliste Barbara Palombelli, sa femme, NdT]. Nous voilà, au contraire, à quelques lustres de la fatale « descente sur le terrain » [entrée en politique de Berlusconi, NdT] enn train d’assister à une autre descente comme s’il s’agissait de l’énième « match du cœur ». Les Italiens, et surtout les Italiens qui travaillent, les moins aisés parce que – hélas pour eux - ce sont des salariés, qui payent les taxes et entretiennent une armée en éternelle hausse de gens qui n’en payent pas, ces salariés broyés par les centaines d’accords syndicaux au rabais, voudraient du leader du rassemblement politique qui pose sa candidature pour soulever l’Italie des propositions n’ayant pas le goût amer des tours de prestidigitation.

Mais Veltroni veut gouverner et pour ce faire il choisit le chemin de l’enchantement. Œcuménique, bénissant, thaumaturgique. Pour ce faire il devra laisser, comme le Guépard, toute chose à sa place. Il deviendra le leader et le premier ministre en dispensant des sourires et en caressant les enfants. Il nous donnera des fêtes, du cinéma et des métros comme la droite ne sait pas les faire. Contentons-nous de la magie.